Covid-19 : à Reims, plus de 200 étudiants viennent récupérer des kebabs gratuits

En difficulté financière ou simplement pour voir du monde, ils étaient plus de 200 à venir profiter d'un kebab gratuit dans le centre-ville de Reims.

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"Quand on a des moyens limités c'est bien de manger autre chose que des pâtes." Il fait moins deux degrés, mais attendre plus d'une vingtaine de minutes ne leur fait pas froid aux yeux. Ce mardi 9 février, place d'Erlon à Reims, plus de 200 étudiants sont venus profiter d'un élan de solidarité initié par l'Istanbul, connu pour ses kebabs servis, dans un monde sans Covid-19, à n'importe quelle heure du jour et -presque- de la nuit. Sur présentation d'une carte étudiante, un sandwich "salade/ tomates/ oignons" était offert entre 14 et 15 heures.

Le patron a dû refuser quelques demandes, victime d'un succès qui en dit long sur la crise actuelle. Il faut dire que le message a beaucoup tourné sur les réseaux sociaux. L'annonce du restaurant a été partagée près de 250 fois, rien que sur sa page Facebook.

Dans la file d'attente, longue d'une centaine de mètres, Amelle et Rym sont venues partager un kebab. Elles ont la petite vingtaine et viennent d'Algérie pour étudier les sciences à l'université de Reims. Contrairement aux années précédentes, Rym ne peut pas travailler cette année. Alors, à 21 ans, elle tient une liste de courses précise pour ne pas dépasser son budget. "C'est difficile de trouver un travail, regrette Rym. Pour la première année, j'étais préparée financièrement, donc je me suis dit que je travaillerai pendant l'été pour assurer ma seconde année." Mais avec la crise sanitaire, impossible pour l'étudiante en master de mathématiques de trouver un petit boulot.

Un kebab peut paraître dérisoire, mais c'est un coup de pouce qui change beaucoup de choses pour Marie-Ange, 19 ans. "C'est mon repas du midi que je suis en train de manger et ça me fait plaisir, ajoute l'étudiante en Staps. Je me demandais quand je devais aller faire les courses, et bien j'irai demain. C'est une très bonne chose car cela nous permet de prendre à manger sans regarder le prix et son compte en banque. Aujourd'hui, on est le 9, et je regarde tout le temps mon compte en banque pour vérifier que je ne suis pas dans le rouge." 

Un peu plus loin, Salie, 18 ans, est emmitouflée dans son manteau. Originaire de Langres, elle habite à Reims depuis septembre. Elle a entamé sa première année de droit. Avec une semaine sur deux à distance, elle n'a pas pu se faire d'amis sur les bancs de la fac. "Je ne connais pas grand monde, donc l'isolement social est encore plus fort", constate Salie. Donc je vais prendre mon kebab et rentrer chez moi travailler." Depuis le second confinement, ce n'est pas la première fois qu'elle pense à tout arrêter. Comme elle, "un tiers des étudiants ont présenté des signes de détresse psychologique" durant le premier confinement, rappelait Olivier Véran le 19 novembre dernier"On nous reproche souvent de passer beaucoup de temps sur nos ordinateurs, mais ce n'est pas la même chose, se désole l'étudiante. C'est compliqué de rester motivé en restant toute une journée sur un ordinateur, de 8 heures à 20 heures avec peu de pauses."

Comme elle, quatre étudiants de commerce ne sont pas venus pour des problèmes financiers, mais pour goûter un peu au monde d'avant. "On est censés être en cours en visio pour apprendre à faire nos CV, justifie l'un d'eux, mais bon, dans cette période, faire des CV... on a l'impression que ce n'est pas vraiment utile." Ses trois copains sourient à moitié jaune. "On a l'impression de passer à côté de nos études. On ne peut ni sortir, ni faire la fête...", renchérit un autre, avant d'ajouter : "Sans vous mentir, quand on sait qu'on ne voit pas nos familles pendant un moment, on brise le couvre-feu pour se voir." "Surtout, on se teste tout le temps !", rectifie un autre.

Devant un tel succès, le gérant de l'Istanbul assure qu'il réitérera l'opération, d'une manière différente dans les semaines à venir. "On était à leur place il n'y a pas si longtemps, dit Mavzer Tasdelen, le géant. J'ai étudié à Strasbourg et à Marseille, j'étais loin de ma famille, loin de mes repères, et j'avais la chance de pouvoir aller dans des bars ou sortir avec des amis." Et le gérant de conclure : "Pour être franc, je suis très touché de voir autant d'étudiants dans le besoin. C'est presque triste de voir tout ce monde."

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