Octobre rose. Le témoignage de Véronique, devenue "patient partenaire" après un cancer du sein

Après avoir lutté contre un cancer du sein, Véronique Batteux a fait le choix de ne pas tourner le dos à la maladie mais de la regarder droit dans les yeux. Après le combat, elle a quitté son emploi dans une société de transport routier pour devenir patient partenaire et mettre ainsi son expérience au service des malades.

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Fin 2017, Véronique Batteux apprend qu’elle a un cancer du sein. Des mois de combat plus tard, elle est aujourd’hui en rémission, mais elle reste pleinement mobilisée contre la maladie, pour aider les autres. Ainsi, elle a décidé de consacrer sa vie à l’accompagnement des malades en devenant patient partenaire.

Un changement de vie professionnelle radical pour cette Marnaise, mère de trois enfants, qui était coordinatrice dans une entreprise de transport routier avant cette épreuve. Être "patient partenaire", c’est "permettre aux personnes atteintes d’une maladie de transformer leur expérience vécue de la maladie en expertise au service de la collectivité", comme on peut le lire sur le site internet de l’université de la Sorbonne. Véronique Batteux a choisi d’accomplir cette mission en milieu rural, du côté de Sézanne et Montmirail dans la Marne. Entretien.

Ce cancer, comment l’avez-vous vécu ? Puis, comment s’est passé votre retour au travail ?

Ça a été compliqué parce que je n'ai pas matérialisé ce qui se passait pendant les traitements, ce que je ressentais au niveau physique, au niveau douleur, au niveau fatigue. Je ne voulais pas embêter ou causer de soucis à cause du cancer. C'est une erreur puisque les personnes en face ne peuvent pas savoir si on ne leur dit pas. Quand je suis revenue [au travail], elles s'attendaient évidemment à ce que je revienne à 100 % et je n'en étais pas capable. Je ne savais même pas de quoi j'étais capable puisque je découvrais des phénomènes dont je n'avais pas entendu parler au niveau cognitif, de la fatigue, de l'ascenseur émotionnel, de la gestion des émotions. Tout ça me chamboulait totalement. C'est difficile de faire marche arrière quand on a dit "ok, je vais bien, tout va bien". Donc, ça a été très compliqué et je me suis perdue. Je me suis dévalorisée petit à petit. Je me suis sentie incapable de faire ce que je savais faire parfaitement. J'ai préféré arrêter parce que j'avais le sentiment d’être un poids pour l'entreprise dans laquelle je travaillais, et pour mes collègues.

Je ne voulais pas embêter ou causer de soucis à cause du cancer.

Véronique Batteux

Vous avez alors eu l'idée de reprendre des études, que s’est-il passé ?

Quand j’ai quitté l’entreprise, c'était juste avant le premier confinement et je me suis vite demandé ce que j’allais faire. J'avais entendu parler des patients partenaires, de ce diplôme universitaire qui existait à l'université des patients Sorbonne. J’avais aussi cette idée en tête de pouvoir intervenir en entreprise, de sensibiliser. Je me suis dit que j’allais conjuguer tout ça et passer aussi un titre professionnel de formateur d’adultes. J'ai engagé les deux en même temps.

C'est quoi être patient partenaire ?

C'est transformer son expérience de la maladie en expertise, si on peut dire, parce qu’on possède le vécu d'une maladie chronique que ceux qui ne sont pas passés par là ne connaissent pas. C’est aussi une connaissance fine des traitements, de comment on les vit physiquement et personnellement.

J'ai choisi de devenir patient partenaire parce que je me suis rendu compte avec ma propre expérience qu’il y avait un trou dans la raquette.

Véronique Batteux

Pourquoi avez-vous choisi ce métier de patient partenaire ?

J'ai choisi de devenir patient partenaire parce que je me suis rendu compte avec ma propre expérience qu’il y avait un trou dans la raquette. On prend en charge les personnes qui sont touchées par un cancer. On les soigne bien, on a de la chance, mais toute cette partie personnelle, la prise en compte de leur situation familiale, professionnelle, de leurs enjeux affectifs et autres, ça ne peut pas être totalement pris en compte. Quand on est face à un médecin, quand on est face à n'importe lequel des professionnels de santé, on a face à nous un professionnel de santé. On ne va pas s'autoriser à tout dire, parce qu’on sait qu'il y a des gens dans la salle d’attente, parce qu’on estime que peut-être ce sujet-là n'a pas grand intérêt et qu’il ne va pas pouvoir nous aider.

