Si, pendant le premier confinement, l’entreprise, implantée dans la Marne, avait mis en place le télétravail, aujourd’hui, Joseph Puzo, son PDG, y a renoncé. La productivité et la créativité avaient baissé. Une situation difficile dans une société qui doit innover en permanence.
Dans le sud-ouest du département de la Marne, Axon’Cable est une entreprise de taille intermédiaire internationale, qui emploie 750 salariés. Dans le monde, on en compte 2400. La société est, notamment, réputée pour ses câbles qui équipent le cœur artificiel Carmat, mais aussi pour ceux de la caméra de Curiosity, sur Mars, depuis 2012, ou encore ceux de la caméra d'analyse terrain de Perseverence. Cette année, on s’attend à ce que quelques milliers de cœurs artificiels soient implantés, en Europe. Par ailleurs, la mission ExoMars, est prévue pour 2022.
C’est donc beaucoup d’activités, en perspective, d’autant que l’entreprise est très présente dans l’espace, à travers l’équipement de satellites, comme Telsat, et que le spatial est en pleine croissance. Certes, le trafic aérien passager a baissé de 60%. Et l'aéronautique et l'automobile sont des secteurs où Axon’Cable réalisait 60% de son chiffre d'affaires en 2019. Pour autant, Joseph Puzo reste optimiste. A 73 ans, le P.D.G. a traversé, avec succès, d’autres crises.
Accélérer l’innovation
Si Joseph Puzo est confiant, c’est parce que des projets sont en discussion. "Même si l’année démarre lentement", dit-il, "nous recevons des demandes de prototypes. On réalise de plus en plus de vidéos de présentation de nos produits. Le service marketing est débordé. L’usine tourne à fond". Mais la confiance du P.D.G. tient également à son expérience.
Il se souvient de la crise de 2009, qui a duré 18 mois. "Dès le début, en octobre 2008, les clients ont brutalement arrêté de commander. Aux Etats-Unis, en cas de crise, on licencie, pas en France. On avait 50 personnes qui n’avaient plus rien à faire en production. On a fait en sorte qu’ils soient polyvalents en les faisant changer chaque mois d’atelier, car quand on sort d’une crise, les clients achètent différemment. J’ai accéléré la R. et D. (Recherche et Développement), et même si cela a fait monter nos coûts, on faisait un salon chaque semaine. On était les seuls, car nos concurrents avaient arrêté d’exposer. On a ainsi envoyé deux ingénieurs, à Boston, pour rencontrer la NASA. A la suite de ça, ils ont passé une commande de 10.000 dollars, et ça s’est répété tous les mois".
Au début, Joseph Puzo n’est pas sûr que sa stratégie est la bonne. En 2009, le chiffre d’affaires baisse de 15%. Quelques banquiers prennent peur et quittent le P.D.G. Mais, en mars 2010, les commandes reviennent. L’entreprise repart sur les chapeaux de roue. Avec six à sept pour cent de profit, les pertes de 2009 étaient effacées.
Seul, en février, à Singapour
Quand il se penche sur le passé, Joseph Puzo observe que les pandémies durent quatre à cinq ans. "Si celle-ci dure deux ans", dit-il, "elle aura été une des plus courtes de l’Histoire". Aujourd’hui, de nombreuses entreprises sont privées de salons. Mais en février 2020, le P.D.G. d’Axon’Cable a participé à un événement à Singapour. Il y était seul et c’était son dernier salon. "Là-bas, l’épidémie avait débuté. J’ai vu comment ils traitaient la Covid-19. Prise de température, avant d’entrer dans un lieu, pas de serrage de mains…
Même si l'année démarre lentement, nous recevons des demandes de prototypes. Le service marketing est débordé. L'usine tourne à fond.
A mon retour, j’ai importé les thermomètres que j’avais vus sur place, et j’ai imposé la prise de température, dans l’entreprise. Comme pour le masque, il n’y a pas eu de récalcitrants. Les gestes barrières ont tout de suite été respectés. Nous avons développé les visioconférences et préparé des "e-Tech-briefs", c’est-à-dire, des videos de présentation pour expliquer les produits. Quand le premier confinement a été annoncé, nous avons mis en place le télétravail, avec des rotations, mais la productivité et la créativité ont baissé. C’est grave pour une entreprise qui doit innover. Notre machine à cafés est installée dans l’usine. Pour s’y rendre, on marche. C'est bon pour la santé et on fait aussi des rencontres, et c’est souvent là que des idées surgissent". Au deuxième confinement, il a été exclu de recourir au télétravail.
Prêt pour la vaccination
Si le masque est bien sûr de rigueur, à l’intérieur de l’entreprise, tous y travaillent en présentiel, à condition, pour les personnes à risque d’avoir obtenu l’autorisation de leur médecin. Pendant le premier confinement, deux cas de Covid19 ont été détectés, avec de la fièvre. Dix autres ne présentaient pas de symptôme. "C’est en dehors de l’entreprise qu’ils avaient été contaminés", assure Joseph Puzo.
On a tout ce qu'il faut pour vacciner, avec médecin et infirmière du travail qui sont autorisés à le faire. On a de quoi conserver les vaccins au froid chez nous, ou chez nos voisins, dans l'enceinte industrielle de Montmirail.
Depuis, le P.D.G. en est convaincu : "le travail en présentiel protège contre le coronavirus ! On a tout ce qu’il faut pour vacciner, avec médecin et infirmière du travail qui sont autorisés à le faire. On a de quoi conserver les vaccins, au froid, chez nous, ou chez des voisins, dans l’enceinte industrielle de Montmirail, qui disposent de frigos pour les volailles. On attend plus que les vaccins. J’ai envoyé des mails partout, et j’attends."
Avec une nouvelle usine, Axoplus, de plus de 4.000 mètres carrés, inaugurée en octobre dernier et pour laquelle Axon’Cable a reçu 760.000 euros de l’Etat, au titre du plan de relance, la société a encore accéléré son programme de formation. Axoplus représente un investissement de six millions d’euros, dont trois millions pour une seule machine. Bien sûr, les secteurs de l’aéronautique et de l’automobile sont réellement sinistrés, mais le P.D.G. ne sombre pas dans la morosité.
Un petit regret, toutefois, l’an passé, comme cette année 2021, pas de bal de l’empereur. Joseph Puzo se plaisait à organiser tous les ans une reconstitution de la bataille de Montmirail, remportée par Napoléon 1er le 11 février 1814. Cette reconstitution, rassemblant sur une centaine d’hectares figurants et chevaux, était accompagnée d’expositions et d’un grand bal, en costumes d’époque. Covid-19 oblige, on ne dansera pas cette année à Montmirail, en souvenir de la victoire de l’empereur.