Coronavirus : à Reims, des dizaines de restaurateurs s'inquiètent de leurs conditions de réouverture

Dans la cité des sacres, ils sont une soixantaine, voire cent, à craindre très sérieusement les conditions de réouverture de leur établissement. Ces restaurateurs de Reims redoutent de perdre encore plus d'argent que s'ils restent fermés et réclament plus d'aides de la part des assurances.

Plus d'espace pour les clients avec la même surface de restaurant. C'est avec ce casse-tête que les restaurateurs vont devoir s'adapter pour que la réouverture de leur établissement se passe dans les meilleures conditions sanitaires possibles. Avec la "distanciation sociale", ces derniers vont devoir au choix, supprimer des tables ou agrandir leur restaurant. À Reims, ils sont plusieurs dizaines à s'indigner face à ces mesures. "Quoiqu'ils annoncent, ça va nous coûter. Ça on le sait", s'indigne Cyprien Paleni, gérant du Bootlegger Speakeasy, un bar restaurant du quartier Clairmarais à Reims.

On nous demande de réduire le nombre de tables et d'augmenter l'espace entre les clients. Si on ne peut pas augmenter l'espace, on réduit forcément le nombre de tables et donc notre chiffre d'affaires.  
- Cyprien Paleni, gérant du Bootlegger Speakeasy à Reims


"C'est comme avoir une maison à Tchernobyl"

Le Rémois n'est pas le seul à communiquer ses angoisses. Au téléphone à ses côtés en haut-parleur, Christophe Anquetil, dirigeant de plusieurs bars et restaurants à Reims, partage les inquiétudes de son confrère. Comme eux, de nombreux restaurateurs ont dû avoir recours au prêt garanti par l'État (PGE), une aide financière accordée aux entreprises victimes du confinement, pour survivre. "C'est comme si on avait une maison à Tchernobyl avant la catastrophe et qu'après coup, on devait construire une véranda, alors que plus personne ne veut acheter", compare-t-il, tendu. 

Les deux entrepreneurs aimeraient que l'État ou les assurances les aident davantage pour leurs frais fixes, le remboursement de leurs pertes ou encore la formation aux nouvelles normes sanitaires de leur personnel. Ils s'interrogent, en chœur : "Qui voudra à nouveau investir dans la restauration, les bars, les boîtes de nuit ? Chez eux, les gens ont la musique, peuvent se faire des cocktails. Ce que nous vendons, c'est de la convivialité."
 Sur Facebook, le gérant du Bootlegger garde le contact avec ses clients les plus fidèles et tente de relativiser la situation avec humour.

Des nouvelles méthodes de travail probablement contraignantes, mais pour l'heure inconnues. Xavier Namur, qui gère le Killberry et détient des parts dans le bar "Les vieux de la vieille" dans le quartier Boulingrin de Reims, se montre lui aussi très angoissé par la situation. Des aides seraient bienvenues, mais surtout, le patron de bar aimerait que davantage de temps soit laissé aux restaurateurs afin qu'ils puissent s'adapter dans de meilleures conditions : "Évidemment, les normes sanitaires seront drastiques et nous le comprenons, mais ce n'est pas notre cœur de métier. Il nous faudra du temps pour mettre tout en place et ne pas faire ça n'importe comment."

Comme Cyprien Paleni et Christophe Anquetil, Xavier Namur est stressé par la situation et le flou le plus total qui règne sur les conditions de réouverture. Devront-ils laisser un mètre entre chaque table ? Comment faire pour les clients qui ne jurent que par le comptoir ? Comment financer les travaux d'aménagement et la formation des employés sans recettes ? "C'est comme une roulette russe, tranche Xavier Namur. Si on rouvre, on aura un pistolet sur la tempe sans savoir s'il y a une balle dans le chargeur… On ira au charbon en sachant que nous courrons à notre perte."
 

Des conditions de réouvertures floues dans un climat anxiogène

Depuis le début de la crise sanitaire, nombre d'informations circulent. Dans un premier temps, il se disait qu'il faudrait compter 4m2 par client. Finalement, la solution d'un mètre de distance serait retenue, sans aucune confirmation. D'autres pistes envisageraient des protections similaires à celles installées pour protéger les employés de la grande distribution aux comptoirs des bars. Là encore, difficile de vérifier l'information.

Les négociations évoluant au jour le jour, les trois restaurateurs affirment recevoir trois ou quatre documents avec des consignes de réouverture différentes au quotidien. Un flou artistique qui renforce d'autant plus leur sentiment d'anxiété. "Finalement, on était presque mieux il y a un mois. On était obligés de fermer mais au moins, on était fixés sur notre sort", lâche-t-il, désabusé.

Toutes ces nouvelles interrogations se posent dans un contexte financier très tendu depuis l'annonce du déconfinement. Comme le remarquait le président de l'Umih (Union des Métiers des Industries de l’Hôtellerie) de la Marne sur notre site, les difficultés économiques des restaurateurs engendreront de nombreuses fermetures d'établissement. "On réemprunte de l'argent parce qu'on y croit encore un peu", soupire Christophe Anquetil. Seulement, ces emprunts devront être remboursés tôt ou tard et les espoirs de remplir les bars et les restaurants sont maigres. 

Une table sur deux va disparaître. Les gens ne vont pas se fouler, avec les enfants à rhabiller, à emmener chez le coiffeur plus pertes de salaires... consommer au bar ou au restaurant ne sera plus une priorité. Tout ça sans compter les 50% de chiffre d'affaires en moins en diminuant le nombre de tables.
- Joël Oudin, président de l'Umih de la Marne


Outre les déboires financiers, les professionnels se demandent comment se déroulera la réouverture de leur établissement. "Les fournisseurs ne pourront jamais nous livrer tous en même temps", soulignent Xavier Namur et Joël Oudin d'une même voix. 

Pour l'heure, de nombreux documents circulent par courriel ou sur les réseaux sociaux, détaillant chaque jour un peu plus les potentielles négociations entre le gouvernement et les syndicats. "On garde le contact déjà en temps normal et encore plus dans cette situation", justifie Cyprien Paleni. Le Rémois a mis au point une pétition qui circule entre lui et ses confrères. L'objectif est de récolter un maximum de signatures et de doléances, "pour être mieux entendus". Si tout se déroule sans accroche, la date de la fin des négociations est fixée au jeudi 28 mai.
 
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