L'histoire de cette Rémoise de 82 ans, atteinte par le Covid-19 et sans solution d'aide à domicile avait rencontré un large écho. Elle est décédée dans la nuit de dimanche à lundi 25 janvier à l'hôpital de Reims.
Célia a des larmes dans la voix. Sa grand-mère de 82 ans atteinte par le Covid-19 et sans solution d'aide à domicile, est morte dans la nuit de dimanche à lundi 25 janvier. Dans une chambre du pôle gériatrie du CHU de Reims où elle a été transférée vendredi. "Elle était hospitalisée à domicile, mais ça ne pouvait pas tenir, raconte sa petite-fille. Le vendredi matin, on a rappelé le médecin, il a constaté que ce n'était pas possible de la laisser chez elle sans surveillance. Il l’a retransférée aux urgences, il y a eu du forcing pour qu’elle soit hospitalisée en gériatrie Covid, à 14h30".
Vous aviez trouvé la situation d'Annie émouvante, il y a quelques jours. Malheureusement, Annie est décédée vers 2h du matin ce lundi 25 janvier. Son état s'était fortement dégradé. "Je ne l’ai pas revue, c’est compliqué, ma mère est positive, elle ne pourra pas assister aux obsèques, de mon côté, c’est compliqué de gérer ça toute seule". La voix est nouée, Célia toujours considérée comme cas-contact, et elle est amère. "J’en veux à beaucoup de monde, on ne saura jamais, s'il y a eu manquement. On était d'accord pour l’hospitaliser dès que l'on a eu connaissance de sa positivité au Covid-19, et ne pas s’acharner, même qu'elle soit placée en soins palliatifs. Le service de gériatrie a été super, ils l’ont bien accompagné, ils ont fait du mieux qu’ils ont pu, et l’ont soulagé. Mais c’est dur, surtout pour mes parents". Les obsèques de sa grand-mère chérie auront lieu cette semaine.
La situation d'Annie avait suscité colère et d'incompréhension
Célia Prioux-Schwab admirait sa grand-mère, Annie. Une "battante" âgée de 82 ans. Elle a travaillé depuis ses 14 ans et vivait comme elle, à Reims. Mais en cette mi-janvier 2021, Annie avait perdu ses armes face au virus et les larmes n'étaient pas loin chez sa petite-fille. Atteinte du Covid-19 et déjà fragilisée par la maladie, Annie, diabétique, leucémique, était sous chimiothérapie. Elle vivait seule à son domicile avec l’aide régulière de sa fille unique, la maman de Célia. Mardi 19 janvier à midi, cette femme âgée a été hospitalisée alors que son état général s'est dégradé. Elle était confuse dans ses propos avec des difficultés respiratoires, elle a été transportée au CHU de Reims, raconte Célia. Mise sous oxygène, le verdict est tombé. Elle est testée positive au Covid. La suite est un enchaînement cauchemardesque, continue Célia. Elle souhaitait alerter les pouvoirs publics sur cette série de difficultés qui pourrait arriver à d'autres familles touchées par la pandémie.
"En milieu d’après midi, mardi, nous rappelons le CHU : Votre mère est sortante. Elle rentre ce soir en ambulance" nous dit-on. "Il est 16h30. Ma grand mère est positive au Covid, ma mère également, clouée au lit. Je suis bien sûr moi-même cas-contact et j’ai un bébé. En 30 minutes, nous devons trouver des solutions de maintien à domicile pour une personne âgée positive au Covid. Nous apprendrons qu’il n’y a aucune solution, aucune aide proposée. Les travailleurs sociaux que nous contactons en urgence n’ont malheureusement pas de solutions non plus, eux-mêmes dépités par ce manque de cohésion. La sentence est tombée : la décision médicale l'emporte sur les difficultés et les conséquences sociales". Travailleuse sociale elle-même, Célia est en colère.
Ma grand mère a dû rester seule, malade, à son domicile sans aucune aide pour faire sa toilette, manger, prendre ses médicaments.
Elle dénonce sur les réseaux sociaux une politique de santé publique jugée expéditive. "Ne pas proposer d’hospitalisation à domicile ? Ne pas mettre en place un protocole de retour à domicile pour les personnes âgées isolées positives au COVID? Voici où nous en sommes 1 an après l’apparition du COVID. La solitude des personnes âgées isolées pendant cette période de pandémie n’a donc aucune importance ? Nous demandions juste un peu de temps afin de s’organiser, pour organiser dans les meilleures conditions son maintien au domicile".
