Au Crédit municipal, "les sommes prêtées n'ont jamais été aussi importantes"

À Reims, pour régler ses factures, ses frais médicaux, ses travaux ou ses achats de Noël, les usagers sont nombreux à pousser la porte du Crédit municipal. Dans ce contexte d'inflation, les prêts sur gage sont de plus en plus importants.

Frédérique, salariée de l'Education Nationale, pousse une à deux fois par an la porte du Crédit municipal de Reims. "Cela me permet d'avoir une petite trésorerie très rapidement, sans passer par la banque", explique-t-elle. Ce jour-là, elle vient renouveler son prêt contracté il y a six mois en déposant plusieurs bijoux de famille. "Cet argent m'a permis d'installer mon fils parti à Lyon faire ses études", précise cette mère de famille.

Comme elle, de plus en plus de salariés deviennent usagers du Crédit municipal. Dans un contexte économique difficile marqué par l'inflation, le prêt sur gage connaît un regain d'intérêt. "Nous sommes confrontés à la précarité tous les jours, observe Isabelle Desseaux, la directrice de cet établissement public. On a des profils que l'on ne voyait pas avant. Des personnes qui travaillent viennent chez nous pour payer les factures ou leurs frais médicaux et boucler les fins de mois."

Ouvert à tous

En ce mois de décembre, la fréquentation est importante au guichet de cette banque un peu particulière, située à deux pas de la cathédrale, sur l'îlot Jadart. Certains ont besoin de liquidités avant les fêtes de fin d'année. Comme cette dame arménienne, femme de ménage, qui vient déposer quelques bijoux en or pour récupérer un peu de sous. "Cela lui permettra d'acheter des cadeaux pour les enfants et de la nourriture pour préparer le repas de Noël, raconte l'amie qui l'accompagne et l'aide à échanger en français.

Ouvert à tous, sans condition de ressources, le prêt sur gage permet de disposer rapidement d’une somme d’argent, contre le dépôt temporaire d’un ou plusieurs objets de valeur : un bijou, une montre, de l'argenterie, un instrument de musique, une bouteille de champagne d'un grand cru... Pour cette "mise au clou", il suffit d'amener une pièce d'identité et un justificatif de domicile. Pour certains objets griffés, comme de la maroquinerie, une facture ou un certificat de garantie sont également demandés.

La somme prêtée correspond à la moitié de la valeur de l'objet, estimée par un appréciateur ou un commissaire-priseur. Les usagers disposent de six mois pour venir récupérer ce bien, moyennant le remboursement de la somme reçue assortie d'intérêts, ou prolonger le crédit. Sinon, l'objet est alors vendu aux enchères. "On ne vend que 6 % des objets qu'on nous dépose, indique Isabelle Desseaux. Notre métier, c'est d'abord de prêter de l'argent afin d'aider les personnes à faire face à une dépense urgente. Chez nous, plus de 75% des prêts sont en dessous de 1000 euros."

En augmentation de 15%

En cette période de crise, les sommes prêtées n'ont jamais été aussi importantes. "Cette année, les clients nous déposent davantage, cela signifie que leurs besoins ont augmenté, souligne la directrice. On en est à plus de 2.300.000 euros d'encours de prêts. On n'a jamais connu ce niveau sur les décennies précédentes. Au 30 novembre, on en était à + 15% par rapport à l'an passé." Chaque année, 1400 personnes utilisent ce service, vieux de plus de 200 ans.

Derrière le guichet vitré, pour raison de sécurité, un artisan plaquiste d'une trentaine d'années est venu de Romilly-sur-Seine pour prolonger son crédit de 11.000 euros. "J'avais besoin de cet argent car j'ai fait construire une maison et il me manquait des sous pour finir les extérieurs, cela m'a bien aidé", confie-t-il. Comme lui, certains viennent de loin, car il n'existe pas d'autre crédit municipal en Champagne-Ardenne. Les plus près se trouvent à Nancy ou Paris. Comme la grande majorité, cet homme a laissé en gage des bijoux de famille.

Mais parfois, les dépôts sont plus insolites, comme cette cravate en or ou cette collection de pièces de la Monnaie de Paris à l'effigie d'Harry Potter et des Schtroumpfs. "On nous a apporté cette collection il y a quelques mois, estimée à 8000 euros. Le monsieur souhaite désormais qu'on la vende aux enchères", indique la directrice. Un service gratuit proposé par le Crédit municipal qui organise une vente publique tous les deux mois environ.

Service social et solidaire

La sonnerie retentit. Jérôme, l'appréciateur des biens, ouvre la porte et accueille cette retraitée avec un grand sourire. C'est Béatrice, une habituée des lieux qui vient elle aussi prolonger son contrat. "Je laisse mes bijoux ici à cause des vols, nous explique-t-elle, je préfère qu'ils soient en sécurité. Et puis l'équipe est très sympathique."

Derrière le guichet, Isabelle et Jérôme prennent des nouvelles de sa santé. Confrontés à des parcours de vie souvent cabossés, ils deviennent parfois des confidents pour les usagers. "Les gens nous parlent beaucoup ici, assure Jérôme. On ne vient pas chez nous par plaisir, mais parce qu'on est confronté à une difficulté. C'est important qu'on soit là aussi pour les rassurer. On est avant tout un service social et solidaire."

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