La deuxième journée d'audience du procès de l'explosion d'un immeuble, quartier Wilson à Reims (Marne), s'ouvre cette matinée du mardi 18 juin. Le procès est attendu depuis onze années, mais il a encore pris un peu de retard à cause de problèmes techniques. Un véritable bal des experts pas souvent en accord les uns avec les autres a rythmé l'audience.
Deux entreprises, Mulot et Must Multi Services, sont poursuivies devant le tribunal correctionnel de Reims (Marne) pour homicide involontaire (trois personnes), blessures involontaires (seize personnes), et destruction involontaire du bien d'autrui. Un employé de cette seconde entreprise est poursuivi au même titre. Leurs responsabilités sont recherchées après l'explosion en 2013 d'un immeuble du quartier Wilson.
Le premier jour de procès, très attendu des familles des victimes et du Foyer rémois (parties civiles), a eu lieu dans l'après-midi du lundi 17 juin 2024. La deuxième journée du procès a commencé dès le matin de ce mardi 18 juin. Trois journées sont normalement prévues, mais il n'est pas certain que ce soit suffisant.
09h00, les portes n'ouvrent pas tout de suite
Le deuxième jour de procès s'ouvre sous la pluie. Devant le palais de justice de Reims, fraîchement ravalé, les retardataires pressent le pas pour grimper les marches du perron et satisfaire aux contrôles de sécurité.
Mais rien ne sert de se presser : tout le monde découvre les portes closes, devant la salle des assises, utilisée exceptionnellement pour ce procès en correctionnel car elle est particulièrement vaste. L'huissier audiencier va de groupes en groupes. "Il y a un gros larsen. On préfère ne pas vous faire rentrer avant que ce soit réglé."
Ce n'est pas le seul souci technique. La veille, la séance s'est terminée plus tôt car le deuxième expert appelé par la présidente de la séance, Tamara Phillips, témoignait via visio-conférence et qu'un souci technique l'a empêché d'être entendu.
09h30, des impondérables à prendre en compte
Les portes s'ouvrent finalement. Le procès fait à nouveau salle comble. Les avocats de la défense et ceux des parties civiles ont regagné leurs places respectives : elles étaient inversées la veille. Le dessinateur de presse, Thierry Doudoux, s'est rapproché pour mieux croquer les personnes participant au procès.
La présidente explique qu'il va falloir auditionner ce jour le second expert (monsieur Delhaye) qui aurait dû être entendu la veille au soir. Ceci aura un impact sur les autres auditions, notamment celle d'un antépénultième expert. Un autre expert qui devait être entendu ne peut se joindre à l'audience pour raisons familiales : la présidente de la séance n'a que le choix de devoir en tenir compte.
L'audience démarre rapidement, mais il apparaît qu'un souci informatique fait que les juges et les assesseurs ne détiennent pas les mêmes documents, envoyés de manière incomplète. Il faut les renvoyer. Après cet intermède, le fil de l'audience peut reprendre.
09h45, signatures et robinets
L'employé de Must Multi Services, longuement questionné la veille sur sa formation, est aujourd'hui interrogé sur les années pendant lesquelles il a personnellement contrôlé les lieux où allait avoir lieu la future explosion. Ses signatures sont vérifiées.
Il est rappelé, sur le banc des parties civiles, que pour suivre les normes, le bailleur, le Foyer rémois, demandait à Must Multi Services de poser des robinets de gaz de nouvelle génération, mais non "pas lors des visites annuelles d'entretien" (menées chez la première des victimes, Rachida Laidouni) : seulement "lors des états des lieux d'entrée" des nouvelles personnes occupant les lieux. Sur le banc de la défense, on tient alors à rappeler que la victime vivait "depuis dix ans" au 8 allée Beethoven (voir sur la carte ci-dessous).
La présidente cherche aussi à savoir comment la ventilation de la victime avait pu être contrôlée. C'est-à-dire par simple constatation visuelle ou par démontage.
