"Agresseurs protégés, victimes délaissées, Sciences Po, paradis de l’impunité" : pour la deuxième fois cette semaine, des étudiants bloquent le campus

Ce vendredi 2 février, des étudiants de Sciences Po Reims ont bloqué, pour la deuxième fois cette semaine, l’accès au campus pour demander la démission de Mathias Vicherat. En retrait depuis six semaines pour une affaire de violences conjugales, le directeur de Sciences Po Paris a réintégré ses fonctions lundi 29 janvier.

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"Vicherat retourne en vacances", "Sciences Porc", pouvait-on lire sur les pancartes accrochées aux sapins de Noël, poubelles ou caddies qui ont bloqué l’entrée du campus rémois de Sciences Po lundi 29 janvier.

Ce vendredi 2 février, un deuxième blocus a été organisé cette semaine sur la place Museaux, à Reims (Marne). Des étudiants se sont rassemblés afin de dénoncer le retour, lundi 29 janvier - premier jour de mobilisation - de Mathias Vicherat à son poste de directeur à l’IEP Paris, après six semaines de retrait provisoire.

Le 3 décembre dernier, le haut fonctionnaire de 45 ans et sa compagne, la réalisatrice Anissa Bonnefont, avaient été placés en garde à vue puis remis en liberté le lendemain. Tous deux s’accusent mutuellement de violences conjugales.

Aucune plainte n’a été déposée, mais une enquête préliminaire, toujours en cours, a été ouverte par le parquet de Paris. Mardi 23 janvier, la commission qui rassemble les bureaux des différents conseils de Sciences Po ont échangé plusieurs heures avant de statuer sur le retour de Mathias Vicherat. 

Un blocus, plusieurs réactions

Suite au premier blocus, la direction de la vie étudiante a envoyé un mail indiquant notamment : "Les étudiants et étudiantes disposent de nombreux moyens de mobilisation et de leviers d'action pour améliorer le fonctionnement de notre université. Le blocage n'en est pas un". S'ensuit alors un descriptif des sanctions disciplinaires risquées en cas de non respect du règlement. "Beaucoup l'ont interprété comme une forme de dissuasion voire de menace alors que l'on a épuisé les autres recours", réagit une étudiante mobilisée. 

Reste que la mobilisation a mené à l'organisation d'une rencontre entre l'administration parisienne, en concertation avec les directeurs des campus bloqués, et les étudiants. La proposition formulée par Mathias Vicherat ? Se décharger de son droit de regard et de son pouvoir décisionnaire dans la saisie de la section disciplinaire lors d'un signalement des violences sexistes et sexuelles (VSS). Une solution jugée "insuffisante", qui ne satisfait pas les étudiants mobilisés, faute de garanties : 

Minimiser son influence peut être important  mais ça ne saurait se substituer à sa démission. Il devrait être le moteur de ce processus. Nous avons besoin d'un directeur compétent, crédible et légitime.

Elsa*, étudiante mobilisée

Pour les étudiants, qui ne sont pas représentés au conseil d’administration, le doute sur sa capacité à gérer ce type d’enjeux est désormais trop important compte tenu du "devoir d'exemplarité" demandé. Pour *Elsa, le lien de confiance est “brisé” et ne “pourra pas être reconstruit” : “Il y a un trop plein d’une colère jamais écoutée.”

La démission pour seule boussole

Dans un mail envoyé le jour de son retour à tous les étudiants et auquel nous avons eu accès, le directeur a fait part de ses regrets face à ces “circonstances” ayant “porté atteinte à l’image de Sciences Po”. Il s’est dit, pour le jour de son retour, envieux de s’inscrire dans une démarche d’écoute et de dialogue afin que “que notre maison commune retrouve de l’apaisement”, a-t-il écrit. 

“‘Maison commune’, je trouve le terme courageux”, a réagi une étudiante du collectif mobilisé, qui reste sur sa position : la démission de Mathias Vicherat comme seule solution à long terme : 

L’idée n’est pas de clamer qu’il est innocent ou coupable, mais on ne se sent plus représentés par Mathias Vicherat. Nous voulons tourner la page et ne pas se retrouver pour la deuxième fois avec un directeur impliqué dans des violences sexistes et sexuelles.

Étudiante mobilisée

Car le prédécesseur de ce haut fonctionnaire, Frédéric Mion, avait été contraint de démissionner en février 2021 pour avoir dissimulé les soupçons d’inceste visant le politologue Olivier Duhamel. Mathias Vicherat, à la tête de l’établissement depuis novembre 2021, avait ensuite été élu avec un programme qui promettait un changement de paradigme sur les VSS. “Mais le jour où l’on présentait un rapport avec nos revendications sur le sujet, Mathias Vicherat n’était pas là puisqu’il était en garde à vue”, raconte *Elsa en soulignant l’ironie de la situation. 

Continuer la mobilisation

Lettre ouverte, rassemblements, moments d’échanges, pétition… Nombreux sont les moyens d’action à avoir jusqu'alors été mis en place, mais jugés insuffisants pour espérer une réaction. Malgré les difficultés académiques que le blocus peut engendrer, les étudiants misent sur le rapport de force qu’il instaure. 

Cinq des sept campus de Paris, ainsi que ceux de Poitiers, Nancy et Le Havre, ont ainsi opté pour ce mode de contestation. Si la forme que prendra la suite du mouvement est encore à définir, le collectif inter-campus entend rester mobilisé.

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