À l'occasion des semaines d'information sur la santé mentale, du 9 au 22 octobre, l'Établissement Public de Santé Mentale (EPSM) de la Marne va à la rencontre du public pour sensibiliser à ce sujet encore trop souvent tabou. Une mobilisation particulièrement tournée vers les étudiants cette année, population éminemment exposée à des pressions psychologiques.
Imposants, colorés, et disposés à chaque entrée du bâtiment, les stands de prévention sur la santé mentale sont immanquables, pour ne pas dire incontournables. « Ma santé mentale, un droit à tous les âges » c’est le thème de la campagne de sensibilisation cette année, alors pour marquer le coup, l’EPSM de la Marne a multiplié sa présence auprès des étudiants. Après avoir tenu un stand sur la fac de médecine, puis à l’institut régional de formation, ces psychologues et autres professionnels de la santé mentale occupent cette fois l’entrée de la bibliothèque universitaire Robert de Sorbon à Reims.
L’idée est simple : sensibiliser ce jeune public aux difficultés psychiques et psychologiques qu’ils peuvent rencontrer, et surtout leur conseiller quelques méthodes pour justement préserver leur santé mentale. « Ça va de l’alimentation à la qualité du sommeil, en passant par l’exposition aux écrans ou les moyens de transport utilisés. Ce sont beaucoup de facteurs qui peuvent sembler anodins mais qui à la longue peuvent sérieusement entamer notre moral» explique Raphaël, 20 ans, étudiant en sciences sociales qui vient de discuter longuement avec l’une des intervenantes du stand. « Je ne dis pas que ça va changer ma vie, mais je vais essayer d’arrêter certaines mauvaises habitudes qui pourraient vite me jouer des tours ».
En plus des discussions, et d’un grand choix de documentation mise à disposition du public, les intervenants de l’EPSM, psychologues pour la plupart, proposent une « expérience immersive » avec un gilet lesté pour représenter le poids de la dépression, et un enregistrement audio pour comprendre les hallucinations auditives, ou le phénomène de « rumination » que certains subissent. « Mettre des mots sur ce qu’ils peuvent vivre au quotidien, identifier un mal-être, c’est déjà un énorme défi pour ces jeunes adultes » souligne Clara Blacher, psychologue au centre de réhabilitation sociale de Reims qui se réjouit de cette nouvelle forme d’action dans les facs, « quand on faisait des conférences il faut reconnaître qu’on touchait bien moins de monde ».
Les étudiants : public prioritaire de cette campagne de sensibilisation
Si l’Établissement Public de Santé Mentale (EPSM) de la Marne a choisi de mettre l’accent sur la tranche jeune cette année, ce n’est pas un hasard. « Chez les étudiants, surtout depuis le covid, on recense énormément d’anxiété, de dépressions, et même un nombre anormalement élevé de tentatives de suicide » précise notre intervenante. Une étude de l’Observatoire de la Vie Étudiante indique même que « 43 % des étudiants sont en détresse psychologique, contre 29 % avant la pandémie ».
Des situations de détresses psychologiques nombreuses et diverses, que les psychologues de la journée de prévention expliquent parfaitement. « Il y a le passage de la vie d’ado à celle de jeune adulte, de lycéen à étudiant, de la vie avec les parents à l’autonomie pour beaucoup. Ce sont autant de bouleversements à gérer en même temps, c’est déstabilisant, donc fragilisant. Et puis ils sont à un âge où se développent pas mal de troubles psychiques également » nous détaille Clara, complétée par sa collègue Chloé Lecolle, coordinatrice en parcours de soins ; « les études en elles-mêmes sont sources d’anxiété. Il y a le stress des examens, la pression liée à l’obligation de résultat, pour certains la difficulté de mener de front leurs études et un travail alimentaire… C’est un statut très précaire ».
Un état de fait que confirment les quelques étudiants qui ont bien voulu nous répondre sur le sujet, à commencer par Constance, 21 ans, étudiante en médecine « tous les ans j’ai au moins un de mes potes qui m’avoue prendre des antidépresseurs ou des anxiolytiques. La charge mentale de l’étudiant elle est énorme, même moi des fois je me dis… Des fois c’est concevable de craquer ». Et Raphaël surenchérit « parfois on se dit que ce n’est qu’une mauvaise passe, que ça va aller mieux, alors on n’en parle pas, mais finalement les semaines passent, et ça ne fait qu’empirer ».
Briser un tabou
Justement, Raphaël soulève là l’un des principaux enjeux quand il s’agit de santé mentale : être capable non seulement de mettre un mot sur son mal-être, mais aussi de l’exprimer à un proche ou un professionnel de santé. Certains ne peuvent pas ou ne veulent pas s’interroger sur leur bien-être, estimant qu’il est secondaire par rapport aux objectifs qu’ils poursuivent. « Mais on ne devrait pas avoir à sacrifier sa santé mentale pour réussir ses études » rappelle Clara Blachere Psychologue à l’EPSM.
D’autres, conscients qu’ils vont mal, gardent le silence par pudeur, pour ne pas être exposés aux potentiels regards des autres. Ces journées de sensibilisation sont donc essentielles pour faire passer plusieurs messages : ça n’arrive pas qu’aux autres, c’est loin d’être exceptionnel, et surtout, il existe bien des structures pour se faire aider, et ne pas avoir à surmonter seul une détresse psychologique. L'un des ateliers du stand de sensibilisation apprend d'ailleurs « à repérer les signes qui montrent qu'un camarade va moins bien, et à prendre soin de lui quand le problème est identifié » précise Chloé Lecolle.
Mais ça ne suffit pas toujours, comme l’explique Julie 21 ans, elle aussi étudiante en médecine « on n’ose pas forcément en parler parce que dire qu’on ne va pas bien, c’est un aveu de faiblesse, et dans notre milieu qui est assez compétitif (NDLR : plusieurs concours tout au long des études), quand on a une faiblesse on se dit qu’on tombe à la dernière place, on est toujours comparé aux autres alors on ne peut pas dire qu’on ne va pas bien ». D’ailleurs ce jour-là de nombreux étudiants sont passés au stand sans un mot ou presque, mais n’ont pas manqué de récupérer de la documentation, ou même des numéros de téléphone pour peut-être prendre contact avec des structures d’aide et d’écoute dans un cadre plus privé.