Crée en 2017, le collectif Wecandoo arrive à Reims avec un objectif : permettre aux touristes et aux locaux de partager le savoir-faire des artisans du département. Sarah, joaillière, Marie, céramiste, et d'autres artisans animent ces ateliers et témoignent.
Devenez maroquinier, ébéniste, bijoutier, fromager, céramiste ou boulanger le temps d’un atelier et osez pousser les portes de l’atelier d’un artisan. C'est cette initiative que Wecandoo revendique et souhaite mettre en avant en revalorisant les savoir-faire français au travers d'initiations à l'artisanat et la création d'objet unique. Façonner un jonc en argent avec Sarah, bijoutière joaillière à Reims, est une belle expérience. L'aventure, pour Sarah, a réellement débuté début janvier. Contactée par Wecandoo, en septembre 2020, elle commence à animer ses ateliers dés le début de l'année. Il y a eu une pause, troisème confinement oblige, mais les ateliers ont pu reprendre depuis.
Pouvoir partager sa passion
"J'ouvrais déjà mon atelier avant ma rencontre avec le collectif Wecandoo. Je proposais à des futurs mariés de venir créer leurs alliances eux-mêmes. Je trouvais que cette démarche était unique et symbolique pour un futur couple de créer soi-même ce bijou reflet de leur amour et de leur future route ensemble", explique Sarah. Aujourd'hui, elle poursuit encore ces ateliers mais ouvre ses portes à des personnes intéressées par son métier et son savoir-faire. "C'est très gratifiant pour un artisan de pouvoir partager sa passion et d'avoir un public très intéressé." Sarah s'est lancée comme entrepreneuse, il y a quelque temps après avoir failli tout arrêter.
"Avant, je travaillais pour des joailliers. C'était très stressant, car c'est un milieu extrêmement fermé. J'ai failli faire un burn-out", confie-t-elle. Passionnée d'Égypte, dès l'adolescence, elle commence à créer ses propres bijoux. Née à Reims d'une maman rémoise et d'un père égyptien, elle baigne dans la culture des pharaons. "Mon papa est égyptologue et il m'a élevé dans l'histoire de son pays. Pour fabriquer mes bijoux, je m'inspire énormément de l'Égypte antique. Je travaille sur tous les matériaux. Par contre, avec les personnes qui suivent mes ateliers, je travaille uniquement sur de l'acier et, bien évidemment, quand ils souhaitent un matériau plus précieux ou rajouter des pierres, c'est moi qui le fait, car les techniques sont bien trop complexes pour être maîtrisées sur un atelier de quelques heures", précise-t-elle.
Ces ateliers sont mixtes et ce sont souvent des femmes qui viennent, accompagnées par leur conjoint, qui finit toujours par participer. "C'est très intéressant de voir que les hommes participent et repartent satisfaits par l'atelier, car le métier demande de manipuler beaucoup d'outils. A l'origine, le métier de joaillier est un métier d'homme", rappelle Sarah. Dans son atelier, on soude, on polie. "On part d'un lingot brut jusqu'au bijou terminé. Du coup, on peut vite se salir. Dans mon atelier, on frappe, on soude, on se salit, on malmène le matériau pour petit à petit devenir de plus en plus minutieux, car il faut avoir l'oeil sur le compas pour obtenir le bijou réussi parfaitement", explique Sarah. L'aventure a débuté sur les chapeaux de roues grâce à Wecandoo raconte-t-elle. Elle se souvient quand elle s'est rendue sur son interface que tous les créneaux qu'elle avait proposés étaient pris.
"J'ai vite été over-bookée. Au début, je pensais proposer samedi et dimanche, mais je me suis limitée à un seul jour car accueillir et transmettre ses connaissances demandent beaucoup d'énergie", reconnaît Sarah. D'autant que, parallèlement, elle doit aussi honorer ses commandes sur Internet et, comme beaucoup d'artisans qui se lancent dans leur entreprise, elle a un travail pour compléter ses revenus. "C'est toujours difficile de vivre grâce à sa passion et c'est pour cela que Wecandoo est très précieux pour moi, car le collectif permet de me faire connaître ce que je ne pourrais pas faire toute seule. Je recommande vivement ce collectif qui permet de soutenir les artisans et de ne pas rester isolés. Surtout que monter sa propre entreprise est un vrai sacerdoce", confie Sarah.
Sarah propose différents ateliers. D'un atelier de 1h30 pour réaliser un anneau simple en argent pour un tarif de 60€, à l'atelier le plus élaboré d'une durée de 4 h pour 210€. Pour les producteurs et artisans, la mise en place de ces ateliers et visites, en parallèle de leur activité principale de production, leur permet d’obtenir un complément de revenu (850 euros mensuel en moyenne en 2019 pour les artisans membres du collectif Wecandoo) mais c’est également un gain de visibilité dans leur région ou encore l’occasion de sensibiliser les participants à la valeur d’une création artisanale ou d'une production agricole : le savoir-faire nécessaire, les matières premières utilisées ou encore le temps passé, explique Camille Labadie, chargée des relations presse pour Wecandoo. La fierté pour Sarah, c'est de voir repartir ses visiteurs avec un objet unique qu'ils auront eux-mêmes fabriqués.
