La Cour Européenne des Droits de l'Homme valide l'arrêt des soins à Vincent Lambert

La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a validé vendredi l'arrêt des soins à Vincent Lambert, estimant que sa mise en oeuvre ne violerait pas le droit à la vie du tétraplégique.

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Dans une décision définitive de sa Grande chambre, la Cour a dit, "par 12 voix contre 5, qu'il n'y aurait pas violation de l'article 2 (de la convention européenne des droits de l'Homme, régissant le droit à la vie) en cas de mise en oeuvre de la décision du conseil d'Etat autorisant l'arrêt" de l'alimentation et de l'hydratation du tétraplégique, a rapporté son président Dean Spielmann.

Victime d'un accident de la route en 2008, qui a provoqué des lésions cérébrales irréversibles, Vincent Lambert, 38 ans, est hospitalisé dans une unité de soins palliatifs au CHU de Reims, où il est nourri et hydraté artificiellement.

La Cour a également estimé que les dispositions de la loi Léonetti sur la fin de vie "constituent un cadre législatif suffisamment clair pour encadrer de façon précise la décision du médecin" dans un cas comme celui de Vincent Lambert.

La justice européenne avait été saisie par ses parents, une de ses soeurs et un demi-frère. Ils contestaient une décision du Conseil d'Etat de juin 2014 en faveur de l'arrêt des soins, estimant qu'elle violerait son droit à la vie et qu'il s'agirait d'une torture. La décision médicale, prise dans le cadre de la procédure collégiale prévue par la loi Léonetti de 2005, correspond au souhait de la femme de Vincent Lambert, Rachel Lambert, soutenue par cinq frères et soeurs de son époux, convaincus qu'il n'aurait pas souhaité continuer à vivre dans cet état. "La Cour est arrivée à la conclusion que la présente affaire avait fait l'objet d'un examen approfondi où tous les points de vue avaient pu s'exprimer et où tous les aspects avaient été mûrement pesés, tant au vu d'une expertise médicale détaillée que d'observations générales des plus hautes instances".

L'avocat des parents, Me Jean Paillot, avait clairement annoncé qu'il ne baisserait pas les bras en cas d'une décision défavorable de la CEDH, et qu'il introduirait de nouveaux recours en France. Maître Pettiti, l'avocat de Rachel Lambert, a lui estimé qu'il "serait très sage de respecter cette décision: toutes les voies internes ont été épuisées et la voie européenne aussi". "Pour Vincent Lambert, le processus interrompu par le tribunal administratif devrait reprendre. Selon quelles modalités, cela reste à expliquer", a-t-il ajouté.

La bataille autour du maintien en vie de Vincent Lambert
Voici le rappel des décisions médicales et judiciaires qui ont marqué ce drame familial.
--2008--
Septembre : Vincent Lambert est hospitalisé à Reims après un accident de la route. Il est plongé dans un coma artificiel sans avoir écrit de directives précisant son opposition à tout acharnement thérapeutique.

--2011--
Juin : après une série de tests menés en Belgique, des médecins concluent que Vincent Lambert se trouve dans un état de "conscience minimal" sans
espoir d'amélioration.

--2013--
10 avril : un protocole de fin de vie est engagé par le CHU de Reims en accord avec sa femme Rachel, mais sans consulter explicitement ses parents. Pour les médecins, le malade multiplie des comportements d'opposition aux soins "faisant suspecter un refus de vivre".
11 mai : saisi par les parents, catholiques traditionalistes opposés à l'euthanasie passive de leur fils, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ordonne le rétablissement de l'alimentation. Il reproche aux médecins un manque d'information à la famille.

-- 2014--
11 janvier : le CHU informe la famille de la décision d'arrêter les traitements de nutrition et d'hydratation artificielles du patient, conformément à la loi Leonetti. Une réflexion sur la fin de vie de Vincent Lambert a été menée pendant quatre mois, avec toute la famille et quatre experts. Seul celui désigné par les parents a plaidé pour le maintien en vie. Rachel et sept autres membres de cette famille recomposée soutiennent le protocole de fin de vie.
13 janvier : les parents, une soeur et un demi-frère de Vincent Lambert saisissent le tribunal administratif pour s'opposer au protocole.
16 janvier : le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne se prononce contre la décision d'euthanasie passive. Il juge que "la poursuite du traitement n'était ni inutile, ni disproportionnée" et donc que le cas sortait du champ d'application de la loi Leonetti.
28 janvier : Rachel Lambert annonce saisir le Conseil d'Etat pour demander l'arrêt du "maintien en vie artificiel". Le lendemain, le CHU de Reims se joint à cette démarche.
14 février : le Conseil d'Etat demande une nouvelle expertise médicale de Vincent Lambert.
27 mai : l'expertise confirme son incurabilité et note une "dégradation" de son état de conscience et de son état général mais elle évoque avec prudence la question d'un arrêt des soins. Pour les médecins, l'existence de réactions du patient aux soins ne fait pas de doute mais leur interprétation prête à discussions.
24 juin : le Conseil d'Etat se prononce pour l'arrêt des soins. La CEDH, saisie en urgence par les parents de Vincent Lambert, demande le maintien en vie du tétraplégique le temps qu'elle statue sur son cas.

-- 2015 --
7 janvier : le cas de Vincent Lambert est examiné par 17 juges de la CEDH. Pendant deux heures, sa famille déchirée expose ses arguments.
5 juin : la CEDH valide l'arrêt des soins et estime que sa mise en oeuvre ne violerait pas le droit à la vie du tétraplégique.

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