Depuis deux ans, la démolition de plusieurs immeubles du quartier Croix-Rouge à Reims se fait en suivant un mot d’ordre : donner une seconde vie aux matériaux et mobiliers. Aujourd’hui, cela représente 20% de ce qui est démoli, de la porte palière aux gravats des bâtiments, en passant par les interphones.
Lorsque l’on passe rue Pierre Taittinger à Reims, l’image est impressionnante. Au niveau des numéros 31 à 37 et 39 à 45, des immeubles se dressent, sans façade, laissant apercevoir à l’intérieur, des centaines d’appartements désormais vides. De toutes petites cases, vu de loin, aux papiers peints décolorés, et sans plus aucune trace de mobilier. Voilà un an que ces bâtiments emblématiques du quartier Croix-Rouge subissent une déconstruction lente et minutieuse. L'année passée, ce sont les numéros 12 à 14 de la Rue de Rilly-la-Montagne qui sont lentement tombés.
Rue Taittinger, en tout cas, le chantier doit être fini d'ici décembre. Alors en cette fin d'été 2023, les engins de démolition poursuivent sans relâche leur long travail de grignotage. Ici, un mur tombe doucement en gravats, là, des portes palières sont stockées les unes contre les autres en attendant un avenir meilleur.
Car une partie de ces matériaux et mobiliers auront droit à une seconde vie. Depuis 2021, le bailleur social en charge de ces démolitions, Reims Habitat, travaille avec les acteurs de ces chantiers à favoriser au maximum la réutilisation de tout ce que l’on peut trouver dans les immeubles. C’est ainsi que les portes palières, les lavabos, les interphones et les boîtes aux lettres installés dans ces anciens immeubles sont stockés en vue d’être réemployés dans d’autres logements gérés par le bailleur. 340 salles de bain en cours de rénovation dans les quartiers Place verte et Europe, à Reims, le sont d’ailleurs grâce à des éléments réemployés. Pour les équipements les plus abîmés, direction la transformation : "Nous avons par exemple des portes qui ont été poncées, découpées et transformées en étagères par une ressourcerie, explique Nelly Calon, cheffe de Projets Immobiliers à Reims Habitat. Elle poursuit : Et puis, il y a le matériel qui a été recyclé, parce qu'on ne peut pas faire autrement, et dans ce cas-là, les portes ont par exemple été déposées puis broyées pour agrémenter les jardins ou alimenter les chauffages".
Recycler 5 000 à 7 000 tonnes de béton
Des mains courantes et autres rampes d’escalier ont eu la chance, quant à elles, de rejoindre le monde de l’art, puisque le designer Victor Bois en a fait du mobilier, qui orne désormais la salle de spectacle rémoise Le Manège. D’autres éléments ont enfin pu alimenter les stocks des ressourceries Bell’Occas de Charleville-Mézières, Récup’air de Dizy, ou encore les hébergements de l’association Le club de prévention d’Epernay, qui lutte contre l’exclusion.
Quant au béton dont sont faits les bâtiments, il est destiné en partie à remblayer le site même où se tenaient les immeubles, mais il pourra aussi être transformé pour être recyclé et servir à nouveau pour des chantiers de construction. "Une fois que tout est à terre, on sépare la ferraille du béton, précise Arnaud Lapointe, chargé de travaux chez Melchiorre, l'entreprise en charge de la démolition. La ferraille part au recyclage et ensuite le béton est concassé sur site. Cela permettra de remblayer tout le parking et toutes les caves de chaque bâtiment. Le surplus sera envoyé chez les producteurs de préfabriqué de béton, pour servir à d'autres constructions".
Ce sera par exemple le cas de 5 000 à 7 000 tonnes de béton déconstruit issu des 35-37 et 39-45 rue Pierre Taittinger. "L'idée, c'est de réemployer tout le béton pour du pavage ou du cheminement par exemple, ou alors de le transformer en granulat pour faire renaître du béton nouveau à partir de l'ancien, poursuit Juliette Lefeu, directrice générale de Reims Habitat.
Le fait de réemployer sur place nous évite des acheminements de produits en décharge et les coûts que cela engendre.
Juliette Lefeu, directrice générale de Reims Habitat
Les gravats réutilisés sont par ailleurs analysés pour éviter de remettre dans le sol des matériaux pollués.
Un "effort" de 180 000 euros pour le bailleur social
En tout, environ 20% des matériaux et équipements de cet ensemble d’immeubles du quartier Croix-Rouge auront été valorisés à la fin du chantier. Une démolition "en douceur" qui a un coût : "Aujourd'hui, il n'y a pas encore de filière dédiée, constate Nelly Calon. Donc pour avoir une déconstruction soignée, Reims Habitat a dépensé 180 000 euros pour la dépose et le réemploi du second œuvre. En revanche, il y a aussi un gain financier puisque tout ce qui est réemployé ne sera pas acheté, et cela représente 150 000 euros gagnés. Il y a donc un delta de 30 000 euros de dépense qu'on ne peut pas éviter pour le moment. Reims Habitat espère que la mise en place d'une filière plus structurée, avec plusieurs ressourceries, pourrait lui permettre de faire baisser ces coûts.
Dans tous les cas, le bailleur souhaite poursuivre dans cette démarche et annonce qu’au moins 10% des matériaux de gros œuvre et 30% des équipements de la dizaine de logements actuellement en construction rue Croix-Saint-Marc à Reims devront être issus du recyclage ou du réemploi.