10h00, le deuxième expert contredit le premier
A 10 heures, après quelques minutes d'attente, la visioconférence commence. L'expert (monsieur Delhaye), qui aurait dû prendre la parole la veille au soir, est entendu. Il décline son identité et prête serment (il lève la main droite). Il avait fondé un bureau d'études de prévention incendie et a expertisé les gazinières sorties des décombres. Il donne des détails sur les joints entre robinets de gaz et tuyaux flexibles de gazinières. "Nous ne sommes pas un tribunal expert en robinets", reprécise la présidente.
Nous ne sommes pas un tribunal expert en robinets.
Tamara Phillips, qui préside la séance
D'après ses dires, on comprend qu'il n'arrive pas à la même conclusion que le premier expert de la veille (monsieur Bignon). Selon monsieur Bignon, Le tuyau-scellé numéro quatre présenté par la présidente pourrait être associé à la gazinière-scellé numéro huit (elle qui aurait fait exploser l'appartement 1A).
Pour monsieur Delhaye, en revanche, ce tuyau flexible serait à associer à la gazinière-scellé dix. Pour lui, c'est cette gazinière qui pourrait avoir provoqué l'explosion. Ou plus précisément c'est le robinet où avait été branché son tuyau d'alimentation en gaz (il n'écarte pas forcément que la fuite viendrait du tuyau, mais il privilégie le robinet). L'origine de la flamme qui aurait conduit à l'explosion dans ce cas de figure reste incertaine : choc électrostatique, flamme de fonctionnement normal de la chaudière voisine...
La présence d'une pâte de fixation de couleur bleue est appréciée de manière divergente par les deux experts pour faire correspondre ou non le robinet et les gazinières. Ils n'en tirent pas la même localisation et leurs conclusions divergent (monsieur Bignon estimait que le souci venait peut-être de la cuisinière elle-même). Il est rappelé qu'il est difficile d'être affirmatif onze ans après les faits.
Détail significatif sur la complexité des débats : l'avocat du Foyer rémois prend la parole pour obtenir un éclaircissement sur la "partie molle" dont l'expert est en train de parler. La présidente lui reprécise qu'il s'agit de "partie mâle, ou femelle". L'avocat la remercie : il n'est pas aisé d'entendre clairement les explications en visioconférence car la connexion n'est pas très bonne. Il s'autorise un trait d'humour, "peut-être qu'on aura un jour des robinets non-genrés" : quelques sourires dans le public et chez les magistrats.
D'autres avocats chez les parties civiles interrogent l'expert ensuite. Puis c'est au tour de la procureure, mais comme son micro ne marche pas, elle doit aller poser ses questions depuis le pupitre dévolu aux témoins et experts. Décidément, la technique ne facilite pas ce procès très consacré aux expertises techniques.
Les avocats de la défense reprennent la main. Les soucis de connexion concernent maintenant l'Internet de l'expert : pause technique de quelques minutes, suivie d'un larsen qui fait grincer des dents dans l'audience. La technicité des débats concerne à présent la position du robinet fixé au mur. L'un des arguments ne tient plus si ce robinet était tourné vers le bas, ou vers le côté, démonstration de la présidente à l'appui... Plusieurs avocats échangent des regards. De son côté, un jeune individu présent dans le public semble s'être endormi.
L'expert de la veille (monsieur Bignon) est rappelé pour une confrontation plus directe : elle reste très courtoise. Il précise que si l'on ne voit plus la pâte bleue aujourd'hui, c'est aussi le cas de la poussière et des traces de terre qui maculaient le robinet. Un détail à prendre en compte. Tous deux sont d'accord pour indiquer l'appartement 1A comme origine de l'explosion. C'est l'heure de laisser le deuxième expert (monsieur Delhaye), tenu par le temps, conclure puis retourner à ses occupations. Mais nouveau souci de débit : des avocats des parties civiles n'entendent rien et soupirent d'exaspération.
