C'est un métier peu connu et pourtant, il répare des vies abîmées par la maladie. Édith Rigaut est tatoueuse paramédicale et permet aux femmes, victimes de cancer du sein, de retrouver un peu de leur poitrine amoindrie par de nombreuses chirurgies.
Retrouver cette part de féminité disparue avec le cancer de leurs seins. Retrouver aussi l'estime de soi et pouvoir se regarder dans un miroir avec fierté.
C'est tout le sens de ce métier. Tatoueuse paramédicale, Edith Rigaut le devient, il y a deux ans. Une sorte de révélation. Elle quitte alors son emploi d'assistante de vente pour se former à Toulouse aux techniques du tatouage paramédical. "J'ai découvert cette activité via les réseaux sociaux et je l'ai trouvée exceptionnelle, explique Edith Rigaut. Cela m'a interpellé et ne m'a plus quitté". Puis, elle rencontre un tatoueur avec dans l'idée de s'installer en complément de son activité. "Mais très vite je me suis rendu compte que je ne pouvais pas avoir le même environnement. Je ne tatoue pas une aréole du sein comme on tatoue un papillon sur une fesse droite, dit-elle encore, sans dénigrer la profession de tatoueur. Je veux apporter quelque chose de doux, d'humain".
Quand elle est arrivée chez moi, elle m'a dit : vous êtes mon dernier recours.
Edith Rigaut, tatoueuse paramédicale
Édith Rigaut décide donc, de consacrer, chez elle, à Sacy, une pièce de sa maison. "Un endroit féminin, cocooning. Les femmes appréhendent beaucoup de passer le pas de la porte et c'est quelque chose qu'elles ne doivent pas craindre". La bienveillance dans l'accueil, l'empathie et surtout l'écoute, c'est ainsi qu'elle reçoit ses clientes.
"Je me considère comme un monstre"
Se faire connaître dans un métier peu reconnu. La reconversion d'Edith est pour le moins courageuse. "La première année, j'ai fait du bénévolat pour montrer ce que j'étais capable de faire, explique-t-elle encore. Cela reste du tatouage, cher, pas pris en charge systématiquement. En février 2024, mon travail a été validé par l'association Lise qui soutient le parcours des femmes atteintes de cancer du sein. J'ai rencontré un chirurgien qui fait partie de l'association et il a reconnu mon travail". Tatoueur paramédical est, ainsi aujourd'hui, présent dans la liste des praticiens mise à disposition par l'association, pour les femmes malades.
Édith Rigaut se souvient d'ailleurs très bien de sa toute première cliente. "Quand elle est arrivée chez moi, elle m'a dit : vous êtes mon dernier recours. Elle devait subir une reconstruction, mais elle ne voulait plus de chirurgie. Elle avait, 15 ans après, encore des séquelles d'une réduction de son autre sein pour rééquilibrer sa poitrine. Cette cliente m'a clairement expliqué qu'elle se considérait comme un monstre et qu'elle avait installé, dans sa salle de bains, une étagère, à hauteur de sa poitrine pour ne pas se voir".
C'est une autre porte de sortie. Un point final à la maladie.
Edith Rigaut, tatoueuse paramédicale
Édith l'a reçu une première fois pour une séance d'écoute et d'échange, "où l'on reparle de l'annonce du diagnostic à la vie d'aujourd'hui. Puis il y a un gros travail de recherche d'emplacement du tatouage sur le sein et de couleur. Elle avait son sein réduit qui était mal cicatrisé et son aréole qui n'avait plus de forme et plus de téton. Je lui ai tatoué un téton et reformer son aréole. Le fait de donner du volume visuel à son téton lui a permis de retrouver une image de sa poitrine. C'est le retour de l'estime de soi. Cet été, cette cliente s'est mise en maillot de bain. Cela ne lui était plus arrivé depuis très longtemps".
Prendre ses marques en amont
En France, une femme sur 8 est atteinte d'un cancer du sein. Le taux le plus élevé au monde. Il n'est pas rare qu'une patiente soit atteinte d'un cancer des deux seins, en même temps ou à quelques années d'écart. "J'ai une cliente qui a subi l'ablation des deux seins et qui a été reconstruite, reprend Edith Rigaut. Je lui ai proposé de lui montrer mes tatouages sur de la peau synthétique. Elle est arrivée avec la photo des seins de sa fille", dit-elle, submergé par l'émotion.
"Cela m'apporte beaucoup aussi, explique-t-elle. Nous sommes dans l'humain. Dans ce qui représente la femme, sa féminité". Parfois, elles viennent avec leur compagnon, parfois seules car la maladie a fait exploser leur couple. Mais ce qui est important pour la praticienne est de les amener à venir la voir en amont. "Ces femmes ne peuvent se faire tatouer qu'après un an de cicatrisation suite à leur dernière chirurgie. Cela leur permet de se projeter. Après le premier rendez-vous basé sur l'écoute et l'échange, il y a trois séances espacées de huit semaines de cicatrisation."
Pour l'instant, le tatouage paramédical est très peu pris en charge par la sécurité sociale ou les mutuelles. "Dans certaines régions de France, des femmes ont demandé une prise en charge exceptionnelle et ont été aidées. Cela dépend des revenus notamment".
Édith Rigaut ne vit pas de son activité deux ans après son installation. "Je ne veux pas que le prix soit un frein". Alors, elle tente de se faire connaître. Octobre Rose est le mois propice pour cela. Elle sera d'ailleurs à Cormontreuil lors des actions menées par la ville à partir du 14 octobre.
Redessiner une part de féminité pour retrouver l'estime et la confiance en soi. "J'ai envie d'apporter cela aux femmes. C'est une autre porte de sortie. Un point final à la maladie."