Mort du petit Tony à Reims : "Je veux mourir, je veux aller jouer avec lui, lui faire un bisou", me dit ma fille

Le procès pour élucider les circonstances de la mort du petit Tony en 2016 s'est tenu aux assises de la Marne. Une semaine ou les auditions des proches se sont succédées. Des témoignages poignants. Leurs blessures sont encore présentes. Un pédopsychiatre nous éclaire. 

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Au cours des cinq jours du procès de Loïc Vantal et Caroline Létoile, outre l'attrocité des faits, certains détails attirent l'attention. La mère de Tony a été condamnée à quatre ans de prison dont un avec sursis et son compagnon a été reconnu coupable et condamné à 20 ans de réclusion, par la cour d'assises à Reims, ce vendredi 5 février. Pendant cinq jours, les débats ont tourné autour des derniers jours de la vie de Tony, trois ans et demi, morts sous les coups de son beau-père Loïc Vantal, le 26 novembre 2016. Durant les auditions de certains témoins, on se rend rapidement compte que leurs vies seront à jamais bouleversées.  

La première personne qui fait part très ouvertement de ce traumatisme, c'est Caroline G. Cette jeune Rémoise n'est pas très grande, mais elle sait se faire entendre ce mardi 2 février. Contrairement à d'autres, nul besoin de lui demander de hausser le ton à la barre. Le verbe haut, soucieuse de détails parfois futiles, elle part dans toutes les directions. Malgré le caractère dispersé de sa déposition, elle donne des détails qui rendent compte des séquelles qu'elle et sa fille éprouvent encore aujourd'hui, plus de quatre ans après les faits. 

Caroline G. est une amie intime de la mère de Tony, présente sur le banc des accusés, "comme une sœur". En 2016, cela fait quelques années que les deux mamans s'étaient perdues de vue. Désormais, elles habitent le même quartier et leurs enfants ont le même âge. Elles passent beaucoup de temps ensemble, Tony et sa fille s'apprécient beaucoup. 

"Maman, ça veut dire que je vais mourir ?"

Une vingtaine de minutes après le début de sa déposition, une phrase retient l'attention."Ça m'a mise un peu en dépression cette histoire", lance-t-elle d'un ton égal, avant de développer : "C'est un peu dur pour moi. Le jour de la mort de Tony, ma fille m'a dit : 'Maman, mon copain est mort. Maman, ça veut dire que je vais mourir ?'"

Encore aujourd'hui, Caroline G. retranscrit cette histoire avec un tel souci du détail qu'on a du mal à croire que son enfant en soit restée à ces simples questions. A la barre, la mère de famille dissipe très vite ce doute : "Depuis cette histoire, ma fille s'est remise à faire pipi au lit. J'évite de passer devant chez Caroline." Au moment des obsèques de Tony, sa fille la supplie de pouvoir y aller, pour lui dire au revoir. Ce qu'elle refuse, de peur que ce soit trop difficile pour une petite de son âge. "J'aurais pas dû, mais je pensais que ce n'était pas un endroit pour un enfant", regrette-t-elle à la barre. "Pourquoi il est mort Tony ?, demande alors la fillette. C'est à cause de Loïc parce qu'il lui a mis des claques sur les fesses ?" Selon le pédopsychiatre rémois Thierry Delcourt, contacté par France 3 Champagne-Ardenne, dans cette affaire, le traumatisme des enfants est "aggravé par le fait que c'est une mort qui n'est pas représentable, qui est inacceptable. Ce n'est pas comme un accident de la route"

"Ce qui fait le traumatisme, c'est qu'on ne peut pas se représenter les choses."

Thierry Delcourt, pédopsychiatre à Reims.

Autant de questions que la fillette, aujourd'hui âgée de 8 ans, pose encore quatre ans après les faits. "Elle est très bonne élève, mais elle a du mal à s'attacher aux autres enfants", raconte sa mère, la voix étranglée par un sanglot. "Tous les jours, elle me parle de Tony. Il y a un garçon de 9 ans à l'école, qui ressemble à Tony... elle s'effondre dès qu'elle le voit." Pire, il lui arrive d'avoir des idées noires. "Maman, parfois j'aimerais bien mourir aussi", lui confie-t-elle. "Ma fille dort avec la photo de Tony. Elle me dit : 'Je veux mourir, je veux aller avec Tony pour jouer, lui faire un bisou'", poursuite Caroline G.

"Ce sont presque des victimes directes de ce traumatisme. Ce sont des victimes au sens où la mort de Tony est un traumatisme direct pour elles, analyse Thierry Delcourt. Ce qui est certain, c'est qu'il y a un sentiment de culpabilité et une douleur traumatique." 

Celle que Tony surnommait "Tata" a même a failli se constituer partie civile, pour sa fille. Elle a finalement renoncé. "J'ai abandonné, je ne voulais pas causer de souffrances au père (biologique) de Tony (constitué partie civile), justifie-t-elle. Et je me dis que la souffrance de ma fille est moindre par rapport à ce qu'il vit." 