11h50, entrée d'un nouvel expert présenté par la défense
Si les deux experts précédents avaient été conviés par l'instruction du dossier, le troisième (monsieur Debarnot) qui fait son entrée l'est à titre privé, par les avocats de la défense. Il avait prêté son concours à l'entreprise Mulot. Il est donc entendu comme témoin, directement après les deux autres (il y a eu hésitation à suspendre la séance, la salle se vide partiellement). Il décline son identité, rapporte ses nombreuses expertises judiciaires et son expérience au sein des pompiers de Paris.
Il souligne le fait que monsieur Bignon est le seul expert (parmi les nombreux cités) qui a pu intervenir sur place, au lendemain du drame, avant que les lieux ne soient trop déblayés (le terme technique est "modifié"), et en employant au besoin la grande échelle des pompiers. Lui-même n'est pas allé sur place, mais a compulsé soigneusement les rapports des différents experts. Il rejoint monsieur Bignon sur la désignation de la gazinière-scellé numéro huit comme celle qui se trouvait probablement dans l'appartement 1A où a eu lieu l'explosion. Car selon lui, elle est bien plus endommagée.
La présidente rappelle que la veille, l'expert a pointé que l'état "de la chaudière" n'était pas forcément "probant" car pouvant résulter de l'effondrement. "De la gazinière, madame, pas de la chaudière." Elle se corrige. "Oui monsieur Debarnot, gazinière. Mais nous en parlons depuis deux jours, je sais bien que nous parlons de la gazinière." Tout le monde s'accorde au passage pour relever que la gazinière-scellé neuf, extrêmement endommagée, vient du quatrième étage.
Parmi d'autres éléments techniques qu'il avance à la présidente - elle tient depuis hier toujours le morceau de tuyau flexible-scellé numéro un - il y a le fait que la péremption d'un tuyau flexible n'entraîne pas sa porosité immédiate. Il rappelle qu'à terme, il peut perdre en élasticité (un détail relevé plus tôt dans la matinée lors des essais de correspondance avec le robinet).
Monsieur Debarnot est interrogé par une avocate des parties civiles sur des expertises tierces mentionnées dans le dossier de l'instruction (Geromini et Vareille, pas celles de Bignon ou Delhaye). Il décrit "une ambiance détestable" lors des expertises Geromini-Vareille. Encore des experts qui ne sont pas d'accord entre eux, ce que note doctement la présidente. "On préfère les conclusions objectives aux critiques personnelles. Les enjeux sont colossaux pour les parties civiles qui attendent l'issue de ce procès."
Peu avant la suspension, la procureure charge monsieur Debarnot sur son argument de l'état de la gazinière. "Avec des si, on aurait pu faire beaucoup." En retour, un avocat de la défense (qui envoie cet expert) attaque le parquet sur les conditions de détention et d'étude des scellés. L'audience est suspendue à 12h45 et doit reprendre à 14h00.
14h07, un nouvel expert en visioconférence
La sonnerie stridente de la salle des assises retentit. L'audience peut reprendre. La quasi-totalité de la matinée a été consacrée à l'audition de l'expert prévu la veille, il y a donc du retard à rattraper. Les bancs sont à nouveau bien remplis, il y a beaucoup d'étudiantes dans le public. La responsable de l'association d'aide aux victimes, Le Mars, est aussi présente.
La présidente fait démarrer l'écran, on y voit un quatrième expert (monsieur Riffet). Sa voix forte envahit la salle. Il énumère ses expériences professionnelles, puis rapporte avoir fait son avis grâce au dossier d'instruction et aux rapports des différents experts, sans manquer de préciser que son concours ayant été demandé à compter de 2019 : il ne s'est donc "évidemment" jamais rendu sur les lieux. Il souscrit à la thèse de l'explosion de gaz dans l'appartement 1A.
