Les étudiants de Sciences-Po Reims se sont rassemblés le 9 novembre pour dénoncer la gestion des violences sexistes et sexuelles par la direction de l'école. Des manifestations ont eu lieu dans tous les Instituts d'études politiques (IEP) de France. Les syndicats étudiants et les collectifs féministes ont lancé une pétition pour réclamer des mesures concrètes.
Ils sont près de 80 étudiants de Sciences-Po Reims à avoir choisi de manifester, plutôt que de déjeuner. Rassemblés place Museux, à Reims, les étudiants et étudiantes de la prestigieuse école brandissent des pancartes très explicites, comme "violeur, je te vois" ou "non, c'est non". La cause de leur colère ? La prise en charge "catastrophique" des violences sexistes et sexuelles au sein du campus de Reims.
Lola Krivosic référente VSS (violences sexistes et sexuelles) Ignite et des collectifs féministes Politiqu'elles et Feminist Society prend le mégaphone pour appeler à signer la pétition. "On l'a lancé à 9h ce jeudi 9 novembre 2023, plus de 350 personnes ont déjà signé", se réjouit l'étudiante en deuxième année de 19 ans. La jeune femme distribue aussi des tracts en français et en anglais.
Il faut dire que sur les deux mille étudiants que compte le campus de Reims, une grande partie est étrangère et ne parle pas bien le français."C'est un vrai problème" explique Lola Krivosic, puisque "lorsqu'un étudiant étranger veut signaler un comportement inadapté ou une agression qui a eu lieu au sein de l'école ou dans une soirée étudiante, tous les documents sont en français et bien souvent, les interlocuteurs ne parlent pas bien anglais." Une difficulté de communication qui "n'aide pas à libérer la parole", affirme Lola.
Des délais trop longs
A cela, s'ajoutent des délais bien trop longs. Il faut en moyenne plusieurs mois pour traiter un dossier, jusqu'à 15, notamment sur un signalement. "C'est trop long" dénonce Lise Dupuis, étudiante en première année, qui fait partie du collectif féministe "The Feminist Society". "Entre-temps, la victime est déjà rentrée dans son université, dans son pays et n'a aucune nouvelle de l'administration de l'école." Tous les campus dépendent de Sciences-Po Paris, la procédure veut que les dossiers soient donc centralisés. Mais les étudiants dénoncent le manque de connexion avec la direction nationale.
"Quinze mois de procédure pour violence sexuelle, c'est trop long"
Lise Dupuis, collectif The Feminist Society
Même constat pour cet étudiant australien, Fenton Davoren. Lui aussi dénonce le manque de transparence des procédures. "On ne sait jamais trop quelle sanction a l'agresseur. Tout le monde sait que quelque chose s'est passé, c'est un petit campus. Mais la victime et son agresseur présumé sont toujours en cours ensemble, alors comment avoir confiance ? Cela donne l'impression que l'agresseur peut agir en toute impunité", explique le jeune homme.
Pour le syndicat "Alternative Etudiante Rémoise", qui a co-rédigé la lettre ouverte à l'administration, on critique "les outils inefficaces" pour lutter contre ce fléau. Quand la commission d'investigation de Sciences-Po Paris (tous les campus de France dépendent de Paris) peut établir la matérialité de l'agression, la section disciplinaire est saisie. En théorie l'agresseur peut être exclu. "Mais dans les faits, cela n'arrive jamais", se désole Fayna Yachir, l'une des porte-parole de l' AER. "Au pire, l'agresseur est envoyé vers un autre campus où il peut recommencer," poursuit-elle.
Formation du personnel
Ce qui a motivé ce mouvement de protestation, c'est aussi le manque de formation du personnel de Sciences-Po, trop souvent incapables d'accompagner les victimes de paroles ou de gestes déplacés, d'agressions sexuelles ou même de viol. Ne sachant pas vers qui se tourner, ces dernières s'adressent aux syndicats étudiants. "Je trouve ça triste que la victime ait à venir nous voir nous, plutôt que la direction."
Depuis le mouvement #sciencesporcs en 2020, les signalements pour violences sexuelles s'étaient multipliés dans tous les instituts d'études politiques (IEP) de France. La nouvelle direction de Sciences-Po avait annoncé des mesures pour soutenir et protéger les victimes.
Contactée la Direction de Sciences-Po affirme dans un communiqué, que "la lutte contre les violences sexistes et sexuelles est une priorité absolue". Une délégation d'étudiants sera reçue la semaine prochaine.