Portrait de femme (5/5). Nous allons à la rencontre d'une femme qui évolue dans un milieu majoritairement masculin. A Enedis, ex-ERDF, dans une des sections Champagne-Ardenne à Reims, sur 90 agents, seuls 5 sont des femmes. Parmi elles, Audrey Lahitte, adjointe du chef d'agence régionale.
Un sourire discret fait ressortir ses fossettes. Avenante, l'ingénieure décrypte posément son poste d'adjointe de chef d'agence au sein du groupe Enedis à Reims, rentrant dans les détails techniques de son travail, méticuleuse. "Au début, j'ai dû faire mes preuves par mes compétences, comme tout jeune qui arrive. Être un homme ou une femme n'a rien changé", assure Audrey Lahitte.
A 29 ans, l'ingénieure seconde le directeur régional de Champagne-Ardenne chez Enedis, anciennement ERDF. Plus que son genre, ce sont ses compétences qui ont importé lors de son intégration au sein de son équipe. "Bien sûr, il n'y a pas beaucoup de femmes, et ce serait mieux qu'on soit plus nombreuses. Mais je n'ai jamais ressenti de différences en comparaison avec mes collègues masculins."
"Quand trois femmes sont présentes lors de réunion, on a triplé les effectifs"
Dans son secteur, sur 90 agents, seulement cinq sont des femmes. "Quand nous sommes trois femmes sur vingt personnes lors des réunions, on a l'impression d'être très nombreuses ! En fait, on triple les effectifs…", raconte l'ingénieure. En France, elles étaient 20% à exercer ce métier en 2016, selon une étude publiée sur digischool.fr.
Une sélection qui commence dès le plus jeune âge. "Plus jeune, je me suis mis des interdits, racontait Marie Ferreaux, responsable de l'enseignement supérieur de la région Grand Est, lors du Challenge Innovatech organisé à Reims en février dernier. J'étais très forte en sciences, mes professeurs m'encourageaient, mais j'ai préféré suivre mes copines."
89,1% de filles en filière médico-sociale au lycée
Même si l'écart s'est grandement résorbé, les lycéennes en filière générale scientifique ne représentaient que 46,6% des effectifs en 2015. C'est dans les filières technologiques que l'écart se creuse : en STI2D (sciences et technologies industrielles), elles ne représentent que 6,6% des élèves. A contrario, elles sont surreprésentées en ST2S (sciences et technologies de la santé et du social), avec 89,1% de lycéennes, selon le ministère de l'Education nationale.
Pourtant, malgré les préjugés, les jeunes filles ne sont pas plus mauvaises que leurs camarades masculins. Au contraire, les filles sont même plus nombreuses à maîtriser les mathématiques en CE1 et à la fin du collège, selon une étude de l'Education nationale.
"J'ai l'impression que les jeunes filles n'osent pas sauter le pas. C'est pour cela que lorsque ma directrice régionale est venue me proposer de participer à Elles Bougent – une association visant à promouvoir les femmes dans le monde professionnel, ndlr- je l'ai tout de suite accepté", se souvient Audrey Lahitte. Et d'ajouter :
Ces jeunes filles ont besoin de modèles pour se projeter.
C'est pourquoi elle dégage du temps pour intervenir dans les lycées ou lors d'événements. Mais elle constate que ces actions sont parfois vaines : "Généralement, au lycée, voire même au collège, il est déjà trop tard. Elles ont déjà fait leur choix."
Et de conclure :
Il faudrait commencer ce type d'intervention encore plus tôt.
"L'industrie textile accessible aux femmes"
Tous les secteurs de l'ingénierie ne sont pas des domaines masculins. Etudiante dans les années 1990, Maryline Rochery n'était pas la seule fille sur les bancs de l'école d'ingénieure spécialisée dans le textile, à Roubaix. Plus qu'une volonté de féminisation de la profession, c'est le contexte économique qui a amené de nombreuses femmes à intégrer le milieu. Dans ces années-là, le secteur est en proie à une crise économique sans précédent. Les usines ferment, les employés contraints de changer d'emploi. Seule l'industrie du luxe parvient à remonter la pente.
"C'est un peu malgré elle que l'industrie textile a recruté beaucoup de femmes, analyse Maryline Rochery. Le textile étant très assimilé à la haute-couture et au luxe, beaucoup de filles férues de mode ont voulu, un peu à tord, embrasser ce type de carrières."
Du côté de l'école d'ingénierie et d'innovation textile (Ensait), le recrutement non plus ne s'est pas orienté vers les femmes. "Elles sont arrivées d'elles-mêmes", se souvient l'ancienne étudiante.
Aujourd'hui, Maryline Rochery est responsable pédagogique aux Arts-et-Métiers, loin du secteur textile. Alors qu'à l'Ensait, plus de 50% des élèves sont des étudiantes, la tendance est loin d'être la même. "Ici, aux Arts-et-Métiers de Châlons-en-Champagne, on avoisine plus les 14% d'effectifs féminins", constate-t-elle.
Une différence contre laquelle l'ingénieure a décidé de se battre. Engagée auprès d'Elles bougent, elle participe à de nombreux ateliers avec les plus jeunes, "pour leur dire qu'elles aussi, elles peuvent être ingénieures. Être une fille ne veut pas dire qu'on ne peut pas réussir en sciences !"