Pour lui, la cause "reste indéterminée" car les éléments recueillis "sont insuffisants". Il pense cependant qu'il y a eu un déversement de gaz d'un ou deux foyers de la gazinière, utilisés puis potentiellement mal éteints (flamme dissipée mais gaz toujours actif), ceci éventuellement associé à une ventilation insuffisante. "Je ne m'explique pas qu'on ne l'ait pas senti. En quinze minutes, ça se sent. Mais il faudrait deux heures pour atteindre la limite inférieure d'explosivité." Cependant, rien ne dit que Rachida Laidouni, qui a été retrouvée avec un peigne, n'était pas occupée à autre chose dans une autre pièce.
Il regrette qu'un autre expert ait altéré (coupé) le tuyau flexible originellement relié à la gazinière-scellé numéro dix. Il explique ses calculs de "volume, de temps de diffusion du gaz", mais la présidente lui demander de "vulgariser un peu". Il répond qu'il n'a que donné les formules, sans les détailler, afin de ne pas perdre la salle." J'en conclue qu'il n'y avait aucune chance d'avoir un tel débit de gaz [pouvant provoquer l'explosion] au niveau du robinet", écho à la thèse de monsieur Delhaye. L'expert pense qu'il aurait fallu une fuite de plus de 20 heures pour ça, et donc qu'elle aurait été sentie très tôt. Cet après-midi est très mathématique...
Il pense aussi que si le tuyau flexible avait été arraché, le robinet de nouvelle génération ROAI ne se serait pas forcément fermé. La présidente veut reformuler ses propos, "car nous n'avons pas votre niveau d'expertise". On parle encore longuement de (pâte de) joint, de composition et déformation de tuyau flexible, de ventilation... En revanche, il ne se prononce pas sur l'état de fonctionnement des différentes gazinières.
L'une des avocates des parties civiles veut être sûre de bien comprendre les délais cités, et utilise le micro central pour interroger l'expert (elle ne peut pas utiliser le micro de la partie civile). L'écran devient noir pendant les questions-réponses. "Vous m'entendez, monsieur Riffet ?" Il réapparaît : il avait masqué sa caméra quelques secondes, le temps d'avaler un peu d'eau. Un autre avocat des parties civiles cherche à comprendre si Rachida Laidouni aurait coupé le gaz elle-même ("pour raisons d'économie"), où se trouvait cette éventuelle vanne d'arrêt, et en quoi ça aurait pu influer sur l'incident. Une troisième, celle de la famille Laidouni, l'interroge sur un remplacement du robinet, éventuellement par un non-professionnel (ce pourquoi il y a tant de questions sur les joints ou la pâte) : quelles économies ça aurait pu apporter à l'occupante des lieux, le coût du robinet ou du tuyau. Sa "constatation" est qualifiée de "partie pris" par les avocats des parties civiles : le ton monte, la présidente ramène le calme.
La défense, elle, veut écarter l'idée qu'il y aurait une "collusion" entre les conclusions de monsieur Riffet et celles de monsieur Debarnot. "Je l'ai rencontré en 2022", affirme-t-il, soit trois après s'être penché sur le dossier. Il doit ensuite recalculer une hypothèse si l'on change les dimensions de la cuisine, qui changent selon les rapports. Nouveau trouble quand la présidente reproche à un jeune membre du public d'utiliser son téléphone. Il dément, mais on entend alors un téléphone plus loin, à sa gauche. Une dame lève alors le doigt et présente ses excuses : il s'agissait de son alarme "pour son diabète". Pendant ce temps, l'expert a fini de recalculer. "Désolé, je vais être un peu technique." On entend un soupir.
15h55, encore un nouvel expert
Sans transition ou presque, un nouvel expert, monsieur Vareille, est convoqué, il détaille qui il est ainsi que son parcours, et prête serment. Son rapport originel a été beaucoup cité dans le dossier d'instruction et lors des échanges de la journée. Il a été demandé à monsieur Riffet de rester disponible en visioconférence pour éventuellement réagir. Monsieur Bignon, lui, est parti soudainement, à la surprise des magistrats. On ne sait pas encore s'il revient. Puis monsieur Riffet disparaît des écrans. La présidente regarde fixement l'écran et appelle plusieurs fois monsieur Riffet. On l'entend alors. "J'avais coupé le micro et la caméra pour ne pas déranger. Je peux les remettre si vous voulez." Et voilà que revient monsieur Bignon, qui reprend place à côté de monsieur Debarnot.