Valoriser les talents locaux
"Voyagez dans le fait-main et vivez un moment privilégié avec celles et ceux qui sont et font le made in France", c'est le message que souhaite transmettre le collectif Wecandoo. Le but est de faire partager les savoir-faire, mais aussi de faire se rencontrer les artisans d'une même ville", rappelle Camille Labadie. Le collectif prend 20% sur la prestation, "mais cela les vaut largement", reconnaît Sarah. Le collectif accompagne, propose des stages, assure la communication des artisans bref des services qui seraient extrêmement plus coûteux s'ils devaient le faire seul. En plus de cela, les échanges sont extrêmement riches.
"A chaque fois que j'anime un atelier, je rencontre des gens différents et c'est vraiment sympa", ajoute Sarah. "Pour pouvoir intégrer le collectif, il faut vraiment pouvoir proposer un vrai savoir-faire et être reconnu comme un vrai professionnel", avertit Camille Labadie, chargée des relations presse pour Wecandoo. Et pouvoir être en capacité d'accueillir du public ajoute-t-elle. Ce que Sarah peut faire, car elle a pu être hébergée dans la pépinière de l'Esad et cela lui permet aussi de rencontrer d'autres artisans qui proposent aussi des ateliers. Elle y retrouve notamment Marie et Julie. Marie et Julie qui travaillent autour du végétal.
Marie est céramiste designer. Venue de Corse, elle fait ses études à Reims où elle rencontre Julie, designer végétale à l'Esad. Ensemble, elles rejoignent Wecandoo et proposent des ateliers. "Il y a deux publics différents. Certains souhaitent acheter nos pièces et certains plus manuels souhaitent les réaliser", explique Marie. Ce qui intéresse le binôme, c'est le partage des savoir-faire."Notre objectif est de pouvoir enseigner tout ce qu'on sait faire et cela peut passer par l'entretien des plantes, par exemple en expliquant comment en prendre soin pour qu'elles durent le plus longtemps possible", précise Marie. Et cela passe aussi bien dans l'explication de l'entretien des plantes, que par le fait de produire des objets durables dans le temps pour que les plantes soient bien conservées. Marie et Julie sont très impliquées et animent différents ateliers, notamment pour leur association Be Vegetal qui a pour but de promouvoir le végétal sous toutes ses formes et sensibiliser chacun à la biodiversité, à l’environnement, au recyclage, au design durable et à l’up-cycling (action de récupérer des matériaux ou des produits dont on n'a plus l'usage afin de les transformer en matériaux ou produits de qualité ou d'utilité supérieure).
"La céramique est une matière noble, rappelle Marie. Ce matériau naturel n'est pas synthétique et donc c'est un matériau toujours rattrapable. Même si dans le temps, le pot se casse, on peut toujours lui trouver une seconde vie." Ces pots, réalisés en céramique, sont des pots micro-poreux qui permettent aux plantes de respirer. Les méthodes employées sont ancestrales. "On fabrique des objets en terres cuites comme on fabriquait ces objets il y a plus de 100 ans", souligne Marie. Les objets se déclinent sous différentes formes. Des coupelles à Kokédama, art floral japonais, réalisé avec Julie, des portes-boutures en terre avec Marie etc. Les ateliers durent deux heures et celui du diffuseur d'eau dure trois heures. Les tarifs varient de 35€ à 50€ selon l'atelier. "Le public est toujours très investi et très intéressé", se réjouit-elle. Le fait de proposer ces ateliers dans la salle de l'Esad, la pépinière, permet à ces professionnels de se côtoyer et d'échanger ensemble. "Le but pour Wecandoo est aussi de rompre la solitude des artisans", explique Camille Labadie.
Ce collectif est né par la volonté de trois personnes. Edouard Eyglunent, Grégoire Hugon et Arnaud Tiret ont créé ce site il y a un peu plus de trois ans, en 2017. Ils avaient envie d'aller à la rencontre des artisans en France et de proposer aux particuliers d'aller en immersion, pendant quelques heures dans un atelier d'un artisan de leurs choix. "L’occasion de découvrir, l’espace de quelques heures, la fine fleur du savoir-faire français et de repartir avec sa propre création. La start-up regroupe aujourd’hui plus de 900 artisans qui proposent plus de 1.600 ateliers dans toute la France, précise Camille Labadie. C'est un travail de longue haleine, les équipes ont sillonné et continuent de sillonner la France à la rencontre de nos artisans."
