Coronavirus : "le virus circule encore dans la Marne, il faudrait dépister davantage"

Fini le temps de l'optimisme post-COVID ? Des médecins, épidémiologues, à la lumière des chiffres fournis par l'ARS estiment que le virus circule toujours parmi la population. Et en particulier dans le Grand Est. Dans la Marne, les chiffres seraient même inquiétants. Explications.

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"L’épidémie peut repartir." Voilà la phrase glaçante du Professeur Jacques Cohen, immunologue à Reims. Pour expliquer cette crainte, une donnée essentielle, la montée du taux d’incidence, c’est-à-dire le nombre de tests positifs au coronavirus rapporté aux 100.000 habitants sur une semaine. Ce chiffre grimpe dans le Grand Est, en cette mi juin 2020, notamment en Meurthe-et-Moselle mais la Marne n’est pas épargnée.

"Ce qu’il faut bien comprendre, dit le docteur Jacques Cohen, c’est que les taux d’incidence et taux de positivité sont des ratios, ils sont sujets à des variations." Entre la Meurthe-et-Moselle et la Marne, les choses sont bien différentes. Dans le premier cas, un recours massif aux tests a été déclenché grâce à la présence de 55 sites de prélèvements alors que la Marne n’en compte que 16 soit trois fois moins.

 

Malgré cela, même s’il y a moins de tests dans ce département, les tests positifs restent alarmant en proportion du nombre d’habitants : 20,1 cas pour 100.000 habitants au 4 juin sur une semaine, alors que la moyenne nationale est d’un peu plus de quatre seulement.

 

Le virus circule parmi nous

"Ce qui ressort de cela, c’est qu’il reste bel et bien une circulation virale" souligne l’immunologue. Il n’est qu’à voir jeudi 11 juin, on a enregistré 25 personnes hospitalisées en réanimation en France, 10 en Ile-de-France et six dans le Grand-Est." Son analyse a de quoi inquiéter : "La circulation virale aurait dû donner lieu à des dépistages massifs qu’on appelle "clusters." Or, cela n’a pas été fait. Dans la Marne il y a eu peu d’initiatives locales en ce sens", se désole le professeur Cohen.

Il compare avec la Chine : "Il serait intéressant de faire des campagnes massives pour continuer à éradiquer le COVID, s’étrangle-t-il. A Wuhan, en Chine, gros foyer épidémique, ils ont cessé le déconfinement tardivement, plus tardivement qu’en France. Quand il y a eu une résurgence clinique en Chine ils ont décidé de tester toute la population du secteur, 12 millions d’habitants en deux semaines. Ils ont alors trouvé 300 cas. S’y sont ajoutés les cas contacts. Avec cette règle, si on a un cas par million d’habitants alors le virus disparaît."

 

 

Ce à quoi on assiste aujourd’hui dans un certain nombre de départements, c’est à la résurgence de petits foyers : "même si foyer n’est pas égal à épidémie précise le médecin."  Reste que tout cela constitue des signaux d’alerte à ne pas négliger. Avec recul, le docteur Cohen explique : "Si on demandait à l’INSEE de faire des statistiques précises, on pourrait identifier ces zones à risques à l’intérieur même des départements français et ainsi limiter les risques de résurgence, car c’est une évidence scientifique, il reste une circulation virale. Ces chiffres sont des signaux d’alarme." Revient toujours la même question : "il faudrait des tests généralisés mais ce n’est pas possible à l’échelle de la France. Ce qui est possible, c’est une cartographie là où il y a le plus de virus, des foyers c’est là qu’il faudrait faire des tests systématiques. C’est le cas à certains endroits en région parisienne, c’est le cas aussi dans la Marne.

Nous n’avons pas d’outil de surveillance dans ce département alors qu’il existe forcément des petits foyers qu’il faudrait isoler : on a perdu 15 jours à trois semaines à cause de cela.

-Professeur Jacques Cohen, immunologue à Reims

Le médecin prend l’exemple d’un village en Italie qui avait été totalement bouclé. Lui estime que s’il y a réapparition du virus cela se fera de façon différenciée : "Alors que 20.000 tests ont été réalisés en Meurthe-et-Moselle, dans la Marne on n’est pas du tout dans les mêmes proportions." Le virus peut disparaitre de lui-même, le pic épidémique est fini mais il y plusieurs scénarios, le risque de récidive, nous ne sommes pas en situation que celui-ci meure selon l'épidémiologiste. Et d'ajouter : "On martèle la fin du pic on le sait mais on ne martèle pas les signes de persistance, sûrement pour des raisons non-médicales."

 

Ministre en émoi

De son côté l'ARS, agence régionale de santé, a bien du mal à analyser les choses : "On ne l’explique pas" résume Thierry Alibert, "ce dont on est certains, c’est que le phénomène est en dent de scie." Cependant plusieurs hypothèses selon lui : "les chiffres ont été mauvais sur les journées des 2 et 3 juin dans la Marne avec un taux d’incidence record de 21,1 cas pour 100.000 habitants. Cela a mis en émoi, apprend-t-on de l’intéressé et l’autorité centrale. Mais quand on regarde les fiches contacts de la CPAM, la caisse primaire d’assurance maladie, on ne constate pas de hausse globale."

Même constat chez SOS médecin selon lui. Quant aux passages en service de réanimation, ils n’ont pas augmenté : "On était à 10 la semaine dernière, on est passé à 9 cette semaine."Le nombre de décès liés au Covid depuis le début de la pandémie s’élève à 259 dans le département. L’ARS, pour aller dans le sens du Professeur Cohen reconnaît qu’il n’y a pas assez de tests massifs.

C’est pourquoi elle annonce un virage à 180 degrés. Dès samedi 13 juin, le bus Covid du CHU, centre hospitalier universitaire, de Reims va s’installer dans les différents quartiers de la ville, au marché du Boulingrin le matin puis place d’Erlon l’après-midi pour capter un maximum de personnes. La semaine prochaine tous les quartiers seront desservis selon un calendrier à déterminer. De son côté la clinique Courlancy a décidé de dépister depuis ce vendredi 12 juin toute personne hospitalisée.  Enfin des tests massifs devraient avoir lieu dans les EHPAD de la Marne et certains foyers de jeunes travailleurs comme celui de Reims. Là on devrait y réaliser plus de 650 tests.

Le CHU a une capacité de 600 tests par jour et les différents sites de prélèvements PCR du département, 1.200. Quant à un éventuel relâchement de la population qui pourrait expliquer les mauvais chiffres ? "Il y a des choses contradictoires dans les messages envoyés à la population : les éléments de distanciation sont contradictoires avec relance économique, fallait-il par exemple rouvrir les restaurants ?" interroge le Professeur Jacques Cohen. Le médecin qui donne cette date, le 15 juin, on saura si le virus est persistant ou va disparaître. En attendant il ne saurait trop recommander l’usage systématique du masque en public.

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