Paroles de restaurateurs en colère à Reims : "On veut du concret, sinon la profession ne s'en remettra pas"

Une manifestation de restaurateurs et d'hôteliers a lieu ce mercredi 2 décembre après-midi à Reims et dans d'autres villes de France. Ils demandent des aides pour traverser une crise inédite pour la profession. 

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"Laissez-nous travailler". Ils sont restaurateurs, hôteliers, bistrotiers. Plusieurs centaines d'entre eux sont rassemblées ce mercredi 2 décembre place Royale, devant la sous-préfecture de Reims. A l'appel de l'UMIH (Union des métiers de l'industrie de restauration et de l'hôtellerie), pour se faire entendre en pleine crise sanitaire. Sans activité depuis mi-mars pour certains, suite au confinement. Ils craignent de ne pas se remettre de la fermeture liée à cette crise sanitaire qui dure. Alors que le gouvernement évoque une réouverture des restaurants le 20 janvier, nous avons choisi de donner la parole à certains d'entre eux pour mieux comprendre la situation. 

Eric Dujourd'hui est restaurateur. Il possède plusieurs restaurants, fait aussi de la vente à emporter, et détient des hôtels dans la Marne. "J'ai perdu tout mon chiffre d'affaire depuis 5 mois et demi en 2020. C'est 50% en moins en 2020. Il faut que des mesures soient prises pour qu'on puisse retravailler et traverser cette crise, sinon on ne va pas s'en remettre. On demande de pouvoir rouvrir le plus tôt possible. Ou alors des aides, mais pas du trompe l'oeil. Car on n'a aucune aide: je n'ai rien touché, les salariés sont au chômage partiel, j'ai eu zéro euro. Il les faut concrétiser. On ne tiendra pas, la profession ne se remettra pas de ce qui arrive. Si les aides arrivent ou si on peut rouvrir le 20 janvier, oui..."
 


Frédéric Bouré, cafetier à Sarcy : "Je suis bistrotier et je vends du tabac, dans un village de 240 habitants, à 20km de Reims. C'est simple : les gens désertent l'endroit. Il y a quelques clients qui continueraient à venir s'ils pouvaient, mais ils ont peur. Les gens continuent à s'autoconfiner. On nous a fait passé pour des mauvais élèves, nous les restaurateurs. Pourquoi nous nous contaminerions dans un restaurant, mais pas dans un bus ou un tram ? La comunication est forte sur le fait qu'on attrape le Covid chez nous. Fallait pas nous dégrader. On est sacrifié. Là, en décembre, je ne vends que du tabac, plus de café et quelques plats à emporter.

J'ai perdu 70% de chiffre d'affaire. Le tabac ne rapporte rien. Quand on vend 200 euros de tabac, c'est rien. On voudrait rouvrir avant le 20 janvier, mais je n'y crois pas. On veut seulement parler de notre situation. Fallait réfléchir avant, là le mal est fait. L'avenir, je ne le vois pas rose. Ma femme travaille avec moi. Si je ferme...
 


En milieu rural, c'est déjà difficile. Là, je suis obligé d'ouvrir une cagnotte pour payer le loyer. On tape dans le crédit d'Etat qui fond comme neige au soleil. Avant le Covid je pouvais mettre 45 personnes en salle, on est passé à 24 mais j'en faisais 12. Les dégâts vont arriver dans plusieurs mois, la reprise ne sera pas si forte. Il faudra faire trois services dans un. La casse va arriver au printemps. J'ai touché 1.500 euros d'aides. Mais on a fait un peu de chiffres en septembre, donc on n'a plus le droit aux aides. 

Valérie Cautrupt, employée dans un restaurant à Reims. "J'ai été au chômage partiel, c'est pesant. On attend de rouvrir avant le 20 janvier, mais nous aimerions plutôt le 15 décembre. Pourtant, j'ai encore de l'espoir. Mes patrons sont confiants, on va y arriver. Il faut juste qu'on nous laisse travailler. Nous, on a suivi le protocole sanitaire. Ce n'est pas chez nous qu'on va attraper le virus. C'est incompréhensible."
 

Mathilde Vol a repris un restaurant à Verzy (Marne) avec sa famille en février 2020. "On a fermé un mois après l'ouverture, alors on s'est mis à la vente à emporter. Le premier confinement s'est bein passé grâce aux villageois. Nous avons fait une belle saison cet été, mais malheureusement, à cause du deuxième confinement nous craignons de ne pas pouvoir rouvrir en janvier. Nous avons qu'une petite trésorerie... Nous n'avons pas eu droit à l'aide car on avait moins d'un an. Notre comptable nous aide, et on nous promet 10 000 euros. Notre avenir est incertain. A dix mois près, c'est un coup dur. On arrive à tenir avec la vente à emporter qui paye nos charges, mais pas de salaire. On espère tenir les prochaines semaines.

Il n'y a pas que nous, mais les cafés, hôtels et discothèques souffrent aussi. On veut être entendu et on espère un allègement du protocole. Certains n'ont pas pu faire de vente à emporter, leur trésorerie sont à sec. Et si le pic de l'épidémie repart, on ne rouvrira pas. On a besoin de retrouver nos clients, même s'il faut faire deux services. On a besoin de vivre, d'ouvrir. On se sent un peu les vilains petits canards, face aux grands magasins. Mais on ne leur jette pas la pierre. On veut juste comprendre, cela nous calmerait. Car nous sommes dans le flou." 
 

Benoît Jacquinet, hôtelier restaurateur à Matougues, près d'Epernay. "Lors du premier confinement, on a compris le bien fondé de cette fermeture. Mais le deuxième est plus difficile à vivre. On sentait qu'on était en ligne de mire et on a du mal à le comprendre. Alors qu'on a mis en place toutes les mesures sanitaires... C'est dur surtout par rapport à nos 19 salariés. Au retour du premier confinement, on a perdu deux personnes qui se sont réorientées. Si on rouvre, on a peur de retrouver des salariés démobilisés, moins motivés. Car nous sommes montrés du doigt. On garde le lien avec l'équipe. C'est pour eux qu'on est là aujourd'hui.
 

On a fermé six mois cette année, donc on a perdu 50% du chiffre d'affaire. On cherche des soutiens partout pour rester opérationnel. Il y a eu des aides remboursables. On aimerait retravailler pour réenclencher notre outil de travail. Les aides et le PGE (prêt garanti par l'Etat) m'ont permis de payer les charges. Mais on sait que ce soutien n'est que provisoire, on va devoir emprunter pour travailler. Il me faudra plusieurs centaines de milliers d'euros. Et je n'ai pas de chambres en plus. Notre filière est trop pointée du doigt, on est comme des boucs émissaires. Ce qui me fait peur, c'est de rouvrir sans client. Avec l'angoisse du chômage économique à la clé". 
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