Médaillée de bronze aux Jeux Olympiques de Tokyo, Endy Miyem était, ce jeudi, de passage à Reims, sa ville d'origine. La basketteuse nous a ouvert les portes du domicile familial pour nous raconter ses Jeux Olympiques et ses aspirations futures.
Depuis son retour de Tokyo, sa vie a des allures de marathon. Dimanche 8 août, à peine de retour en France, Endy Miyem est accueillie place du Trocadéro à Paris, avec les autres athlètes médaillés français. Un rare moment de partage avec le public pour ces Olympiades marquées par le Covid : "On s'attendait à ce qu'il y ait du monde, mais pas autant. C'était beau de voir qu'on avait touché les gens !"
Des Jeux qu'elle a également dû vivre sans ses proches. Alors la Rémoise savoure ces quelques heures passées auprès des siens, dans le pavillon familial. Son père, Jacques, n'est jamais très loin. Ancien joueur et entraîneur, c'est lui, qui le premier, a mis un ballon entre les mains de sa fille alors qu'elle n'avait que six ans. La médaille de bronze tout juste gagnée à Tokyo rejoint toutes les autres, soigneusement stockées dans son ancienne chambre. Elles témoignent du chemin parcouru. "On aurait jamais pu imaginer tout ça, confie, ému, Jacques Miyem. Il y a d'abord eu les JO de Londres. Ceux de Rio et de Tokyo, c'est du bonus et on espère que ce bonus va continuer encore longtemps !"
Paris 2024, déjà dans toutes les têtes. Et dans celle d'Endy Miyem aussi ? France 3 Champagne-Ardenne s'est entretenu avec la joueuse, qui revient longuement sur ses rêves olympiques.
France 3 Champagne-Ardenne : C'était votre troisième participation aux Jeux olympiques. Ceux-ci se sont déroulés dans un contexte particulier à cause du Covid. Comment les avez-vous vécus ?
Endy Miyem : Evidemment, ce n'est pas comparable avec les Jeux précédents. L'ambiance était très étrange. Il y avait les normes sanitaires bien sûr, on ne pouvait pas quitter le village olympique et surtout, il y avait l'absence des supporters et de nos proches. Ils nous ont beaucoup manqué même si, on y était toutes préparées, puisqu'on a joué quasiment toute cette saison à huis clos.
En fait, je pense que cette situation a resserré les liens entre nous. Pendant ces JO, j'ai passé tellement de temps avec le staff, avec les filles de mon équipe qu'aujourd'hui, on se connaît par cœur. On était un peu comme une famille. De toute façon, même sans public, même sans famille, ça reste magique les Jeux olympiques ! C'est un moment unique dans une carrière de sportif. Et puis là, on repart avec cette troisième place et la médaille de bronze donc on ne peut qu'être heureuses !
Lors de cette petite finale, vous affrontez les Serbes, vos meilleures ennemies. Cette victoire a un goût de revanche ?
Parfois, je me dis que c'était une chance de les affronter pour cette troisième place et que c'était peut-être notre destinée. Lors des derniers Jeux, à Rio en 2016, c'était contre elles qu'on avait perdu. En juin dernier, en finale du dernier EuroBasket, même frustration, elles nous battent à Valence. Donc c'était l'adversaire rêvé pour avoir cette petite dose de motivation en plus. Et elle était nécessaire.
La veille de la petite finale à Tokyo, on avait joué à 20 heures. Cette défaite en demi-finale contre les Japonaises a plongé toute l'équipe dans une grosse déception. Alors il a fallu qu'on se remobilise rapidement. Et aller chercher le bronze en se vengeant de nos dernières défaites contre la Serbie, c'était le scénario parfait !
Vous aviez un rôle nouveau pendant ces Jeux puisque vous les avez disputés en tant que capitaine de l'équipe. Comment avez-vous motivé vos partenaires ?
C'est vrai qu'être capitaine, ça rend les choses encore plus spéciales : on a un engagement encore plus grand dans la destinée de l'équipe. J'ai pris cette fonction très à cœur. Quand on occupe ce poste, on a envie que l'équipe aille dans le bon sens, qu'elle avance et que chacun se sente bien. Forcément on ressent les choses avec plus d'intensité.
