A Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), le 19 août, le ministre de l’Economie, Bruno Lemaire, a fait une déclaration qui inquiète. "Il n’y aura aucune aide aux restaurateurs qui ne veulent pas jouer le jeu du Pass sanitaire." Une mise en garde pour les professionnels récalcitrants.
Joël Oudin est Président départemental de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (U.I.M.H.), dans la Marne. Il est aussi membre du bureau national pour la branche restauration et il siège au Conseil d’administration du syndicat. Ce vendredi 20 août lorsque nous le contactons, il vient d’apprendre le suicide d’un professionnel, à Bordeaux, qui laisse une veuve et deux enfants de huit et douze ans. "Ça devient grave. J’espère que ça va rester un cas isolé", espère-t-il. Ce que redoute le Président marnais de l’U.I.M.H., c’est que la casse se poursuive. "Ça risque de s’accentuer dès mars 2022, quand il faudra rembourser le prêt garanti par l’Etat (PGE)".
Il faut qu'on sorte de ce marasme, en jouant le jeu.
"Il faut responsabiliser le client, pas le professionnel"
Pour Joël Oudin, les dépôts de bilan sont une catastrophe. "Ça va aller crescendo. C’est alarmant, car ça ne redémarre pas comme on voulait. Avec le pass sanitaire, on perd 30 à 40% de notre chiffre d’affaires. En plus, la météo n’est pas exceptionnelle." L’U.I.M.H. a demandé un report de remboursement du P.G.E., mais n’est pas certain d’obtenir satisfaction. "Avec les loyers, les charges, les emprunts en cours et le remboursement du PGE., ça va être très difficile".
Mission impossible
L’annonce du ministre de l’Economie n’a pas surpris le Président départemental du syndicat des restaurateurs. "C’est pour inciter ceux qui ne joueraient pas le jeu à appliquer les consignes, analyse-t-il. C’est une menace, mais les aides, on n’en a plus des masses. En juin et juillet, elles ne représentaient que 30% de la baisse du chiffre d’affaires. En août, c’était 20%, et payé avec un mois de décalage. Si à l’intérieur, c’est facile, c’est mission impossible à l’extérieur. On a commencé à nous parler d’amende, c’est un peu débile. Il faut responsabiliser le client, pas le professionnel."
Joël Oudin se dit inquiet, pessimiste, même. "Il faut qu’on sorte de ce marasme, en jouant le jeu", dit-il.
Une pression supplémentaire
Vincent Mansencal est le gérant du "Lion", un établissement de la place d’Erlon, au centre-ville de la cité des sacres. Il est également Président des "Vitrines de Reims". "Il y a de bons élèves. Cette annonce s’adresse aux indisciplinés, estime le restaurateur. C’est une pression supplémentaire, pour les contrôler. Pour avoir les aides, il faut rentrer dans les clous." Le professionnel voit dans la déclaration de Bruno Lemaire un effet d’annonce, une contrainte. Pour autant, il ne cache pas son inquiétude. "On est dans la panade, avec le pass sanitaire et la météo. Ça s’accentue".
Je vois mal les forces de l'ordre venir contrôler tout le monde. Ce serait dramatique.
Le gérant du "Lion" trouve la situation catastrophique, le soir, place d’Erlon. Côté client, il considère que ça se passe bien. "Tout le monde joue le jeu", constate-t-il."Depuis lundi, il n’y a eu aucun refus. Les gens présentent le pass avant même qu’on le demande". Il attend la rentrée avec impatience, même s'il craint pour sa clientèle des 18/19 ans, dont le pass ne serait pas à jour. Et il salue la présence d’une tente de dépistage, avec des tests gratuits proposés sur la place. "Cela permet de se faire tester. On a le résultat en 15 minutes. C’est génial !"
Contraint de fermer
Lorsqu’on lui demande dans quel état d’esprit il est actuellement, Vincent Mansencal ne s’en cache pas. Psychologiquement, c’est très difficile. Car en plus de la situation sanitaire, la météo a décidé de faire des siennes. "En 25 ans, je n’avais pas vu un temps pourri comme ça. Après sept mois compliqués, une réouverture compliquée elle aussi, j’ai été contraint de fermer 15 jours en août. C’est catastrophique. J’ai perdu de l’argent, car il manquait quatre personnes et des saisonniers." Pour gérer normalement son établissement, ce professionnel avait besoin de six personnes, qu’il n’a pas trouvées. Il a aussi fermé son établissement pour "faire baisser le compteur des congés payés pharaoniques".
La rentrée inspire des craintes au président des "Vitrines de Reims". "Quand il aura un gros retour des fidèles, on devra faire face à un risque de flux important. La place d’Erlon est une des plus grandes terrasses de France. Je vois mal les forces de l’ordre venir contrôler tout le monde. Ce serait dramatique."