"Tony, c'était son p'tit chéri"

Plus tard dans la journée, c'est au tour de Tiffany, une ex-compagne de Loic Vantal et amie de Caroline Létoile depuis le collège, de confier les malheurs d'une enfant. Sa fille, qui avait à peu près le même âge que Tony au moment des faits, manifeste elle-aussi de nombreuses séquelles depuis la mort du garçon.

En 2016, Tiffany a hébergé Caroline Létoile à son domicile pendant un mois. Elle est venue avec son fils. A l'évocation de ce souvenir, Tiffany fond en larmes. "Ma fille est suivie par un psy à cause de ça", dit-elle en reniflant. Tony, c'était son p'tit chéri." Elle explique : "Ma fille était très proche de Tony, quand elle a su qu'il était parti, elle a fait une descente aux enfers. Elle a fini à l'hôpital, parce qu'elle a voulu s'étrangler pour rejoindre Tony."

Sa première fille pourrait bien ne pas être la seule victime de la famille. En avril 2016, Tiffany est tombée enceinte de Loïc Vantal. "Il s'est rapproché de sa fille, raconte Tiffany. Je pense que c'était pour se faire bon en prison, dire qu'il avait changé." "A-t-il reconnu son enfant ?", demande la présidente du tribunal. "Non, et je ferai tout pour que ça n'arrive pas", tranche la Rémoise. Devant la cour, elle affirme mentir à sa fille au sujet de son père biologique. Elle lui dit qu'il "travaille". C'est alors que l'avocate de Caroline Létoile, Pauline Coyac, la prévient : "Mentir à l'enfant sur sa filiation, c'est aussi une forme de violence. Je n'ai qu'un conseil à vous donner, faites-vous aider."

"Je sais qu'elle est malade à cause de moi"

En plus de ces enfants, une autre témoin est apparue particulièrement affectée par cette histoire. La mère de l'accusé. Mardi soir, il est 20h30 passées. La présidente du tribunal propose à Chantal un siège pour sa déposition en raison de son état de santé. La sexagénaire est atteinte d'une pancréatite. A plusieurs reprises, elle perd ses mots. "Comment je peux vous expliquer que je perds la mémoire ? Déjà, avec tout ça, je suis perturbée. Mais j'ai fait des examens, des radios, on ne sait pas ce que j'ai", s'agace l'ex-ouvrière.

Dès le début de sa déposition, on comprend que Chantal souffre. Elle n'a que 65 ans mais en parait dix de plus. Quand la présidente du tribunal lui demande de faire sa déposition, elle répond : "Je sais pas quoi vous dire. Vous m'avez invitée, je suis venue. Je suis vraiment désolée de ce qu'il se passe, mais j'ai pas grand-chose à dire." A deux reprises, un grand silence s'installe. Hélène Langlois insiste : "C'est la loi, il faut que vous fassiez une déposition pour que nous puissions vous posez des questions."

Cet entretien ressemble à une torture pour la retraitée. Durant l'enfance de Vantal, elle est "au trois huit", travaille beaucoup, se démène comme elle peut pour lui apporter de l'affection. Mais au fur et à mesure que Loïc grandit, elle voit bien qu'il devient de plus en plus violent. Les liens entre les deux se distendent. Mais quand son fils revient après plusieurs mois d'absence, elle l'accueille les bras ouverts.

Alors quand Loïc Vantal est incarcéré, elle s'arrange avec son ex-mari pour aller le voir en prison. "Vous avez déjà parlé de ce qu'a fait votre fils à Tony ?", interroge la présidente. Chantal fixe le sol. "J'ai déjà esssayé, mais ça n'aboutit à rien. Je n'y arrive pas, j'ai un peu de mal, bafouille-t-elle. Ça me ronge. Je vous dis pas. C'est une misère." Elle enchaîne, incapable de mettre de l'ordre dans ses idées : "Je vais le voir au parloir. C'est un drame, c'est un drame. Je reconnais pas tout ça. J'ai du mal, je n'arrive pas à l'accepter."

Tout au long de son procès, Loïc Vantal n'a manifesté aucune émotion. Mais durant sa déposition deux jours après celle de sa mère, il avoue avoir été touché par cette dernière. Quand l'avocat général, Matthieu Bourrette, lui demande ce que représente sa mère pour lui, il répond : "C'est tout pour moi. Malgré tout le mal que j'ai pu lui faire, je sais qu'elle est malade à cause de moi." L'avocat général rétorque : "Avez-vous entendu sa déposition mardi soir ?" "Bien sur que je l'ai entendue. J'en ai pas dormi de la nuit", lâche Vantal, les yeux rivés vers le sol. Elle n'a trouvé aucune qualité sur moi. Aucune."

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