90 ans de l'association APF France Handicap : "l'accessibilité est la mère des batailles"

Le congrès de l'association APF France Handicap se déroule tous les 5 ans et c'est à Reims (Marne) qu'il aura lieu du 22 au 24 juin. Deux jours pendant lesquels 1000 personnes, venant de toute la France, aborderont les enjeux du handicap dans la société de demain. Dans un monde qui se transforme, quelles actions APF France Handicap peut-elle mener ?

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90 ans. 90 années à tenir à bout de bras les droits des personnes porteuses de handicap. APF France Handicap compte, en 2023, 18 000 adhérents, gère 400 établissements et services et accompagne 35 000 usagers au quotidien. Un bras de fer et un chantier permanent au sein duquel l'association France Handicap tente de construire, au rythme du changement de la société. En sachant, que le retard accumulé pour la reconnaissance des droits des personnes porteuses de handicap est abyssal.  

"Quelles actions France Handicap peut-elle mener, dans un monde qui se transforme ? se demande Patrice Tripoteau, directeur général adjoint de l'association APF. Les enjeux environnementaux, climatiques, mais aussi numériques, démocratiques, dans tous les domaines... C'est un enjeu particulier pour les personnes en situation de handicap. On voit dans les familles, l'impact que cela peut avoir". Le congrès de Reims, au parc des expositions, va rassembler 1000 personnes pendant deux jours autour de ces questions, du 22 au 24 juin. 

Ces deux dernières années, à la fois l'ONU a dénoncé la politique du handicap en France et récemment le Conseil de l'Europe a condamné la France pour violation des droits humains à l'égard des personnes en situation de handicap.

Patrice Tripoteau, directeur général adjoint de l'association APF France Handicap

Ce congrès de Reims mettra en place le projet de l'association pour les cinq années à venir. "Ce projet s'intitule : "droit devant et droits d'avenir, soyons ce changement". Derrière ce projet, c'est dire justement que le monde se transforme et les personnes en situation de handicap ont aussi un rôle à jouer. Nous n'attendons pas tout de tout le monde et nous voulons contribuer au monde de demain, explique encore le directeur général adjoint de l'association. Nous allons aussi lancer un débat en France pour refonder la politique du handicap. En 2025 ce sera les 50 ans de la loi de 1975, qui était la première grande loi sur le handicap et les 20 ans de la loi de 2005. Il y a eu, ces deux dernières années, à la fois l'ONU qui a dénoncé la politique du handicap en France et récemment le Conseil de l'Europe qui a condamné la France pour violation des droits humains à l'égard des personnes en situation de handicap. On voit bien que structurellement, il faut refonder cette politique, et nous allons lancer ce débat un peu partout en France pendant une année". 

Des avancées notoires

AFP France Handicap fête donc ses 90 ans cette année. Elle fête aussi les avancées notoires en matière de droit. "Il faut regarder dans le rétro pour voir d'où l'on vient, dit encore Patrice Tripoteau, directeur général adjoint de l'association. Le point de départ, les années 30, est évidemment un moment essentiel. Fondateur pour toutes les personnes porteuses de handicap. Quatre jeunes handicapés créent une association pour dénoncer leur jeunesse galvaudée. Ils ne peuvent pas faire leurs études, ils ne peuvent pas sortir. Ils dénoncent, mettent au grand jour et constatent qu'ils ne sont pas seuls. Ils décident alors de créer du lien de solidarité entre les personnes "pour qu'elles s'écrivent, se rencontrent et échangent, explique encore le directeur général adjoint de l'association. Et en même temps dans ces années 30-40-50, l'idée est de dire, aux difficultés, on va essayer de trouver des solutions".

Se plaindre c'est une chose, mais avancer est essentiel. Ce seront les fondations de l'association. "C'est toute notre histoire. Autre moment important, la loi de 1975. Elle a été la première grande loi sur le handicap qui reconnaissait enfin des droits des personnes handicapées. C'est un combat, à partir des années 60-70, mené par notre association. La loi de 75 dispose que la solidarité nationale est une obligation nationale. Que l'accessibilité est une obligation nationale"

On a souvent dit : quelle est la place des personnes en situation de handicap dans la société ? Aujourd'hui, nous disons quel est le rôle des personnes en situation de handicap ?

Patrice Tripoteau, directeur général adjoint de l'association APF France Handicap

Il faudra attendre 30 ans pour voir évoluer ces premiers textes législatifs. 2005 est donc une nouvelle étape cruciale. "Là on va plus loin. On affirme les droits par rapport à la discrimination. On renforce les droits et les obligations d'accessibilité. On crée le droit à compensations et tout cela est issu de nos combats des années 90 et début des années 2000". Une mobilisation de tous les instants pour faire comprendre au législateur que les droits sont insuffisants. 

Aujourd'hui, ces lois sont-elles vraiment appliquées ?  Elles ont permis, effectivement, de reconnaître les droits, d'obliger l'espace public à se réinventer pour permettre l'accès physique. Mais beaucoup de choses restent à faire en matière d'accès à l'éducation, pour tous, en milieu ordinaire. Mais aussi d'accès à des soins adaptés, à des institutions, pas assez nombreuses. Mais aussi aux aides à domicile pour maintenir le plus longtemps possible les personnes porteuses de handicap chez elles. Le chemin semble encore long.

Rechercher des solutions

"Quand on parle de refonder la politique du handicap, on va la décliner dans tous les domaines. C'est la question de l'éducation par exemple. Aujourd'hui, la question n'est pas de savoir si tous les élèves doivent être accueillis à l'école. La question est pour nous : comment tous les enfants peuvent-ils être accueillis à l'école. Et là-dessus on s'appuie sur des recommandations de l'ONU et des décisions du Conseil de l'Europe. Les enseignants vont dire oui, mais voilà quelques conditions dont on a besoin pour pouvoir le faire dans de bonnes conditions. Nous ne voulons pas le décréter, nous voulons organiser des états généraux dans différents départements et à chaque fois ce sera mené avec des syndicats d'enseignants, des associations de parents d'élèves, nos adhérents pour réfléchir à comment on peut y arriver". 

Être acteur, dynamique. Prendre en mains ses destinées. "Aujourd'hui, et c'est dans notre ADN, nous ne voulons pas seulement être des demandeurs. Nous voulons rechercher, avec tous les services existants, du public ou du privé, des solutions pour avancer. On a souvent dit : quelle est la place des personnes en situation de handicap dans la société ? Aujourd'hui, nous disons quel est le rôle des personnes en situation de handicap ? Et les solutions trouvées pour nous, peuvent aussi aider les personnes âgées par exemple. Il y a des innovations technologiques qui peuvent aussi apporter un bien-être à un public beaucoup plus large. On donne souvent cet exemple : la télécommande pour les téléviseurs a d'abord été conçue pour les personnes porteuses de handicap".

L'accessibilité physique reste le moteur de toutes les actions. "Pour les personnes en situation de handicap, en fait, c'est toujours difficile de dire ce qui est le plus important, car elles vivent toutes les problématiques en même temps. Pour certaines, c'est l'emploi le plus important, mais si elles n'ont pas de transport, pas de logement et pas d'aide humaine, elles ne pourront pas aller travailler. Nous, on dit souvent que l'accessibilité est la mère des batailles. Ne pas pouvoir se déplacer, ne pas avoir de logement, ne pas pouvoir aller dans un certain nombre de lieux, c'est la citoyenneté des personnes qui est entravée. C'est vraiment déterminant. L'accessibilité est majeure car transversale à beaucoup de domaines"

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