En pleine crise de l'Eglise, Eric de Moulins-Beaufort, l'archevêque de Reims et président de la Conférence des évêques de France, était l'invité ce 7 avril de notre émission "Dimanche en politique". Voici ce qu'il faut retenir de son intervention.
A 57 ans, l’archevêque de Reims, Eric de Moulins-Beaufort, a été élu début avril président de la Conférence des évêques de France (CEF) pour un mandat de trois ans. C’est la première fois qu’un archevêque de Reims accède à cette fonction. Invité de notre émission Dimanche en politique ce 7 avril 2019, il s'est exprimé sur de nombreux sujets : pédophilie au sein de l'Eglise, mariage des prêtres, place des femmes, bioéthique...
Ce qu'il faut retenir de son intervention :
La pédophilie dans l'église
"Quand on a rencontré les personnes victimes de pédophilie, on mesure le traumatisme que cela crée", a concédé Eric de Moulins-Beaufort en rappelant qu'il avait entendu le témoignage d'anciens enfants abusés à l'occasion de l'assemblée des évêques de France qui s'était tenue à Lourdes en novembre dernier. "Nous avions pris alors un certain nombre de mesures, a-t-il indiqué. L'une d'elles était de proposer aux personnes victimes un geste financier d'ordre symbolique à titre de reconnaissance de la souffrance qu'elles ont subies. Non, pas une réparation, car on ne peut pas réparer ça."Le président de la Conférence des évêques de France assure qu'il faut "garder en mémoire ce qui s'est passé pour que ça ne se reproduise plus". Il préconise aussi davantage de prévention et de suivi des prêtres coupables. "Comment peut-on aider quelqu'un qui a pu commettre ces actes et qui représente un danger pour d'autres", s'est-il interrogé."La relation entre un prêtre et ses fidèles peut rapidement se pervertir, il faut être attentif."
- Eric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims
Un silence complice ?
Eric de Moulins-Beaufort ne nie pas que, dans certains cas, "les autorités ont su des choses et se sont arrangées pour ne rien dire". Mais il affirme que l'Eglise n'a "pas spécialement cherché à se taire" : "Souvent, les parents des personnes victimes ne voulaient pas qu'on en parle, quelquefois les victimes elles-mêmes ne voulaient pas qu'on en parle. Et puis les autorités judiciaires pendant très longtemps n'ont pas été très attentives à ces sujets-là".Selon lui, avant 2016, les abus sexuels paraissaient "marginaux". Puis à Lyon, La parole libérée, l'association des victimes du père Preynat, a ouvert la voie du changement. "Aujourd'hui, nous sommes obligés de regarder en face que ces abus ont eu lieu de manière plus fréquente. (...) Aujourd'hui, on sait que l'intrusion d'un adulte dans le développement sexuel, affectif d'un enfant est une violence que cette personne mettra toute sa vie à surmonter."
"C'est une très grande souffrance pour nous aussi", assure-t-il, ajoutant que désormais "il n'y a plus d'ambiguïté" sur ce sujet. "Nous sommes très déterminés."
Le célibat des prêtres
L'homme d'Eglise a réaffirmé son refus de mettre fin au célibat des prêtres. "Le mariage n'est pas le remède à la pédocriminalité", a-t-il martelé. On sait très bien qu'une partie des abus sexuels à l'égard des enfants ont lieu dans le cadre familial et sont le fait de gens mariés."Il recommande plutôt d'"approfondir le sens du célibat et, à partir de là, organiser la vie des prêtres d'une manière plus adaptée", insistant sur la "solitude des prêtres" qui "n'est pas forcément bonne conseillère". Il prêche pour qu'il y ait "plus de laïcs et plus de femmes" dans la vie des prêtres, dans leur travail et dans leur formation. "Jusque maintenant, nous avons sans doute fonctionné exagérément en circuit fermé", analyse-t-il."Je doute que le mariage des prêtres ne soit un remède à la crise des vocations et je ne pense pas que ce soit un remède à la crise de la pédophilie."
- Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France
L'ordination des femmes ?
"Certainement pas demain, peut-être jamais." Sur ce point, l'archevêque de Reims est catégorique, soulignant qu'"il y a malgré tout une grande différence entre le fait d'être un homme et d'être une femme. La plus grande différence, c'est que le corps de la femme est fait pour accueillir la vie".Cependant, il souhaite que les structures d'autorité au sein de l'Eglise laissent davantage de place aux laïcs et, par conséquent, aux femmes. "Il peut y avoir énormément de transformations au sein de l'Eglise aussi bien au niveau local que national."
Les gilets jaunes
"La crise des gilets jaunes a permis de relancer un grand débat national, a souligné le nouveau président de la Conférence des évêques de France. On verra ce qu'on peut en tirer." Il a rappelé qu'en amont des élections présidentielles, les évêques de France avaient publié un document qui appelait "à ce qu'on retrouve le sens du débat" : "Les évêques avaient attiré l'attention sur une certaine fracture sociale et sur le fait qu'un certain nombre de gens se sentaient peu écoutés, peu respectés, voire pas du tout".La bioéthique
"En matière de bioéthique, nous sommes devant des enjeux considérables dont beaucoup ne mesurent pas la portée", a avancé Eric de Moulins-Beaufort. "Qu'est-ce que veut dire le fait de s'engager dans le fait qu'on va fabriquer des enfants ?", s'inquiète-t-il. Selon lui, la procréation médicalement assistée (PMA) et la gestation pour autrui (GPA) "aboutissent malgré tout à fabriquer des enfants (...), à ne garder que ceux qui paraîtront correspondre à des critères." Puis il a osé une comparaison hasardeuse : "Quand on achète une voiture, on n'achète pas une voiture défectueuse".
"On finira inévitablement par définir que tel ou tel enfant est défectueux et que, par conséquent, on ne le laissera pas vivre."
- Eric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims
Pour lui, il en va de la "responsabilité de l'Eglise de rappeler qu'il y a là un enjeu extrêmement important pour définir ce qu'est un être humain et ce qu'est une société humaine".