Éric de Moulins-Beaufort, l'archevêque de Reims (Marne) et le président de la Conférence des évêques de France (CEV) s'est exprimé au sujet de l'euthanasie dans les colonnes du "Parisien", ce dimanche 30 octobre. Sans surprise, il déclare s'opposer à une nouvelle loi sur le thème.
"Euthanasie : le veto de l'Église". La une du Parisien en date du dimanche 30 octobre 2022 est éloquente.
Le quotidien a pu s'entretenir en exclusivité avec Éric de Moulins-Beaufort. Il s'agit de l'archevêque de Reims (Marne), mais aussi et surtout du président de la Conférence des évêques de France (CEF).
Sa voix est donc importante dans le monde de l'Église catholique. Et sa position peut être résumée par l'introduction de l'article du Parisien, à savoir que "pour Éric de Moulins-Beaufort, il est possible d’améliorer la fin de vie sans changer la loi, alors que des citoyens sont en ce moment tirés au sort pour réfléchir à ces questions".
Ce pourrait être l'avancée sociétale majeure du mandat présidentiel d'Emmanuel Macron. Une convention citoyenne composée de 150 personnes va travailler sur le sujet et tenter de proposer un nouveau cadre législatif à l'euthanasie, ou la fin de vie si l'on veut un terme un peu moins connoté. Une aide dite active à la fin de vie pourrait voir le jour.
Pour le prélat de l'Église catholique, c'est une mauvaise idée. Selon lui, bien que ce ne soit pas son "rôle d’approuver ou désapprouver la démarche du président de la République, je constate qu’on a une loi, la loi Claeys-Leonetti, qui a été votée il y a six ans. Tout le monde s’accorde à dire qu’elle n’est pas encore vraiment mise en œuvre. On peut s’étonner qu’il y ait besoin, avant même d’avoir appliqué une loi, d’en préparer une autre." Il propose donc de continuer à opérer dans le cadre législatif actuel, plutôt que avoir un nouveau, et notamment de renforcer l'offre de soins palliatifs, qu'il juge insuffisamment développée.
Il insiste d'ailleurs sur le fait qu'"il y a des gens seuls, atteints de maladies incurables. Est-ce que la seule solution que la société a à leur proposer c’est : 'écoutez, on ne peut rien faire pour vous, on n’a pas d’argent pour développer des soins palliatifs, donc, le plus simple, ce serait que vous consentiez à mourir' ? Ce serait effrayant. Effectivement, les soins palliatifs demandent des moyens humains, économiques. Ce sont des questions de choix budgétaires. Mais c’est ce choix qu’il faudrait avoir le courage de faire."
La loi actuelle imparfaite, mais perfectible pour l'archevêque
"Comme tous les consensus, [la loi Claeys-Leonetti] présente ses avantages et ses inconvénients." Sur le papier, elle veut empêcher l'euthanasie tout comme l'acharnement thérapeutique. Elle propose aussi la sédation profonde et les soins palliatifs aux personnes dont la maladie est trop grave, dont le traitement est trop lourd, afin de leur éviter certaines souffrances.
"Il y a sans doute des améliorations à trouver, notamment médicalement, s’agissant de la sédation profonde. On peut faire autrement, m’assurent tous les médecins que j’ai rencontrés. Que la médecine progresse dans la manière d’accompagner la fin de vie, tout comme la compréhension de ce qu’est la mort, aucun problème là-dessus." Là où il voit un problème, et même "une ligne rouge", c'est une aide active à la fin de vie. "On sera dans une société qui se donnera le droit de faire mourir quelqu’un, ce qui est quand même très grave."
Monseigneur de Moulins-Beaufort ajoute que "le suicide est une décision individuelle, mais le suicide assisté, lui, devient une décision collective. Peut-on encore bâtir une société lorsque le désir individuel s’impose au bien commun ? Je m’inquiète un peu de l’évolution de notre société dans laquelle la dignité est assimilée à l’autonomie. Être dépendant des autres, cela fait aussi partie de notre condition humaine." Et conclue que cet enjeu dépasse le monde catholique : "les juifs y sont opposés, les musulmans également", arguant que "chaque" vie compte.