Pourquoi la France est mal classée pour la sécurité des piétons en ville

Pendant deux jours, la mairie de Reims accueille en ce début novembre les Rencontres nationales de la marche en ville. L'occasion de dresser un état des lieux et de faire des propositions pour améliorer les choses. Des associations réclament notamment la mise en place d'un plan dédié au niveau national.

L'Hôtel de ville de Reims (Marne) accueille le 9 et le 10 novembre 2023 la deuxième édition des Rencontres nationales de la marche en ville. L'événement rassemble des associations, mais aussi des représentants de collectivités.

Ces rencontres font suite à la diffusion d'un baromètre des villes marchables, dont la deuxième mouture a été dévoilée en septembre 2023. Elles sont l'occasion d'avancer des propositions pour donner une plus grande place aux piétons et à la marche au sein des villes.

La France est classée D

Car le constat dressé par le baromètre, basé sur le ressenti des usagers, montre que la marge de progression est grande pour les municipalités. "Les résultats sont quasiment identiques à ceux de 2021. En termes de ressenti des piétons, la marche en ville est très mal perçue. La note globale pour la France est de D", détaille Frédéric Brouet, administrateur fédéral de la fédération française de randonnée pédestre et président du comité Marne. On est donc loin de la note maximale de A+.

"Le ressenti reste très négatif, pour diverses raisons. Les communes ont un peu de retard. À Reims, par exemple, la note obtenue est de D, alors que la ville et la communauté urbaine font des choses, c'est incontestable. Mais il y a une forme d'inertie dans le ressenti", ajoute Frédéric Brouet.

"La marche en ville est un peu le parent pauvre des mobilités."

Frédéric Brouet, FFRandonnée

Cette situation n'a rien d'étonnant au vu de l'histoire récente des villes. "Tout au long du 20e siècle, on a pensé à la voiture en ville, c'était un signe de progrès. Maintenant, on se rend compte que le piéton doit retrouver toute sa place, aux côtés d'autres mobilités douces et actives comme le vélo."

À l'initiative du baromètre, on retrouve le collectif Place aux piétons. Né après la crise du Covid, il regroupe la fédération de randonnée et les associations Rue de l'Avenir, 60 Millions de piétons ainsi que le Club des villes et territoires cyclables et marchables. 

Les pistes de solutions

Après l'état des lieux, il s'agit d'en passer aux solutions susceptibles d'améliorer les choses. "Le piéton doit être dans un espace presque sanctuarisé. Il faut qu'on ait la possibilité de pouvoir marcher tranquillement sans vérifier présence d'un vélo, d'une trottinette, ou d'une voiture devant soi", explique Frédéric Brouet.

"Il y a énormément à faire", affirme Christian Machu, le secrétaire général de l'association 60 millions de piétons. Il réclame la mise en place d'un plan dédié aux piétons. "L'État doit prendre en charge un plan marche spécifique dédié, de la même façon qu'il existe un plan vélo, avec des moyens du même ordre et que chaque ville en fasse autant."

Il insiste sur l'importance d'une prise en charge spécifique. "Il y a une tendance pour l'instant à associer deux modalités qui sont le vélo et la marche à pied. Ce sont quand même deux mobilités qui ont leur spécificité propre. Vouloir les traiter en même temps conduit à ce qu'on en oublie la mobilité piétonne."

Un regard sur les détails

Christian Machu appelle également les collectivités une attention du quotidien. "Tout est dans les détails pour assurer ce que j'appelle le soin du piéton." Des poubelles qui empiètent sur le trottoir, la terrasse d'un restaurant qui empêche les piétons de passer, un chantier qui bloque un trottoir sans qu'une solution sécurisée ne soit proposée pour que les piétons poursuivent leur trajet. Tout cela rend plus difficile la marche en ville, encore plus pour les personnes à mobilité réduite ou plus âgées.

Il propose de "dédier un service ou en tout cas une personne au sein des services techniques, pour avoir en permanence ce regard sur les difficultés que l'on compte au quotidien". Les solutions sont, selon lui, "souvent pas très compliquées et pas très coûteuses."

"On ne s'oppose à aucune mobilité, elles ont toutes leur place dans l'espace public, y compris la voiture. On veut simplement que ça ne se fasse pas au détriment du piéton.

Christian Machu, 60 millions de piétons

Au-delà des conflits sur les trottoirs avec les vélos et les trottinettes, il n'oublie pas les voitures. Chaque traversée piétonne, même sur un passage protégé, représente un risque d'accident. "À Reims, à peu près un piéton finit à l'hôpital toutes les semaines, ce qui n’est quand même pas négligeable". 

Les collisions impliquent surtout des voitures, mais aussi des utilitaires. "Sur l'année 2022, il y a quand même un accident avec un bus, avec une trottinette, avec un vélo", ajoute le représentant de 60 millions de piétons. 

La plupart des accidents ont lieu sur des passages théoriquement protégés. "Les causes de l'accidentalité piétonne au droit des passages piétons sont connues depuis très longtemps, les solutions pour y remédier sont connues aussi", rappelle Christian Machu. Il recommande la réalisation d'"audits de sécurité des passages piétons, pour vérifier que les règles de l'art sont respectées". De quoi limiter grandement selon lui le risque d'accidents.

Les statistiques détaillées des accidents sont consultables sur le site de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR).

Partager l'espace

La question principale est donc le partage de l'espace public. Avec les voitures qui prennent l'essentiel de la place disponible, le partage est quelques fois difficile. Mais Frédéric Brouet, de la FFRandonnée, insiste sur les besoins finalement frugaux des piétons : "Pour marcher, le piéton n'a pas besoin de grand-chose : une bonne paire de chaussures et un certain confort. Il a besoin d'espace, 1,4 m pour un trottoir, ce n'est quand même pas grandiose. Il a besoin d'une forme de planéité et une absence d'obstacles".

"Il n'y a pas besoin de faire des aménagements extraordinaires", ajoute-t-il. Il propose par exemple au niveau des goulets d'étranglement, où tous les usagers de la route convergent, de mettre en place "des passerelles ou un élargissement de certaines infrastructures, de certains ponts".

"On a envie que la ville ralentisse."

Frédéric Brouet, FFRandonnée

Il faut aussi, selon lui, détourner le plus possible le trafic de transit des centres-villes. "Il faut vraiment que les piétons soient en position de force et de sécurité en ville." Cela peut passer par une baisse généralisée de la vitesse dans les cœurs de ville. "La systématisation des zones 30 dans les grandes villes me semble être une bonne chose. Après, ça ne résoudra pas tout. Il faut aussi beaucoup d'éducation et de pédagogie."

Mais déjà, le fait que ces rencontres aient lieu au sein de l'Hôtel de ville de Reims démontre une certaine bienveillance de la part des élus. "Ça montre une volonté d'avancer sur ces questions. Là, on est au tout début. On a 50 ans de retard par rapport au vélo. Et on ne va pas attendre 50 ans", affirme Frédéric Brouet.

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