Le récit de cette semaine de galère laissait à Célia un goût amer. "Lorsque ma mère a rappelé les urgences du CHU pour prendre des nouvelles, on lui a dit, elle rentre chez elle. Or, ma grand-mère habite seule, elle a 82 ans, elle est diabétique, elle a une leucémie, elle est sous chimio. Rentrer seule sans aide, c’était compliqué, et ma mère ne pouvait pas l’aider. On n'a pas de protection FFP2. J’ai appelé le CHU, très sympathique. Ils m'ont dit, on va voir avec le médecin des urgences, mais elle est sortante, il est 17h30. Donc à 18h, elle est chez elle avec le covid. seule. Sans aide". L'angoisse commence pour sa famille.
Seule toute la nuit
Au téléphone, impuissante, Célia s'active chez elle. Elle pianote sur son ordinateur, appelle partout et fait chauffer son smartphone pour trouver une solution rapidement. Aidée par une assistante sociale, elle obtient les coordonnées d’une coordinatrice en médecine générale. "J’ai appelé cette dame qui a été touchée par notre situation. Elle m’a rappelé, elle a transmis à ses collègues, mais ma grand-mère est restée seule toute la nuit. Ma mère n’a pas eu le courage d’y aller, mon père a aussi le covid. Il est malade…"
Une nuit d'inquiétude pour Célia et sa mère. La culpabilité qui ronge, de laisser l'octogénaire seule chez elle avec le virus et ses problèmes de santé. "Le lendemain, j’ai rappelé la coordinatrice, poursuit Célia, on a mis en place une hospitalisation à domicile, mais la question des repas se pose. Ils font les soins, la toilette et le traitement insuline, la vérification des constantes, mais les repas…J’ai appelé des aides à domicile à Reims, mais personne n’intervient quand on est positif au covid. Une seule association pouvait intervenir, sous trois jours, mais d’ici là ? J’ai réussi à trouver une solution à 16h30 le lendemain, avec une entreprise qui accepte d’intervenir même si elle est positif au covid". Soulagement pour Célia, une aide est intervenue chez sa grand-mère ce jeudi 21 janvier à midi. Deux jours après le retour d'Annie chez elle. "Finalement, ma mère y est allée entre-temps, elle n’a pas eu le choix".
"Un système trop figé"
Enervée, Célia a fait part de sa colère et de sa détresse sur les réseaux sociaux. Avec un large écho, elle a même été soutenue par une influenceuse forte d'1,6 millions d'abonnés, Mel Dedigama, sur Instagram. "Je dénonce l’isolement des familles dans ce cas. Certes, je comprend la situation sanitaire, je connais le milieu médical. On ne garde pas les personnes âgées à l’hôpital ok, mais on ne prend pas en compte l’isolement, on ne propose pas de solution, on demandait juste une nuit de garde, le temps qu’on se retourne, je dénonce un système trop figé, sur l’aspect social face à la situation sanitaire".
Sans parler du coût financier de cette aide à domicile. Pour trois heures par jour, soit 21 h par semaine à 28 euros de l’heure, la facture est de 588 euros par semaine pour nous, détaille Célia. "C'est déductible à 50% des impôts, mais il faut avancer les frais. Et pour couronner le tout, leur mutuelle ne prend pas en charge ces frais. "Au 31 décembre 2020, les garanties de la mutuelle ont été revus à la baisse", ont-ils appris par hasard. Alors la famille va piocher dans son épargne. "Ma grand-mère en a un peu, mes parents aussi, il faut bien que la situation s'arrange. Heureusement qu’on peut faire face. Peut être qu’une personne âgée isolée serait mieux aidée, je ne sais pas, s'interroge Célia. J’ai alerté pour ne pas que ça recommence, ça peut tomber sur une personne âgée, ou handicapée. Un médecin aurait-il fait cela, si c’était sa grand-mère?
Célia Prioux-Schwab a reçu une écoute attentive de la part de la mairie de Reims, via Facebook, "le maire m’a envoyé son mail, j’ai pu lui dire ce qui s’était passé, il a transféré à son adjointe chargée de la santé et des affaires sociales, et vice présidente du conseil départemental de la Marne en charge des personnes âgées". Là, on a pallié au manquement tout seuls. Mais il faut nous aider, lance la jeune femme, désabusée…"On ne sait pas si elle va survivre. Elle a encore le Covid ". De son côté la mairie confirme avoir été mise au courant de la situation. C'était avant le décès d'Annie survenu le 25 janvier.
L'adjointe au maire évoquait une situation inédite, et promettait de prendre des nouvelles, afin que pareille suite de déconvenues ne se reproduise plus.