Depuis que monsieur Vareille est entré en tenant une valise, il ne l'a pas lâchée, même à la barre. "Vous pouvez poser votre valise, monsieur l'expert..." On rappelle que son témoignage est accueilli en mode "dégradé", en raison de l'absence irréfragable du co-expert monsieur Geronimi, encore annoncé présent il y a peu. La présidente tente de rappeler qu'il y a quatre experts présents ou connecté ici, et craignant ce qui pourrait suivre avec ce bal des experts pas souvent d'accord entre eux, insiste sur le fait qu'il faut mettre de côté les contentieux personnels au profit de la recherche de la vérité.
Nouveau souci : un vidéoprojecteur a été demandé, mais ne semble plus fonctionner depuis ce matin. La présidente se lamente ("c'est quand même incroyable qu'en 2024...") puis se retrouve à devoir prêter son ordinateur à l'expert pour qu'il puisse y brancher sa clé USB, où se trouvent ses notes. "J'ai interdiction de brancher les clés USB tierces sur l'ordinateur. Si je suis piratée, on saura que ça vient de vous." Ce devait être une boutade, car plusieurs avocats pouffent de rire. "Faites attention à ne pas faire tomber l'ordinateur", s'inquiète toutefois la présidente alors qu'il est posé en équilibre précaire sur la barre, face à monsieur Vareille.
Il s'exprime lentement et passe en revue les rapports d'expertise. La salle se vide un petit peu au fil des explications. Quelques papiers qu'il a amenés se retrouvent par terre (léger rire dans le public) lorsqu'il répond à la présidente au sujet du tuyau flexible qu'elle a en main. Puis il dévie. "Pourquoi vous parlez de ça ?" Il fait référence à un point non-abordé dans les rapports. La présidente le réoriente sur le serrage des tuyaux flexibles. "Je suis désolée... ce doit être la fatigue, mais je n'ai pas compris." Il reformule et fait référence à l'influence des montées de température sur le fameux tuyau flexible, puis la chute de l'électroménager lors de l'effondrement. "On n'a pas retrouvé de gazinière attachée au robinet." Sa thèse est donc celle de l'arrachement du tuyau flexible.
16h50, une démonstration sonore
Après un long temps d'échanges un peu confus, la présidente invite monsieur Vareille à venir faire une démonstration sur les gazinières versées aux scellés. De grands fracas métalliques se répercutent dans la salle sans qu'on puisse voir exactement ce qu'il fait. "On n'est plus à ça près", lâche la présidente. Tous les avocats se lèvent à l'unisson et vont observer la scène qui se joue à l'avant de la salle. Les gens dans le public se regardent d'un air interloqué. La présidente récupère son ordinateur.
Ensuite, il y a un nouveau débat quant à la localisation de la gazinière-scellé numéro dix. Monsieur Vareille n'est pas d'accord avec monsieur Bignon. La présidente doit rappeler "que si la gazinière numéro dix, avec le flexible encore en place, était selon vous au premier étage, chez madame Laidouni... Alors la numéro huit, dont on a retrouvé au moins un brûleur en position allumée, se trouvait au deuxième étage, et ce alors qu'on a retrouvé madame Robert en pyjama, dans son lit..." Murmures dans la salle, qui peu après se vide encore plus. Peu après, l'avocat du Foyer rémois, déconcerté, interroge l'expert. Les parties civiles cherchent à mieux comprendre les calculs du seuil d'explosivité... Puis la défense parle des recherches dans les décombres, du Curriculum Vitae (CV) de l'expert, et des modèles d'embouts, parfois en haussant le ton et en s'invectivant. Pour lui, la présence d'un robinet de type ROAI aurait pu empêcher une fuite. La présidente finit par proposer une suspension "pour s'aérer un peu". La proposition semble accueillie avec soulagement par beaucoup.
