Le procureur de la République de Reims a été saisi de cette affaire dans laquelle une femme et sa fille sont mortes suite à des coups de feu dans la Marne, entre Loisiy-sur-Marne et Maison en Champagne. Il a livré les derniers éléments de l'enquête.
La mort d'une femme de 47 ans et de sa fille, lundi 4 avril 2022 dans la Marne a donné lieu à une enquête dont le procureur de Châlons-en-Champagne puis celui de Reims ont été saisis. Ce dernier, Matthieu Bourette a précisé que ce lundi, les effectifs de la police judiciaire d’Auxerre et ceux de la BRI de Dijon devaient interpeller Jérôme M. et Nathalie L., tous deux nés en 1974, sur commission rogatoire d’un juge d’instruction d’Auxerre, pour des faits d’enlèvement en bande organisée, commis au préjudice leur fille, née le 7 février 2013.
Les faits d’enlèvement dataient du 10 février alors que l’enfant déjeunait avec l’éducatrice de l’ASE, auprès de laquelle elle était placée par le juge des enfants d’Auxerre. Après plusieurs semaines de recherche, les services de la police judiciaire d’Auxerre localisaient la famille, près de Vitry le François, sur un terrain privé appartenant à un membre de la communauté des gens du voyage qui n’était pas sur place. Ce terrain était vide de tout occupant en dehors de la caravane occupée par la famille en fuite.
Grâce à l’utilisation de moyens techniques, la présence de l’enfant était confirmée dans la matinée du 4 avril, et après concertation entre les services d’enquête, les services d’intervention, et le magistrat instructeur auxerrois, il était décidé d’intervenir dans l’après-midi du même jour. Il paraissait aux enquêteurs difficile de différer cette intervention au lendemain matin.
L'homme prostré dans une caravane
Aux alentours de 17 heures, deux équipes de la BRI, soit une quinzaine d’hommes au total, intervenaient et approchaient de la caravane en colonne d’assaut. Lorsqu’ils arrivaient à environ deux mètres de la caravane, ils entendaient deux coups de feu. Ne sachant pas si ces tirs étaient en leur direction, ils avançaient progressivement vers la caravane, cassaient un carreau de celle-ci. Ils voyaient alors le corps de Nathalie L. et de l’enfant. Jérôme M. se trouvait accroupi dans un coin de la caravane. Sur ordre des fonctionnaires de police, il sortait sans opposer de résistance, était interpellé et placé en garde-à-vue dans le cadre de la commission rogatoire.
Le parquet de Châlons-en-Champagne, avisé aux alentours de 17 heures 30, se déplaçait sur les lieux, ouvrait une enquête pour des faits d’homicide sur mineur de moins de 15 ans et homicide par conjoint, et saisissait la section de recherches de Reims de l’enquête criminelle. La section de recherche de Reims procédait à la reprise de garde-à-vue et prenait en charge le mis en cause. De très nombreuses investigations techniques étaient réalisées par les enquêteurs. Le parquet de Reims reprenait la compétence du dossier, s’agissant d’une affaire criminelle, à l’issue des 24 premières heures de la garde à vue du mis en cause.
Des éléments recueillis dans le cadre de l’enquête, aucun échange de coup de feu n’a eu lieu entre les services de police et le mis en cause. Les constatations sur place permettaient d’écarter tout usage des armes par les intervenants police. A l’intérieur de la caravane, espace réduit, une femme, identifiée comme étant la mère, Madame L., était retrouvée la tête posée contre le mur intérieur de la caravane, face à l’entrée de la caravane, tandis que l’enfant se trouvait allongée sur le flan, à droite à l’intérieur de la caravane, et le mis en cause était appréhendé au niveau de la porte d’entrée.
Des autopsies pratiquées
Les décès étaient immédiatement constatés, sans possibilité pour les secours tard d’intervenir utilement, bien qu’arrivés très rapidement 10 minutes environ après les faits. Des autopsies étaient pratiquées sur les deux corps : il était constaté que l’enfant avait subi une seule blessure par arme à feu a la tête, sur la tempe, sans orifice de sortie, sans autre trace de violence physique constatée. Le corps de Madame L. présentait une importante blessure à la tête avec perte de matière cérébrale. Elle présentait également des traces de sang au niveau des poignets et des avant-bras.