Il y a plein de choses qu'on va taire et dont on aurait besoin de parler. Que ce soit les patients ou les proches, il y a des choses qu'on a besoin d’évacuer, on a besoin de parler sans tabou, sans filtre. Je me suis dit qu’avec ma position de patient partenaire, ils allaient se sentir libre avec moi. Moi, je ne suis pas médecin, je ne suis pas psychologue. Je n'ai pas de blouse, je n'ai pas un temps dédié qui s'arrête pile au bout d'une heure ou d'une demi-heure. Quand ils arrivent, peu importe de savoir si j'ai eu un cancer du sein ou autre chose, ce n’est pas ça le sujet. Le sujet, c’est "je n'en peux plus et ça, je ne peux pas le dire à mes proches".

Concrètement, que faites-vous au quotidien ? Quel est votre rôle ?

C’est d'accompagner les patients et les proches, en milieu rural, que ça soit au moment du diagnostic, que ça soit pendant les traitements, que ce soit pendant la phase de rétablissement. C’est aussi les accompagner sur le retour au travail, comment l’anticiper avec les personnes avec qui on travaille. Ce sont eux, en fait, qui vont me dire de quoi ils ont besoin, à quel moment. C'est aussi une écoute, faire le lien avec les professionnels du territoire, avec les ressources qui vont pouvoir les aider à tolérer les traitements, à observer leur traitement et aussi faire le lien avec des associations, des professionnels de santé, des soins de support et leur donner une projection positive.

Quand on est confronté à la maladie, on découvre des sentiments qui émergent, des questions qu'on se pose, c'est violent parfois.

Véronique Batteux

Dans votre parcours de malade, ça vous a manqué ?

Oui. Ce qui m'a manqué, c'est qu'on me dise : "Tu peux t'autoriser à le faire. Parle à tes proches. Dis-leur ce que tu ressens. Pleure. Tu as le droit de leur dire que tu as peur".

Y a-t-il des choses qu’ils vous disent, mais qu’ils ne disent pas à leurs familles ou à leurs amis ?

Oui. Beaucoup me disent : "À vous, je peux le dire, vous comprenez, vous savez de quoi je parle, vous me comprenez". Ils sont convaincus que ce qu'ils vont dire est tellement chargé d'émotions que ça va faire du mal à leurs proches, Souvent ils me disent que ça fait du bien de pouvoir parler librement. Les personnes vont me parler de leur intimité, sans tabou, de choses dont ils n’oseraient peut-être pas parler à leurs proches. Quand on est confronté à la maladie, on découvre des sentiments qui émergent, des questions qu'on se pose, c'est violent parfois. De la même manière qu’il y a plein d'émotions nouvelles qui émergent chez les proches aussi, mais ils ne veulent pas en rajouter donc ils se taisent aussi. En fait, tout le monde se tait. En tout cas, ceux que je rencontre essaient de se préserver les uns les autres, s’oublient ou ne vont pas aller au-delà et vraiment s’ouvrir.

Pourquoi c'est encore plus important d'être patient partenaire en milieu rural ?

Parce qu'en milieu rural, les personnes se retrouvent seules. Elles peuvent être très bien entourées, mais seules face à la maladie. Comment soulager certaines choses, comment pratiquer de l'activité physique adaptée, elles ne connaissent pas forcément ce qui existe et mon idée c'était de faire le lien. Je peux aller chercher une ressource, une application, un webinaire, un magazine, de la documentation, une socio-coiffeuse. En territoire rural, les gens ont autant besoin de tout ça. Ils pourraient trouver ça en ville évidemment, mais ça veut dire qu'il faut reprendre la voiture ou trouver quelqu'un pour les emmener. Il ne faut pas oublier qu'il y a des personnes qui sont isolées, qui sont parfois seules, qui n’ont parfois pas de voiture. Ça veut dire qu'il faut qu'ils sollicitent quelqu'un, ils sont gênés de le faire. Ils ne veulent pas embêter.

J’ai fait connaissance avec une autre partie de moi-même qu’il fallait que je laisse s’exprimer.

Véronique Batteux

Comment expliquez-vous que cette maladie vous a transcendée ?

Je ne m'attendais pas du tout à ce que ça allait provoquer chez moi. Je ne savais pas du tout ce qui allait m’attendre, médicalement parlant ou personnellement. Oui, ça m'a transcendé, ça m'a fait passer par plusieurs phases, ressentir des émotions et avoir des réactions qui m'étaient inconnues. Je me suis découverte. J’ai fait connaissance avec une autre partie de moi-même qu’il fallait que je laisse s’exprimer.

J’ai découvert une autre personne et, en devant patient partenaire, je la laisse s'épanouir et faire ce qu'elle a envie de faire. Et ce que j'ai envie de faire c'est ça. Ça me permet aussi de pouvoir montrer que chacun a des ressources inexplorées. Quand on traverse la maladie, que ce soit un cancer ou autre chose, ou une épreuve, on découvre il y a des choses qui ressortent de ces épreuves, il y a des choses positives, ce sont des forces inconnues.

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