Conséquence indirecte du confinement forcé, des femmes seraient plus nombreuses à être victimes de violences conjugales. A tel point que le gouvernement annonce la mise en place d'un dispositif d'alerte dans les pharmacies. Dans la Marne, le constat réserve quelques surprises.
« La priorité pour une femme battue, c’est d’échapper à son bourreau et je ne suis pas sûre que c’est à la pharmacie que la victime se rendra de prime abord », reconnaît, un peu dépitée cette pharmacienne installée dans le centre-ville de Reims depuis 10 ans.Interrogé jeudi 26 mars sur France 2, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a révélé que les violences faites aux femmes ont progressé de "32% en zone gendarmerie par rapport à une semaine de reférence". Il a ainsi expliqué que les femmes pourraient donner l'alerte au moment de chercher les médicaments en pharmacie notamment par l'intermédiaire d'un code "par exemple masque 19", si leur conjoint se trouvait à côté. A charge alors pour les pharmaciens de prévenir les forces de l'ordre.
La pharmacie, un lien social
Après ces annonces, chacun des professionnels que nous avons interrogés dit attendre des consignes plus précises. Pierre Kreit, qui représente le principal syndicat des pharmaciens de France, le FSPF, la Fédération des pharmaciens d'officine, accueille avec satisfaction ces mesures. « A la campagne, plus qu’ailleurs, la pharmacie est le lieu de vie et un lien social, la croix verte symbolise le rôle médical et sociétal », analyse celui qui est installé à Vanault les Dames, une commune marnaise de 450 habitants.Depuis qu’il s'est installé, en 1989, bien sûr qu’il a reçu dans son officine des femmes battues, « les visages tuméfiés ne laissent alors guère de doutes », explique-t-il.
Et d'ajouter : "C’est alors de notre devoir d’être le relai entre le médecin et les services de secours. La pharmacie reste une profession de santé sachant faire preuve de discrétion mais nous savons aussi faire preuve de responsabilité."En rural, tout le monde connaît tout le monde, on sait ce qui se passe chez les gens
- Pierre Kreit, pharmacien
Quant aux associations de défense des victimes, confinement oblige, elles sont aux abonnés absents. C’est le cas du MARS mais aussi du CIDFF, le Centre d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles, un message indique que les locaux sont fermés ne proposant guère de réponse face à des personnes en détresse. En temps normal, des permamences téléphonqiues sont opérationnelles partout en France. De fait peut-être ne voyons-nous que la partie émergée de l’iceberg. Les violences seraient alors passées sous silence.
Baisse sensible du nombre de plaintes
Alors, assiste-t-on a une recrudescence des violences faites aux femmes également à Reims ? Interrogé, le commissariat de police de la Cité des Sacres indique que, depuis le début du confinement, ce serait plutôt une baisse sensible du nombre de plaintes en général et des plaintes concernant les violences conjugales et intra-familiales en particulier.Pourtant, Joseph Merrien, directeur départemental de la sécurité publique, relativise car confie-t-il « certains imaginent que les commissariats ou gendarmeries sont fermées pendant le confinement or c’est l’inverse et ces lieux sont à même de recevoir des plaintes. Des pré-plaintes sont aussi possibles via internet. » Si cela est avéré, cela signifie que des signalements ne sont tout simplement pas faits.
Selon Joseph Merrien, un des facteurs qui explique habituellement et tristement les violences dans les foyers relève souvent de la consommation d’alcool or, « avec la fermeture des débits de boisson, moins de personnes se retrouvent en état d’ébriété pouvant donner lieu à des violences. »
Le nombre de plaintes de ce type est de l’ordre de 700 à 800 chaque année à Reims et dans sa périphérie. Rappelons que le numéro 3919 permet à toutes personnes victimes de violences de se manifester de façon anonyme, sans oublier le 17 pour la police et la gendarmerie.