Parentalité. Elle imagine des jeux de société pour les enfants atteints de troubles alimentaires

Qui a dit qu'il ne fallait pas jouer avec la nourriture ? Certainement pas cette Marnaise qui a conçu toute une gamme de jeux et d'ateliers pour aider son fils, puis d'autres parents confrontés aux troubles de l'oralité alimentaire.

Pour certains parents, faire manger son enfant nécessite une bonne dose d'inventivité, d'énergie et de détermination. Trois ingrédients dont Floriane Challard ne manque pas. Cette Marnaise de 35 ans, maman de quatre enfants, doit déployer des efforts de créativité pour inciter son troisième enfant, âgé de 5 ans, à diversifier son alimentation.

"Tout petit, Raphaël ne buvait pas beaucoup, on avait beau changer de lait, de biberons, de tétines, ça ne changeait rien, se souvient Floriane. A 5 mois, on a commencé la diversification et là, c'était la grosse catastrophe, il vomissait, il hurlait, il avait des haut-le-cœur. Il ne pouvait manger que des petits pots de semoule vanille." Pour son médecin généraliste, il ne s'agit que de "caprices". Il conseille à Floriane d'arrêter les semoule vanille, et de ne lui proposer que des purées, lui assurant qu'il ne va pas se laisser mourir de faim. "Je l'ai écouté, relate-elle, mais mon fils ne mangeait rien. Au bout de cinq jours, je l'ai emmené aux urgences, il était totalement apathique, dénutri et déshydraté".

Trouble sensoriel et/ou moteur

Après plusieurs mois d'errance médicale, une orthophoniste pose enfin un diagnostic : Raphaël souffre de troubles de l'oralité alimentaire, aussi appelé dysoralité. Il mange peu et assez peu varié. Un trouble encore peu connu du corps médical qui concerne pourtant de nombreux enfants en bas âge. "Un enfant sur quatre présente ou a présenté un trouble de l'oralité alimentaire, assure Marie Poirette, orthophoniste et créatrice du site Parent équipé. Ce trouble peut être sensoriel, lié à une hyper ou une hyposensibilité, mais aussi moteur, à cause d'un manque de force, de coordination, de dissociation, ou les deux, à la fois sensoriel et moteur."

Parmi les symptômes, on retrouve notamment un manque d'appétit, un refus de la nouveauté, une sélectivité alimentaire, des problèmes de comportement lors des repas, des nausées et des vomissements.  Pendant deux et demi, Raphaël est suivi par l'orthophoniste. "Mais cela n'a pas eu beaucoup d'effets car ses troubles sont très sévères", regrette Floriane qui se met alors en quête d'autres solutions.

Poker des sens ou assiette ludique

Elle crée différents ateliers et jeux sensoriels pour motiver son fils à goûter de nouveaux aliments. Comme cette assiette séparée par quatre couleurs. "Dans trois couleurs, on mettra trois aliments copains que mon fils aime manger comme les gâteaux apéros par exemple, et dans la quatrième couleur, on introduira un aliment nouveau à travailler, détaille-t-elle. Avant de le manger, il aura le droit de passer par plusieurs étapes, comme seulement le toucher ou le sentir."

D'autres jeux sortent de son imagination comme le poker des sens, le dé des découvertes, la tyrolienne ou encore un tapis de jeu. "Le jeu déclenche une excitation chez l'enfant qui lui permet de découvrir de nouveaux aliments", explique-t-elle. Chaque jeu dure environ 10-15 minutes, mais il faut y jouer régulièrement pour constater les évolutions. "Aujourd'hui, Raphaël mange des frites, des pommes noisette, du cervelas, du jambon et des tomates, mais il a toujours une rigidité absolue face à certains aliments comme le brocolis." 

Une gamme de jeux...

Depuis un an et demi, Floriane partage ses avancées avec son fils sur un compte Tiktok baptisé Les ateliers sensoriels. Plus de 33.000 abonnés suivent son quotidien, ses difficultés, mais aussi ses petites et grandes victoires. Plusieurs parents la contactent sur les réseaux sociaux pour lui demander des conseils ou la remercier pour ses vidéos. "Les retours sont ultra positifs. Plusieurs orthophonistes aussi me disent qu'en cabinet ces petits jeux seraient très utiles."

Encouragée par sa communauté, Floriane lance la marque Jouer & Manger pour éditer ses jeux de société. Elle convainc un fabricant de vaisselle jurassien et un fabricant de jeux de société breton de la suivre dans son aventure. "Ce n'est bien sûr pas pour gagner de l'argent mais pour aider d'autres parents démunis face à ce trouble de l'alimentation. Ces jeux peuvent aussi intéresser ceux qui sont confrontés au refus pendant la période d'opposition de leur enfant, vers l'âge de 2 ans."

Toujours dans cette idée de partage, Floriane s'est rendu fin janvier à l'hôpital Necker à Paris qui possède un service dédié aux troubles de l'oralité. Elle a présenté ses jeux devant les professionnels médicaux pour en faire bénéficier les enfants qu'ils accompagnent.

... et un livre

Autre projet qu'elle vient de terminer : la sortie d'un livre écrit avec l'orthophoniste Marie Poirette. Publié aux éditions Hachette, cet ouvrage explique ce que sont les troubles de l'oralité, leur prise en charge et dévoile des témoignages, ainsi que plusieurs recettes et ateliers pour évoluer vers la diversification alimentaire. "Je voulais parler de ce trouble en des termes accessibles, loin du jargon médical, mais avec l'avis de l'experte Marie Poirette que j'ai rencontrée grâce aux réseaux sociaux. On se suivait mutuellement".  

Une sorte de guide pratique pour les parents confrontés aux mêmes difficultés. "Un livre que j'aurais bien aimé trouvé lorsque j'étais moi-même démunie."

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