Jérôme M., dont l’imprégnation alcoolique était négative, était entendu à plusieurs reprises et fournissait dès le départ et de manière constante les mêmes explications : son épouse, depuis plusieurs semaines, lui avait indiqué qu’il n’était pas question de se laisser appréhender vivants, ni que leur fille puisse être à nouveau placée. Les parents suspectaient qu’elle avait pu être violée alors qu’elle était placée. Le couple disposait bien d’une arme ancienne, remise par un tiers, selon le mis en cause uniquement manipulée par son épouse, et qui était en permanence chargée de 2 cartouches. Il avait réussi à plusieurs reprises à la dissuader d’envisager ce passage à l’acte funeste.
Jérôme M. poursuivait en expliquant que son épouse, le jour des faits, s’était rendue compte de l’intervention des forces de l’ordre, avait alors saisi l’arme en permanence chargée, avait fait feu sur leur fille en posant l’arme sur la tempe de cette dernière, alors qu’elle était en train de jouer dans la caravane, puis avait retourné l’arme contre elle. Il disait ne pas avoir eu le temps d’intervenir, que jamais il n’aurait pu passer à l’acte et qu’il n’avait pas manié l’arme utilisée. Il ajoutait que son épouse s’était confiée à une de leurs connaissances : elle lui avait fait valoir qu’elle n’accepterait jamais que sa fille lui soit repris, et qu’elle préfèrerait la tuer puis se suicider dans l’hypothèse d’une intervention policière.
Trois hypothèses
Ce témoin, qui n’est pas sur le département et qui n’a eu aucun contact avec le gardé à vue depuis les faits, a été entendu et a confirmé les dires de J.M. Des investigations techniques étaient réalisées afin de rechercher sur les mains des deux adultes d’éventuelles traces de poudre. Les deux adultes présentaient des traces de poudre, ce qui pouvait s’expliquer par l’exiguïté des lieux. Toutefois, il apparaissait que des traces beaucoup plus importantes étaient relevées sur les deux mains de Madame L. que sur les mains de Monsieur M., étant précisé que sur l’une des mains de M M., aucune trace de poudre n’était relevée.
D’autres investigations techniques étaient lancées dans le temps de la garde à vue, mais sans retour des résultats, notamment les recherches d’empreintes digitales et d’ADN sur l’arme, ainsi que des analyses balistiques.
3 hypothèses d’enquête peuvent être retenues à ce stade :
- le meurtre de l’enfant par Madame L. suivi du suicide de Madame L.
- le double meurtre de l’enfant et de madame L. imputable à monsieur M.
- le meurtre de l’enfant par Madame L. suivi du meurtre de madame L. par monsieur M., cette hypothèse paraissant la moins solide des 3.
Investigations en cours
Compte tenu de ces éléments, le procureur a décidé de lever la garde à vue de Monsieur M. et d’ouvrir en urgence contre X une information judiciaire des chefs d’homicide volontaire et homicide sur mineure de 15 ans. Le procureur estime en l’état, et alors que les investigations sont loin d’être terminées, qu'il n'y a pas suffisamment d’éléments pour envisager de présenter Monsieur M. devant un magistrat instructeur et de solliciter à ce stade sa mise en examen pour homicide(s). Cette information judiciaire ouverte en urgence va permettre de poursuivre immédiatement les investigations techniques pour affiner les hypothèses ci-dessous mentionnées.
En revanche, Monsieur M., qui était recherché dans le cadre de l’enquête diligentée par un juge d’instruction d’Auxerre pour enlèvement en bande organisée, a été placé en garde à vue de ce chef, à l’issue de sa garde à vue pour homicide. Cette garde à vue est pilotée par le juge d’instruction d’Auxerre, elle peut durer un maximum de 96 heures (moins le temps déjà passé pour le double homicide), et il appartiendra à ce magistrat de décider des suites à donner à la situation de Monsieur M..
Enfin, s’agissant du profil du couple, les deux ayant des casiers vierges, il s’agit de marginaux, socialement très défavorisés, sans activité professionnelle connue ou déclarée, vivant d’expédients, et appartenant à la communauté des gens du voyage.