L’Association d'appui aux professionnels de santé (AAPS) a vu le jour en 2001. Sous un autre nom d’abord, puis face aux problématiques diverses rencontrées par les médecins généralistes, elle a décidé d’être davantage à leurs côtés.
Au départ, « Addiction précarité Champagne-Ardenne » était dédiée aux problèmes de dépendances. Construite par des professionnels de santé, des médecins généralistes surtout, elle avait pour objectif de les aider à mieux appréhender des situations qui les mettaient en difficulté."Les généralistes ont des patients aux problématiques qui ont évolué dans le temps, explique Matthieu Birebent, directeur de l’association à Reims. Diabète, cancers, mais aussi de la précarité, des problématiques psychologiques ou encore fonctionnelles". L’association s’est donc "libérée" de son exclusivité aux addictions pour venir en appui des professionnels de santé sur l’ensemble des problèmes de santé publique.
"Les professionnels de santé, quels qu’ils soient, sont souvent isolés dans leurs exercices, reprend le directeur de la structure. Mais ils constatent des situations récurrentes dans leur patientèle, dans le fonctionnement du territoire et ils se sentent désarmés pour faire avancer ces problématiques. L’idée est donc de leur donner des ressources". Un état des lieux est donc réalisé par l’équipe des salariés de l’association. Une réflexion s’engage et un projet est proposé pour essayer d’améliorer la situation et tenter de la résoudre.
"Par exemple, cela nous a conduit à créer un programme de télémédecine en soutien aux ophtalmologistes, explique encore Matthieu Birebent. Les recommandations indiquaient que les patients atteints d’un diabète devaient être suivis tous les ans par un ophtalmologue et que 50 % ne l’étaient pas. Les professionnels ne comprenaient pas pourquoi alors qu’ils recevaient déjà beaucoup de diabétiques. A partir de ce constat, nous avons rassemblé des généralistes, des ophtalmologues, des orthoptistes, et nous nous sommes dit : un fond d’œil est aujourd’hui réalisable par photo avec les nouvelles machines. Donc quelqu’un d’autre pourrait faire la photo et le professionnel analyserait ensuite la situation".
L’association d’appui aux personnels soignants a donc travaillé sur un protocole, a monté un projet et cherché des financements pour le mettre en œuvre. "Et depuis 8 ans, on déploie dans toute la Champagne-Ardenne un programme où l’on vient dans des pharmacies, des maisons de santé, des cabinets de médecine générale pour recevoir des patients qui ne sont pas bien suivis par des ophtalmologues pour tout un tas de raisons, reprend le directeur de l’association. Ces professionnels de notre territoire interprètent ensuite les clichés et donnent des rendez-vous aux personnes avec des complications".
Cela permet d’optimiser la ressource médicale. Ça, c’est notre job !
L’association d’appui aux personnels soignants travaille sur des projets de santé publique pérennes mais aussi des situations plus ponctuelles comme la crise sanitaire actuelle.
Partager sur la pandémie grâce aux réseaux sociaux
En mars, l’activité de l’association s’est recentrée sur les difficultés liées à la pandémie de Coronavirus. "L’un de notre premier travaille, précise Matthieu Birebent, a été de rassembler les professionnels, surtout les indépendants. Le cœur du système de santé, c’est le médecin traitant. Mais ils sont tous libres et indépendants et les rassembler a été très compliqué". Pourtant, il était nécessaire de créer une dynamique de groupe pour tenter de comprendre ce virus qui déferlait sur la France."L’une des premières choses que l’on ait fait, c’est d’ouvrir des réseaux sociaux dédiés aux professionnels de santé pour leur permettre de partager leurs expériences, leurs retours, leurs idées, leurs réflexions. En mars, c’était vraiment très compliqué de comprendre ce virus et les médecins avaient vraiment besoin d’échanger des tuyaux. Cela leur permettait aussi de diminuer l’anxiété en plus de pouvoir échanger".
Plusieurs groupes de discussions sont ainsi apparus avec 256 médecins de la Marne, mais aussi un groupe plus spécifique à Epernay, à Châlons-en-Champagne, Reims, dans les Ardennes. Ces réseaux étaient et sont toujours à la disposition des médecins et des infirmiers notamment. "Nous avons essayé de permettre cette communication et ainsi fédérer un maximum d’acteurs de santé publique".