Ils ont rencontré une centaine d'entre eux qui ont tous reconnus la difficulté de se faire connaître . Wecandoo est né ainsi avec la volonté de faire partager des savoirs faire tout en proposant d'aller à la rencontre d'une région. Les premières antennes Wecandoo apparaissent à Paris et à Lyon. Aujourd'hui, il en existe de plus en plus dans toute la France. "C'est aussi une autre manière d'aller à la rencontre des régions. Au lieu de faire le traditionnel tour des vignobles ou des châteaux, on propose une découverte des savoir-faire des artisans locaux", ajoute Camille Labadie.
Tourisme de savoir-faire, une aubaine pour Reims
Avec la pandémie mondiale et la réalité d’un tourisme devenu quasiment franco-français depuis plusieurs mois, un nouveau type de tourisme émerge : le tourisme de savoir-faire. Le 15 avril dernier, la DGE (Direction Générale des Entreprises) relançait son appel à projet pour bâtir un plan d’action visant à doubler dans les cinq prochaines années le nombre d’entreprises et structures pouvant accueillir du public pour servir l’ambition d’un tourisme de savoir-faire français. C'est une alternative au tourisme de masse qui met les régions à l’honneur. Que ce soit pour une journée, un week-end ou pour des vacances prolongées, le tourisme de savoir-faire s'intéresse au patrimoine vivant et à la découverte de métiers, techniques ou traditions liés à l’artisanat et au terroir, à travers notamment la mise en place d’ateliers et de visites, ouverts au grand public.
“Depuis plus de trois ans, nous parcourons les routes de France pour mettre à l’honneur l’artisanat français, en co-créant, aux côtés d’artisans et producteurs expérimentés, des ateliers ludiques et authentiques pour les curieux, passionnés, locaux ou touristes de passage. Dès la fin du premier confinement, nous nous sommes rapprochés des acteurs du tourisme afin de leur proposer d’intégrer ces activités différenciantes et tournées vers les savoir-faire locaux. Un rapprochement qui s’est avéré payant, car la demande était là. Nous avons enregistré un pic de réservation à cette période et une augmentation de 115 % du chiffre d’affaires par rapport à l’été 2019”, explique Edouard Eyglunent, co-fondateur de Wecandoo.
Groupes d’amis, familles, jeunes ou seniors, ce type de tourisme touche tous les publics, tant les zones géographiques, les types d’ateliers ou encore les prix sont variés. Une micro-aventure de quelques heures à quelques jours parfois, qui permet de découvrir de manière originale et ludique, une ville, un département ou une région, à travers ses habitants et leurs savoir-faire. Dans le département de la Marne, plus d'une vingtaine d'ateliers sont présents. Les thèmes sont variés, pour les découvrir, il faut se rendre sur le site. "Les artisans ouvrent leurs propres créneaux, prévient Camille Labadie. Et les bons cadeaux sont valables deux ans si une personne souhaite, par exemple, offrir un atelier découverte. Cela peut aussi permettre à certains de découvrir un métier vers lequel ils souhaitent se reconvertir. D'où la demande de certains pour des formules week-end."
Julie est sérigraphe à Rethel. Son atelier," crée ton papier recyclé", situé quartier de la gare est un succès. Il est très apprécié par les enfants. Pour cet atelier Petits Compagnons "Solo", l'enfant participe seul à l'atelier, comme un grand et découvre les techniques pour créer son propre papier recyclé, accompagné de Julie, sérigraphe et graphiste. Lors de cette séance, l'enfant met littéralement la main à la pâte et crée ses feuilles de couleurs en papier recyclé. Un bon moyen de le sensibiliser au recyclage. Au programme notamment, la manipulation du tamis afin de répartir le mélange de manière homogène sur la toile. Il ne restera plus qu'à recommencer et à jouer avec les couleurs pour se créer une jolie gamme de papier. Le résultat est gratifiant pour un atelier tarifé à 25 €.
Aurore est installée dans le quartier Clairmarais à Reims. Artisan brodeuse et graveuse, elle apprend la broderie, loin du point de croix de votre grand-mère. "Ici, vous allez créer des broches brodées décalées et colorées qui viendront "pimper" vos vestes préférées", assure-t-elle. Ce savoir-faire demande de la précision et de la patience, mais Aurore sera là pour vous guider.
Cet atelier sera la parfaite initiation à cet art textile, que l'artisan maîtrise à la perfection, elle vous apprendra les points de broderie de base, dans une ambiance détendue. Les tarifs varient selon la durée de l'atelier de 35€ à 50€.
Ainsi, avec plus de 22 ateliers animés par près d’une dizaine d’artisans Rémois, le collectif Wecandoo répond à cette nouvelle tendance, celle d’un tourisme d’immersion qui sort des sentiers battus tout en permettant aux futurs vacanciers de donner un coup de pouce à leurs régions et de faire briller à nouveau ces savoir-faire d’excellence. Et Wecandoo poursuit son implantation. Toulouse, Colmar, Metz et Nancy rejoignent l'aventure.