17h50, une pause longtemps attendue
Dans la salle des pas perdus, il n'y a pas grand monde. Le public, visiblement appesanti par la complexité des débats, était déjà réduit à portion congrue avant la suspension. Une dame marche lentement près des doubles-portes. "Je déplore qu'on ne soit pas plus du quartier [Wilson] à être venus..."
Plus loin, l'une des avocates des parties civiles répond à la presse. Maître Cyndie Bricout résume bien l'ambiance générale. "Tout cela était assez prévisible. Comme dans le cadre de l'instruction, on a différents experts qui s'opposent. Ils s'accordent sur le lieu de l'explosion, mais ils ne distribuent pas les gazinières aux mêmes appartements, ils ont des origines différentes pour la fuite."
C'est complètement indigeste, en plus des difficultés techniques qu'on peut avoir.
Maître Cyndie Bricout, l'une des avocates des parties civiles
"C'est quand même tout à fait regrettable pour les parties civiles que nous représentons, pour les familles endeuillées, meurtries. En réalité, on assiste à une guerre d'ego. Chacun veut avoir le dernier mot. Plutôt que de livrer des conclusions et des éléments objectifs, ils se disputent et critiquent les conclusions qui ne sont pas les leurs. C'est complètement indigeste, en plus des difficultés techniques qu'on peut avoir. On se retrouve avec une audience onze après les faits. Et après dix ans d'instruction, on se retrouve à faire des calculs et émettre de nouvelles hypothèses." Elle pense aux familles qui cherchent à faire leur deuil, et à elle et ses confrères et consoeurs qui ne savent pas quoi leur expliquer : cette situation ne les aide pas.
18h10, l'audience reprend avec quatre experts en même temps
Sonnerie stridente, chacun à sa place, et les débats reprennent. Cette fois, ils impliquent les quatre experts en même temps (dont celui en visioconférence). Prudemment, la présidente les invite à s'exprimer "dans le respect de chacun".
Monsieur Bignon a pris "beaucoup de notes" et tient à revenir sur ce qu'il a entendu. Des démonstrations ont à nouveau lieu, notamment pour montrer un emplacement du tuyau flexible disparu, et de "coudes en fonte d'aluminium qui peuvent casser en cas de chocs". Des invectives, aussi. La présidente doit encore faire un rappel à l'ordre. "Pas de conversation entre vous deux, merci. Ce que vous dites, c'est à la barre." Quelqu'un soupire.
Les discussions reprennent de nombreux éléments déjà cités précédemment, mais en apportent parfois d'autres. C'est l'occasion notamment de réflexions sur la rénovation des fenêtres, et leur caractère ventilatoire. Et d'une énième prise de bec. "Le tribunal a bien pris en compte que vous êtes en désaccord", souffle la présidente. Monsieur Debarnot, lui, plie ses quatre remarques postérieures aux débats de la journée en cinq petites minutes. Ce temps d'échanges pourrait néanmoins se révéler être assez long. Preuve en est, sur les bancs du public, il reste moins de dix personnes.
19h00, les experts repartent
La présidente finit par congédier les experts après leurs échanges. Elle annonce pour le lendemain que des familles des victimes seront entendues. L'entreprise Mulot, pour ainsi pas entendue en deux jours, devra aussi prendre la parole. Les plaidoiries des avocats suivront. "Vous allez tous plaider, ou juste un avocat par cabinet ? Combien de temps feront vos plaidoiries, maître ?" Réponse d'un des intéressés de la défense. "Oh, je dirais 30 minutes ?" La présidente sourit. "Seulement 30 minutes ? Ce sont des minutes d'avocat ?" Sourire en retour. "Plutôt 45 minutes."
Les avocats se lèvent, remballent leurs robes. Rendez-vous est fixé au lendemain à 09h00. On apprend d'ores-et-déjà que le procès aura aussi lieu le jeudi.