Mise en place des centres de consultations Covid
La deuxième mission de l’association a été de proposer des idées, des suggestions, des solutions. Les chefs de projet ont travaillé dur accompagné par tous les salariés. "Nous analysions les retours des professionnels", explique Matthieu Birebent.Au printemps nous avons donc proposé, construit et fait financer les centres Covid dédiés. D’abord deux à Reims, au CHU et un à Bezannes, puis à Rethel, Vouzier, Sedan, Charleville et Givet.
Ces centres ont été conçus pour soutenir les urgences, totalement saturées, des hôpitaux. "Des médecins traitants faisaient des consultations et prenaient en charge tous les patients qui ne relevaient pas des urgences et de l’hospitalisation, mais de la médecine générale. Cela a aussi permis aux médecins traitants d’avoir un dispositif adapté avec les équipements de protection nécessaire. Ils savaient aussi qu’ils pouvaient s’appuyer sur un protocole lié à l’hôpital qui permettait des hospitalisations rapides en cas de gros problèmes, explique encore le directeur de l'association.
Les médecins se sont donc relayés et l’association à aussi mis en place leur rémunération, non plus attaché l’acte, mais au forfait. "Tout cela a été négocié avec l’ARS et la CPAM. Il s’agissait de s’appuyer aussi sur les médecins remplaçants qui étaient disponibles, avec l’accord de l’ordre, pour travailler en plus des médecins installés".
Préparer la deuxième vague
En fin de crise, l’association d'appui aux professionnels de santé a tenté de préparer une éventuelle deuxième vague. "Nous avons essayé de travailler avec les pouvoirs publics sur des dispositifs un peu élaborés et pas uniquement pensé par le national, Paris et les grands décideurs. Ils nous semblaient important de travailler avec les acteurs de terrain", reprend le directeur de l’association.Aujourd’hui finalement les choses sont un peu mieux organisées, les médecins généralistes ont notamment des équipements de protection et sont plus en mesure d’appréhender l’accueil de tout leurs patients même ceux atteints du Covid. Les centres de consultations Covid n’ont pour l’heure pas été réactivés, mais restent disponibles.
"L’une des grosses problématique, aujourd’hui, ce sont les tests et le repérage rapide des patient atteints du Covid et des cas contacts. L’assurance maladie est débordée, les médecins traitants ont du mal à savoir de quoi il relève. Les laboratoires ont du mal à gérer le volume. Nous aidons les médecins à mieux appréhender le dispositif des tests antigéniques et à mieux l’utiliser. On est en train de travailler sur la possible centralisation de ces tests avec une rotation d’équipes comme pour les centre Covid. Ou encore de distribuer ces tests dans les cabinets, mais pour cela, il faut des garanties. Ces tests introduisent des aérosols importants et il y a donc un risque de contamination fort s’il n’ y a pas suffisamment d’aération, si des gens passent trop vite derrière sans désinfection. Nous sommes en train de conduire cette réflexion".
De l’ambulatoire pour gérer les malades du coronavirus
Le vrai problème de cette pandémie, c’est qu’elle est "dispendieuse en ressources médicales et hospitalières, explique encore Matthieu Birebent. Notre système hospitalier n’a pas été doté pour faire face à ce genre d’épidémie qui n’existait pas jusqu’alors. On se retrouve donc très vite avec des hôpitaux débordés".En ce moment, il y a 65 personnes hospitalisées en unité Covid à Reims et 18 personnes en réanimation. Des chiffres qui pourraient porter à confusion. Car, ce nombre de personnes, qui ne semble pas énorme, suffit à remplir le nombre de lits disponibles et à empêcher parfois la prise en charge d'autres soins et le report notamment de certaines opérations. L'idée de l'association est donc de libérer de la place à l'hôpital.
"Concernant la réanimation, c'est pour l'heure impossible", reprend le directeur de l'association. "A ce stade, nous n’avons pas réussi à penser des modèles qui permettraient de le faire".
Par contre nous pourrions imaginer des prises en charge, à domicile, en oxygénothérapie sur des patients atteints du Covid et requérants de l’oxygène. Il faut un protocole très ciblé pour garantir aux gens une qualité des soins. C’est là-dessus que nous sommes en train de travailler.
Etre un maillon pour comprendre, et apporter des solutions aux professionnels de santé, voilà la vocation des 18 salariés de l’association d'appui aux professionnels soignants. Avec un budget émanant de l’Agence Régionale de Santé pour la plupart des projets, l’équipe composée de professionnels médico-sociaux, sanitaires, de chargés de projet, d’assistants et de coordinateurs d’intervention en médecine générale est à pied d’œuvre. À l’épreuve de la pandémie, ils tentent d’aider le corps médical à faire face, comme ils le font depuis près de 20 ans.