Tandis que la 46e édition du mythique Rallye Dakar s’élancera le 5 janvier 2024 en Arabie Saoudite, un agriculteur marnais et son frère seront à Al-'Ula, sur la ligne de départ, pour leur troisième participation. Derrière François et Stéphane Cousin, c’est toute une famille qui les soutient et qui partage une passion commune, transmise de génération en génération.
Il a beau être à Connantre, dans la Marne, François Cousin a déjà la tête ailleurs. Dans quelques jours, le 31 décembre, il s’envolera pour l’Arabie Saoudite où il prendra le départ de la 46e édition du Rallye Dakar, le 5 janvier 2024. “J’ai très hâte de me mettre en route”, indique ce producteur de légumes et de céréales, les yeux pétillants d’excitation à l’idée d’en “découdre” avec les près de 8.000 kilomètres de course.
Un coup d'œil dans le bureau de ce transporteur et entrepreneur de travaux agricoles suffit à comprendre l’ampleur de sa passion pour son métier et pour les rallyes : de nombreuses photos plus ou moins imposantes aux murs, des étagères décorées de camions, engins agricoles et voitures miniatures. Sur le rebord d’une fenêtre, posées côte à côte : une plaque décorative “Paysan et fier de l’être !” et une photo de son véhicule lors d’une précédente édition du Rallye Dakar.
Le marnais de 41 ans, plus qu’impatient, en est à son troisième rallye, après y avoir participé en 2020 et en 2022. “La première fois, on a la boule au ventre d’appréhension”, se rappelle-t-il. Mais pour 2024, “l’envie de se faire plaisir dans les dunes” prend le dessus.
Rallyes en famille
Durant les 12 étapes de la course, c’est lui qui pilotera de 5 à 20 heures par jour au volant de son Optimus, un buggy vert fluo déjà utilisé à la dernière participation, qu’il décrit cette année comme plus “fiable” et “efficace”. Et ce grâce aux améliorations minutieusement bricolées pendant deux mois dans un entrepôt de son exploitation.
Le tout avec l’aide de son frère et copilote, Stéphane, qui effectuait le voyage chaque week-end depuis le Pas-de-Calais, où il est également producteur. Car chez les Cousin, les rallyes sont avant tout une histoire de famille.
“Historiquement on partait avec ma mère, mon père et notre troisième frère”, raconte le benjamin. Marie-Jo aux soins et au nettoyage, Michel à la mécanique. Si tous deux regrettent de ne plus pouvoir voyager à leurs côtés, ils continuent, emplis de fierté, à les soutenir au quotidien. Les frères porteront le dossard 257 et seront accompagnés de trois amis pour effectuer l’assistance.
Passion commune
“C’est de sa faute au départ. C’est lui qui nous a transmis le virus”, lance François Cousin en pointant du doigt son père, qui lui répond aussitôt : “J’aurais mieux fait de l’initier à la pêche plutôt que de faire le fou dans le désert”, plaisante-t-il, lui-même grand passionné de sport automobile.
Originaires avec sa femme du Pas-de-Calais, ils ont commencé à suivre l’ex Paris Dakar dès 1982, année de naissance de François. “On se payait le luxe d’aller voir l’arrivée”, se souvient Michel Cousin, qui concède que lui n’a “jamais osé courir au Dakar”.
C’est ensuite son fils qui a été un moteur en poussant ses frères à vivre ces aventures en tant que participants. Et à chaque journée de rallye, son lot de péripéties. François revient notamment sur le tout premier, en 2017, à l’Africa Eco Race : à cause d’un souci de boîte de vitesse sur la dernière étape, ils avaient dû finir la course en marche arrière. Ou encore ce 10 janvier 2020 durant lequel les deux frères avaient dormi dans les dunes, tout en soufflant les 50 ans de Stéphane avec une flamme de briquet en guise de bougie.
Une liberté comparable
En effet, pas question d’abandonner. “La question ne se pose même pas, c’est impossible”, affirme François, déterminé. Même énergie chez Stéphane, qui établit un parallèle avec le monde paysan, puisque tous deux ont repris dans deux régions distinctes l’entreprise familiale, Agrico Groupe Cousin :
Dans le milieu agricole, il faut aller jusqu’au bout de la saison. Le Dakar, c’est pareil. On part et c’est pour aller jusqu’au bout malgré les problèmes et la fatigue.
Stéphane Cousin, copilote
L’objectif principal ? Finir la course. “On aurait bien envie d’un bon classement général, mais rien que d’aller se mesurer à des professionnels, c’est déjà sympa”, se réjouit François. “Être encore dans le top 20 d’étapes ce serait bien”, ajoute Stéphane, joint par visioconférence.
En 2022, ils avaient atteint la 34e place du classement général, tout en ayant terminé une fois 10e d’étape et à plusieurs reprises dans les vingt premiers. Cette année, le Rallye compte au total 187 équipes.
Confiance aveugle
Une proximité entre membres d’une même famille qui fait leur force, comme le confirme François, installé dans la Marne depuis 2003 :
Stéphane est un très bon navigateur. Il me dit d’aller à droite par tempête de sable, j’y vais. C’est lui qui décide où je mets les roues, je lui fais confiance à 100% et ça ne peut fonctionner que comme ça.
François Cousin, pilote
Et il vaut mieux puisque la vitesse moyenne des véhicules est de 100 kilomètres/heures, et jusqu’à 190 km/h.
“La dune du Pilat on la monte plusieurs fois par jour”, plaisante François Cousin, dont l’équipe est une des seules à encore dormir dans une tente et pas dans une caravane. Mais même si les conditions sont rudes, il considère ces trois semaines à venir comme des vacances, les seules de l’année pour lui.
D’autant que grâce à des sponsors amis, clients ou fournisseurs qui financent leur rallye, ils peuvent donner une autre dimension à leur participation en collectant des dons. Via leur association La compagnie des dunes, ils reverseront notamment le surplus, estimé jusqu’à 20.000 euros, à des associations, notamment ARSLA, pour la recherche sur la maladie de Charcot.
De génération en génération
Pour le moment, l’heure est encore aux derniers préparatifs. François règle les derniers détails d’organisation et vérifie le dossier administratif de plusieurs dizaines de documents soigneusement rangés dans un classeur.
Outre ces papiers indispensables, il partira léger étant donné que la voiture, le camion et leurs affaires sont déjà arrivés par bateau. Pendant son absence, il va confier ses champs à sa famille et à des responsables, mais également dire au revoir à sa femme et à son fils, “qui restent au bercail”.
Quand on demande à Léon, 9 ans, s’il a un message à transmettre avant le départ, il commence par reconnaître que “ce n’est pas tous les jours que son père fait le Dakar”, avant de lui souhaiter “bonne chance, un bon rally et pas d’accident”.
Habillé d’un t-shirt Dakar 2020, il est lui aussi piqué par la passion du sport mécanique et aimerait déjà accompagner son père dans son périple saoudien. Pour le moment, il devra toutefois se contenter de faire rouler sa buggy télécommandée, dont la couleur verte fluo n’a pas été choisie au hasard.