Le procès des agresseurs présumés de Christian Lantenois, photographe reporter du journal l'Union à Reims, s'ouvre ce lundi 30 septembre à la cour d'assises des mineurs de la Marne. Il ne sera pas public.
La décision était attendue. Finalement, le procès du photographe Christian Lantenois qui s'ouvre ce lundi 30 septembre à Reims aura lieu à huis clos. La décision de la Cour d'assises des mineurs est motivée "au regard de l'un des accusés, et de sa condition de mineur au moment des faits" précise Emilie Philippe, la présidente de la Cour.
Le 27 février 2021, Christian Lantenois, alors âgé de 65 ans, se trouve dans le quartier Croix-Rouge de Reims, dans la Marne, pour réaliser un reportage sur des affrontements entre bandes rivales.
Très vite, le photographe est repéré aux abords de la médiathèque, alors qu'il est à bord d'une voiture aux couleurs de son employeur, le journal L'Union. Un groupe d'une dizaine de jeunes l’encercle, l'un d'entre d'eux s'acharne violemment sur le journaliste tombé à terre. Christian Lantenois est laissé pour mort, il passera quatre semaines dans le coma.
Trois ans après les faits, le procès de ses agresseurs présumés débute ce lundi 30 septembre 2024 devant la Cour d'assises des mineurs de la Marne.
Ses collègues journalistes en soutien
Avant que la décision du huis clos ne soit prise, nous avons pu assister au début de l'audience. Dans le box des accusés, Anes Saïd Khebbeb, poursuivi pour vol précédé ou accompagné de violences ayant entraîné une infirmité permanente et participation à un attroupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de dégradations de biens.
Vêtu de noir et rasé de près, il a la mine grave. Cela fait trois ans qu'il est en détention, dans l'attente de son procès.
L'autre accusé - dont on ne peut communiquer le nom car mineur au moment des faits - était devant le box, en présence de son avocat.
Christian Lantenois, lui, est aux côtés de Jocelyne, son épouse. Son visage est impassible.
Puis la présidente de la cour suspend l'audience, le temps de décider si le procès sera public ou non. A l'extérieur, une dizaine de collègues journalistes de l'Union patientent, déterminés à soutenir Christian Lantenois. Depuis son agression, il a arrêté de travailler. "Pour nous, c'était indispensable d'être là parce qu'on ne l'oublie pas" explique Valérie Coulet, journaliste au sein du quotidien régional. "Même si aujourd'hui il ne travaille plus au journal, on pense à lui souvent. Il nous reconnaît et on a senti qu'il était heureux qu'on soit là".
Longtemps dans le coma, Christian Lantenois reconnaît que ses émotions ont profondément changé depuis les multiples coups qu'il a reçus au crâne. Ces quatre prochains jours, "ça pourrait être difficile pour lui de se remémorer ce qui s'est passé le jour du drame" suppose Valérie Coulet.
Même si aujourd'hui il ne travaille plus au journal, on pense à lui souvent. Il nous reconnaît et on a senti qu'il était heureux qu'on soit là
Valérie Coulet, reporter au journal l'Union
"On est unis pour lui, car cette histoire est particulièrement choquante. Depuis quelques jours, il y a beaucoup de papiers dans la presse. Je pensais avoir oublié certains détails et en fait ça nous revient en pleine face" raconte la reporter
Sur la question de savoir s'il y a un avant et un après février 2021, Valérie Coulet est très claire : la liberté de la presse est mise à mal, car beaucoup de fait-diversiers font preuve d'une vigilance accrue lorsqu'ils vont en reportage "dans les quartiers qui craignent", de peur d'être victimes de violence à l'instar de Christian Lantenois.
Un huis clos au nom de la transparence
La liberté de la presse, c'est aussi ce qu'a invoqué Gérard Chemla, l'avocat des parties civiles, pour demander que l'audience soit publique. Après la décision de huis clos, il prend en exemple notre profession. "On a voulu empêcher quelqu'un (Christian Lantenois, ndlr) de témoigner de ce qui se passait dans un quartier, et du coup on vous a empêché, vous, de témoigner de ce qui se passait en salle d'audience. C'est déplaisant pour nous, mais c'est comme ça, c'est le texte" déplore-t-il.
De l'autre côté, l'avocat de la défense, lui, évoque une "décision positive". "Non pas qu'on ait eu la volonté de mettre des journalistes à la porte de l'audience, mais là on est sur des faits qui sont particuliers" estime Benoit Cousin. D'abord parce que l'un des deux accusés était mineur au moment des faits, mais aussi pour une question de "sérénité des débats". "J'ai la conviction qu'on a deux accusés qui ne sont pas être très à l'aise pour s'exprimer, et qui sont inquiets du sort qui leur sera réservé" affirme l'avocat d'Anes Saïd Khebbeb. "J'ai plaidé pour ce huis clos, car je veux que mon client puisse s'exprimer de la façon la plus simple et la plus transparente possible, et je crains que du public dans la salle ne le freine".
Il veut tenter de présenter des excuses à la victime, tenter d'expliquer les circonstances qui l'ont amené à commettre ces gestes
Maître Benoît Cousin, avocat d'Anes Saïd Khebbeb
Sans compter que selon Me Cousin, l'accusé reconnaît les faits et en assumera toutes les responsabilités, "autant sur le plan de la peine que sur le plan moral". "Il veut tenter de présenter des excuses à la victime, tenter d'expliquer les circonstances qui l'ont amené à commettre ces gestes" souligne-t-il, précisant toutefois que la seule chose qu'il conteste, c'est l'intention d'homicide. Il n'a jamais, selon lui, voulu tuer Christian Lantenois. Depuis, le magistrat instructeur est allé dans son sens, et a abandonné la qualification de tentative de meurtre.
"Il attend seulement un regard de la part de Monsieur Lantenois, peut-être qu'il attend également une forme de compréhension de la part de la cour d'assises, mais pas forcément de la clémence ou de la bienveillance" conclut l'avocat.
Mais avant d'entendre la version de l'accusé sur ce qui s'est passé le 27 février 2021, "il va falloir gratter pour que les zones d'ombre s'éclaircissent" indique Me Gérard Chemla, l'avocat de Christian Lantenois, évoquant une vidéo visionnée ce lundi matin pendant l'audience et "qui permet de savoir ce qui s'est passé et d'identifier les uns et les autres".
Sur la question de savoir comment va son client, il est très bref. "Mon client est imperturbable, c'est quelqu'un qui n'a plus d'émotions et qui accepte tout ce qui se passe".
Le principal accusé majeur au moment des faits encourt jusqu'à 30 ans de réclusion, ayant déjà eu maille à partir avec la Justice par le passé.