La vie d’Irina, de Sergueï et du petit Kosmos a basculé le 21 septembre 2022. Ce jour-là, Vladimir Poutine, Président de la fédération de Russie a annoncé la mobilisation de quelque 300 000 réservistes. Cette annonce faisait suite à la contre-offensive ukrainienne. C’est la goutte d’eau qui a amené la famille à fuir le pays. Depuis, ils vivent près de Reims.
Il a 38 ans, est ingénieur en informatique et Sergueï voudrait que désormais on l’appelle Serge. C’est dire sa volonté de se faire une place, ici en France. Il travaille toujours, mais à distance de son pays qu’il a quitté après le choc de l’annonce de la mobilisation.
C’est cet appel à la mobilisation qui a tout déclenché. "Cela a montré que l’Etat était davantage disposé à m’enterrer qu’à consacrer son énergie au développement de mon pays", dit-il.
Les choses n’ont pas été simples. Il n’y avait plus de vols Moscou-Paris. Sergueï a dû passer par le Kirghizistan pour fuir sa patrie. Le voyage jusqu’en France a duré un mois. Ensuite il a été rejoint par sa compagne Irina et son fils âgé de 6 ans, Kosmos. Depuis huit mois, la famille est réunie chez des amis de longue date, installés dans le Grand Reims.
Une vieille opposition à Poutine
Sergueï et Irina ont plusieurs fois assisté à des meetings et participé à des manifestations quand ils vivaient encore à Moscou. Les sujets de contestation ne manquaient pas : changement de la Constitution, indépendance des députés…En 2019, Sergueï a d’ailleurs été arrêté lors d’une manifestation contre Poutine. Depuis 2022, Irina et Sergueï se rendaient en alternance aux rassemblements contre la guerre pour éviter d’être arrêté ensemble. Il fallait penser au petit Kosmos.
S'opposer à la politique de l'Etat c'est une chose, mais maintenant on nous demandait de participer activement à la guerre.
Irina, réfugiée russe en France.
Aujourd’hui, pour Kosmos ils veulent stabilité et sécurité. Pour cela, il leur faut un travail, un logement, un statut. Si les Ukrainiens réfugiés en France peuvent travailler dès leur arrivée, il en va tout autrement pour les Russes. Obtenir l’asile peut prendre jusqu’à deux ans.
Tout quitter, tout abandonner
Irina s’ennuie de ses proches. Elle a laissé derrière elle, maman, amis. Elle a dû aussi renoncer à son activité chez LVMH.
"Je me sens sereine parce que ma famille est ici avec moi et que je me sens en sécurité. En même temps, je suis angoissée à présent parce que ma situation n’est pas stable. J’ai dû abandonner ma carrière et tout quitter. Je suis en insécurité financière parce que je ne peux plus gagner ma vie", explique-t-elle.
L'Etat était davantage disposé à m'enterrer qu'à consacrer son énergie au développement de mon pays.
SergueÏ, réfugié russe près de Reims.
Si Sergueï et Irina ont quitté leurs amis en Russie, ils s’en sont fait de nouveaux en France, un couple d’Ukrainiens.
Dans le Grand Reims, cette famille russe a donc trouvé refuge. "S’opposer à la politique de l’Etat, c’est une chose", dit Irina, "mais maintenant, on nous demandait de participer activement à la guerre". Cela Sergueï ne l’a pas voulu.
Dans le mois qui a suivi l'annonce de Poutine concernant la mobilisation, la France est le pays d'Europe qui a le plus accueilli de réfugiés russes.