Aujourd'hui, cette médaille a presque plus de sens pour moi que la médaille d'argent gagné aux Jeux de 2012. Celle-ci, je l'ai vécue encore plus intensément parce que j'étais très engagée, j'avais des responsabilités dans l'équipe. Le coach et mes coéquipières comptaient davantage sur moi et c'est ça qui rend l'expérience encore plus belle.
Cette fonction de capitaine, je l'ai vraiment habitée dans des moments décisifs, par exemple, quand on perd le premier match contre le Japon en poule. On voit des têtes qui se baissent, on sent des doutes et là, il faut laisser ses propres craintes de côté. Idem lors de la deuxième défaite contre le Japon, en demi-finale. J'ai dû faire taire mes doutes. Je me souviens avoir dit aux filles : "La déception, on y pensera plus tard. Là, si on donne tout contre les Serbes, on peut repartir avec une médaille autour du cou. Et ça, ça aide à oublier les peines !"
Est-ce que cette expérience vous a fait grandir, personnellement et sportivement ?
Oui, sans hésitation. Ce rôle, ça me pousse à évoluer, à changer un peu ma nature, à communiquer un peu plus. Et cet été, on a vécu des montagnes russes émotionnelles, en commençant notamment avec deux défaites en poule contre les USA et le Japon. Malgré tout, j'ai dû garder une certaine stabilité et la motivation. En tant que capitaine, on doit être un modèle, un moteur pour l'équipe, il faut avancer. Grâce à cela, je suis moins réservée. J'ai pris conscience que parfois, c'est important d'échanger sur ce que l'on ressent. Et cette expérience va me servir pour la suite.
La suite, c'est Paris 2024 ?
Ah, cette question tout le monde me la pose ! Honnêtement, pendant un moment, je ne voulais pas y aller et depuis peu, je commence à y penser.
C'est vrai qu'en participant à ces Jeux, à Tokyo, sans public, ça m'a donné envie de faire ceux de Paris, à la maison, avec les proches et des supporters du monde entier !
Mais c'est dans trois ans, c'est court et long à la fois. Notamment pour la préparation physique. Aujourd'hui, j'ai 33 ans. Cet été, je me suis sentie très bien, c'est aussi ce qui me donne envie d'y aller. Je ne peux pas parler à la place de mon corps. Il faut être à 100% physiquement et mentalement, sinon, je n'irais pas.
Et dans un futur plus proche, la prochaine saison, vous la vivrez à Bourges après deux ans passés avec les Flammes Carolo. Vous allez retrouver le club dans lequel vous avez débuté votre carrière mais vous quittez aussi la Champagne-Ardenne, votrez région d'origine. Comment le vivez-vous ?
Retrouver les Tangos, c'est quelque chose que je voulais faire depuis un moment. Quand j'y étais, j'ai vu par exemple une Cathy Melun, figure emblématique du basket français revenir à Bourges et finir sa carrière là-bas. Je métais dit à l'époque : "Ah, j'aimerais bien faire comme elle, comme une vraie grande joueuse !" L'occasion s'est présentée, je ne dis pas que je vais finir ma carrière à Bourges, mais c'est bien de pouvoir y retourner en ramenant tout ce que j'ai appris. J'ai hâte de jouer les barrages et j'espère l'Euroligue.
Je commence aussi à réaliser ce qui va changer : je reste très attachée à ma ville de Reims et à la Champagne-Ardenne. Il y a beaucoup de gens qui m'ont vu grandir ici. Et puis à Bourges, je ne pourrai plus être à la maison en une heure, ni voir mes proches aussi facilement !
Endy Miyem en 5 dates
- 15 mai 1988 : naissance à Reims
- 2012 : médaillée d'argent aux JO de Londres
- 2006-2015 : joue à Bourges
- 2019-2021 : joue à Charleville-Mézières
- 2021 : médaillée de bronze aux JO de Tokyo