Précarité : l'Armée du Salut ouvre une pension de familles pour les sans-abri, "je me suis posée, je ne veux plus repartir"

L’Armée du Salut inaugure à Reims Un toit pour l’avenir, sa nouvelle pension de famille. Elle pourra accueillir 25 personnes au parcours de vie chaotique et qui ne peuvent plus vivre seules. Ces logements individuels sont proposés sans limite dans le temps. Une planche de salut pour ces sans-abri.

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Un Toit pour l’Avenir est une pension de famille, dernier-né des centres gérés par la Fondation de l’Armée du Salut. Elle peut accueillir 25 personnes isolées socialement et en situation de précarité, auxquelles elle propose un accompagnement social léger et un suivi médical. Originalité : ces logements sont attribués sans limite de temps.

Un logement pour toujours

La grande nouveauté de la pension de familles, c’est qu’elle accueille des personnes qui peuvent s’installer pour toujours. Loin des solutions d’urgence dont on doit à un moment sortir, elle permet aux locataires de garder le logement aussi longtemps qu’ils le veulent et pourquoi pas toute leur vie. « Cette structure s’adresse à des personnes en grande difficulté, qui ne peuvent plus vivre en logement autonome », explique Marie-Pierre Guy, directrice de la Fondation de l’Armée du Salut de Reims. Dans ce lieu, ils vont être entourés et soutenus par des bénévoles, ils vont réapprendre à vivre avec les autres. « Si les logements sont individuels, les moments de partage et d’échange avec les autres résidents sont privilégiés ». 

À 57 ans, Bruno est seul. Il est célibataire et ne voit plus ses quatre enfants, ni le reste de sa famille. Il raconte :  « Je suis arrivé ici en novembre dernier. J’ai eu des gros problèmes avec mes compagnes, à cause de l’alcool, à cause de mauvaises fréquentations. Au tribunal, ils m’ont mis sous curatelle. J’ai fait une cure de désintoxication, j’ai quitté Vitry-Le-François pour prendre un nouveau départ ». Il est arrivé à la pension en novembre dernier. Il a amené ses quelques meubles dans son nouveau logement. « Ici je suis bien, je suis content. J’ai parfois des coups de blues en repensant à ma vie d’avant, mais je ne me vois pas reprendre un ailleurs un appartement ».

Sarah, 49 ans, le répète plusieurs fois :  « Je ne veux plus partir d’ici. Je suis bien, le quartier est bien. C’est propre, calme, je m’entends avec tout le monde ». Divorcée, elle a une fille et deux petits-enfants. Mais ils sont loin, dans le Sud de la France. Il y a quelques années, elle travaillait comme femme de ménage dans les hôpitaux, les crèches, les écoles, les cuisines. Elle habitait alors dans le quartier Croix-Rouge. Puis un jour, c’est l’accident. « J’ai senti une douleur très forte dans la poitrine. C’était une crise cardiaque ». Elle a été opérée deux fois. Elle est tirée d’affaire, mais ne peut plus travailler. « Je ne peux plus porter de charges. Je dois respecter un suivi médical. Du coup, j’ai eu peur de rester seule dans mon logement. Un médecin m’a adressée à l’association « Jamais seule » et j’ai eu une chambre pendant deux ans. Mais après, il a fallu partir. Heureusement j’ai pu venir ici. Je ne veux plus partir. Je me suis posée ici, je ne veux plus bouger ».

Quitter la rue pour retrouver une vie sociale

Présente à Reims depuis plus d’un siècle, la Fondation de l’Armée du Salut y accompagne des personnes aux problématiques diversifiées. Elle les aide dans leur parcours vers l'autonomie, dans le cadre d’un ensemble d’établissements et de services. La fondation propose aussi bien de l’hébergement d’urgence que des solutions de réinsertion, de logement ou d’accueil de personnes exilées.

Avec la pension de famille, elle touche un nouveau public. « Nous accueillons 15 résidents pour le moment, mais les demandes arrivent régulièrement des services d’urgence, le 115 ou le Service Intégré d’Orientation de la Marne. Ce sont eux qui nous les envoient. Ces personnes sortent de la rue, elles sont donc passées par des hébergements d’urgence, et elles arrivent chez nous. Elles ont entre 45 et 65 ans, ont souvent des soucis de santé, des problèmes d’addiction ».  

L’Armée du Salut va répondre aux besoins de ce nouveau public, en gardant toujours la même philosophie. « Nos résidents sont responsabilisés. Ils signent un bail et paient un loyer. Nous les aidons à faire les papiers pour obtenir des aides financières, notamment le RSA, le Revenu de Solidarité Active, et l’APL, l’Aide Personnalisée au Logement ». Par ailleurs, la Fondation les incite à s’impliquer dans la vie collective, en participant aux différentes activités.

Sarah touche désormais l’Aide aux Adultes Handicapés. Elle ne travaillera plus. Mais elle participe à toutes les activités : « Ce que je préfère, c’est l’atelier maquillage », dit-elle dans un éclat de rire, un peu gênée comme si elle avait un peu honte de cette activité un peu futile, et elle ajoute : « Et puis j’aime la danse, la musique ».

Bruno, lui, touche une allocation de retour à l’emploi. Il a été plaquiste, a travaillé dans le tri postal. Avant de rechercher un travail, il faut qu’il se soigne, qu’il aille mieux physiquement : « J’ai pris un coup de vieux après la cure de désintoxication. Ici je peux me soigner, faire un bilan de santé. Après je pourrais peut-être retravailler. Mais il me faudrait un vélo en état de marche ». En attendant, il participe lui aussi avec plaisir aux activités, fait du jardinage, apprend à cuisiner.

Les activités rythment les jours et les semaines. Les résidents se retrouvent régulièrement pour déterminer les ateliers à venir. La vie collective est essentielle. Grâce à elle, ils ne se sentent plus seuls. Chacun à son appartement tout équipé, mais à tout moment il peut rejoindre la salle commune, manger avec les autres, boire un café, utiliser un ordinateur.

La pension de famille se situe dans un quartier calme, avec toutes les commodités, des espaces verts. Elle a réussi son pari : aucun des 15 résidents n’a souhaité repartir.

 

Un toit pour l’avenir

En quelques mois, les locataires reprennent espoir. Sarah rachète des meubles, en redonne à la collectivité. Elle personnalise son logement, l’arrange à son goût. Elle se reconstruit.

Bruno est songeur. Il rêve : « Il faudrait que je trouve une passion, c’est essentiel. Connaître une personne, avoir les mêmes goûts, pouvoir discuter le soir ».

La pension de famille se remplit progressivement. Marie-Pierre Guy prévoit qu’une vingtaine de personnes y habiteront d’ici l’été : « Lorsque nous serons au complet, nous pourrons organiser davantage d’activités ». Pour cela, la Fondation a besoin d’argent. Pour l’aider Afin de l’aider à remplir ses missions, la Fondation de l’Armée du Salut lance un appel aux dons.

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