Les médecins de Vincent Lambert se devaient-ils, comme le réclame le neveu du patient en état végétatif, d'appliquer sans délai la décision d'arrêt des traitements validée par le Conseil d'Etat et la justice européenne ? Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne tranche ce vendredi.
Lors de l'audience du 29 septembre, la rapporteure publique Stéphanie Lambing, mettant en avant l'"indépendance professionnelle et morale" des médecins, a recommandé aux juges de rejeter la requête de François Lambert, le neveu de l'ancien infirmier psychiatrique victime de lésions cérébrales irréversibles après un accident la route en septembre 2008.
Convaincu que son oncle ne souhaitait pas subir d'acharnement thérapeutique, il demande l'application par le CHU de Reims de la décision prise le 11 janvier 2014 par le docteur Eric Kariger en charge à l'époque de Vincent Lambert, de stopper l'alimentation et l'hydratation artificielles de son patient en l'accompagnant jusqu'à la mort par des soins palliatifs.
L'arrêt des traitements, plusieurs fois contesté en justice par les parents, catholiques traditionalistes farouchement décidés à maintenir en vie leur fils, avait finalement été validé par le Conseil d'Etat pour qui la continuation des soins de Vincent Lambert constituait une obstination déraisonnable puis, en juin 2015, par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Après l'avis de la CEDH, le docteur Daniela Simon, désormais en charge de Vincent, avait engagé une "nouvelle procédure collégiale en vue d'une décision d'arrêt des soins" qu'elle suspendait à la surprise générale une semaine plus tard au motif officiel de pressions extérieures nuisant à la "sécurité" du patient comme des équipes médicales, notamment après des menaces d'enlèvement publiées dans un blog. "Le CHU manque de courage et fuit ses responsabilités" en refusant d'appliquer une décision "mûrement réfléchie" par le docteur Kariger et qui avait le soutien de Rachel, l'épouse de Vincent et d'une partie des frères et soeurs, a estimé Bruno Lorit, l'avocat de François Lambert.
Maintien artificiel de la vie
"Cette décision a été prise au nom de l'hôpital, elle a été jugée légale et c'est donc au CHU qu'il revient de l'appliquer", a-t-il ajouté. Pour la rapporteuse publique, dont les recommandations sont souvent suivies par les juges, l'actuelle médecin du CHU de Reims a agi selon "sa responsabilité professionnelle et morale" et n'était pas liée en droit par la décision de son prédécesseur.Un argument soutenu par Pierre Desmarais, l'avocat du CHU de Reims pour qui une "décision médicale n'est pas une décision administrative". "Un directeur d'hôpital ne peut pas donner d'ordres à un médecin", a-t-il affirmé. De leur côté, les parents réclament le transfert de Vincent vers un autre établissement, persuadés que la situation de leur fils a "évolué favorablement" et qu'il n'est plus en état végétatif mais en état de conscience minimale.
Mardi l'Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture la proposition de loi transpartisane sur la fin de vie, portée par Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (LR), qui instaure un "droit à la sédation profonde et continue" jusqu'au décès pour les malades incurables et dont le pronostic vital est engagé à court terme. "On est en droit médicalement d'arrêter les traitements (de Vincent Lambert), de l'endormir profondément et de ne pas poursuivre cette vie car les traitements n'ont pas d'autre but que le maintien artificiel de la vie", a estimé mardi M. Leonetti sur La Chaine Parlementaire (LCP), en dénonçant la "pression très forte d'un certain nombre de lobbies et de la famille".
Le même jour la ministre de la Santé Marisol Touraine affirmait sur France Inter qu'"aucune cour de justice n'impose à un hôpital d'arrêter des traitements, c'est à la structure hospitalière de prendre cette décision". "La Cour européenne a dit que c'était possible mais l'hôpital a choisi jusqu'à maintenant de prendre un peu de temps", a-t-elle ajouté.