A Reims, l’association Noël Paindavoine refuse la misère en offrant un logement à des jeunes actifs

Agés entre 16 et 30 ans, les bénéficiaires de l’association Noël Paindavoine peuvent louer des logements individuels ou en colocation à des tarifs qui défient toute concurrence. Une initiative que nous vous présentons à l'occasion de la journée du refus de la misère, ce samedi 17 octobre.

Entre deux services, Abdel* rentre se reposer chez lui à Reims, dans le 15m2 qu’il occupe depuis neuf mois. L’apprenti pizzaiolo manie la pâte avec brio, même s’il n’est encore qu’en contrat d’apprentissage au sein d’une pizzeria rémoise réputée. « Je voulais être coiffeur, puis mécanicien, et finalement je me suis lancé dans la restauration, ça va faire presque un an », raconte le jeune Tunisien avec fierté. Venu de l’autre côté de la Méditerranée il y a quatre ans, Abdel savait que les études lui étaient impossibles, faute de moyens.
 

On offre un toit et autour d'un toit, on ajoute de l'humain

Le studio qu’il occupe a une particularité : il est géré par l’association Noël Paindavoine. Grâce à un conventionnement avec la caisse d'allocations familiales (CAF) et des bailleurs sociaux, le loyer dérisoire : 400 euros dont plus de la moitié est pris en charge par les aides au logement. Toujours sur un ton enjoué, il précise : « Quand j’étais mineur, ce n’est pas moi qui payais le loyer, tout était pris en charge par l’ASE [l’aide sociale à l’enfance, qui dépend du département, ndlr]. Maintenant, c’est moi qui le paye ! »
 

Comme ça, je me sens responsable, je me sens plus utile. Ça fait du bien d’avoir des responsabilités. Je me suis dit qu’il fallait que je me prenne en main.

Abdel, apprenti cuisinier.


« On offre un toit, et autour d’un toit, on bâtit des choses, on rajoute de l’humain. » Virginie Ouin est à la tête de l’association rémoise. En tout, elle et 19 salariés encadrent un peu plus de 200 jeunes répartis dans cinq résidences, dont trois situées dans le centre-ville de Reims. Tous sont sélectionnés au cas par cas, car pour obtenir un studio ou un petit appartement, il faut être âgé de 16 à 30 ans, avoir une source de revenus d’au moins 300 euros mensuels et surtout, présenter un projet professionnel. « Pour ceux qui sont motivés et qui travaillent, c’est idéal, appuie Abdel. Ça me permet d’avoir quelques sous de côté pour payer mon permis. Si je n’avais pas ça, j’aurais dépensé tout mon salaire dans mon loyer. »


Aide et mixité sociale

Plus qu’un toit, les travailleurs sociaux de Noël Paindavoine accompagnent des jeunes venus de milieux sociaux très divers. Certains viennent de milieux aisés, notamment dans le cadre de colocations étudiantes nommées Kaps, implantées au coeur du quartier Croix-Rouge. En échange d'un loyer modéré, ses derniers s'engagent à animer l'aide aux devoirs à la maison de quartier. D'autres viennent parfois de la rue. «Ce n'est pas forcément parce qu'ils sont SDF qu'ils ne disposent d'aucuns revenus », détaille Virginie Ouin. Les aides sociales et la CAF couvrent généralement le loyer, le temps que les éducateurs accompagnent le jeune dans un projet professionnel. « C’est une écoute parce qu’il faut un lien de confiance avec le jeune, explique Virginie Ouin. En fonction des besoins du jeune, on met en place un accompagnement pour qu'il accède à ses droits ou à un travail. » Pour ceux qui débutent la vie solitaire, les éducateurs leur apprennent comment entretenir un appartement, proposent des ateliers cuisine, des moments pour découvrir la ville, des ateliers sportifs (voir la publication Facebook ci-dessous), culturels… « On leur crée des opportunités », résume Virginie Ouin.
 

Un logement, c’est avant tout un espace à soi et une adresse postale. Ces deux fondamentaux ont tendance à être oubliés, tant ils font partie du quotidien. Le soir, à la sortie du travail, chacun (qui dispose d’un logement) rentre chez soi. Mais pour avoir un travail, encore faut-il avoir une adresse. Idem pour un permis de conduire, une carte d’identité ou un permis de séjour… même à l’heure du numérique, l’adresse mail ne suffit pas. C’est bien une adresse physique qui est requise par les pouvoirs publics. Ce n’est pas pour rien que certaines associations, comme la Croix-Rouge par exemple, proposent un service de domiciliation. Comprendre : une boîte aux lettres que les bénéficiaires peuvent indiquer à Pôle Emploi, la CAF (caisse d’allocation familiale) ou à la Préfecture. « Avoir une adresse, c’est pouvoir recevoir du courrier, avoir de l’intime, souligne Virgnie Ouin. Je peux recevoir des amis, de la famille, m’alimenter, je peux accéder à mes droits. Tout cela, on l’oublie quand on est dans sa vie au quotidien. »

« Ça m’a tranquillisé, j’avais beaucoup de stress, reconnaît Pardeep Singh, apprenti serveur à Epernay. A la Préfecture, je n’avais jamais renouvelé mes papiers seul, j’étais accompagné. » Venu du Pendjab au nord de l’Inde à la frontière avec le Pakistan, Pardeep a traversé de nombreuses épreuves. Aujourd’hui, il apprend les métiers de la restauration et dispose d’un logement social à Epernay, après avoir passé un an et demi au foyer de jeunes travailleurs rémois. Plus qu’un logement, il a trouvé des oreilles attentives et des amis, avec qui il a fêté ses 18 ans (voir la publication Facebook ci-dessous). « Déjà, j’y ai appris la langue française que je ne parlais pas du tout, sourit-il, dans un Français quasi parfait. Ils m’ont expliqué comment ça se passe dans la vie, comment avancer. Ils m’ont aidé à trouver un travail. Tant que j’étais là-bas, ils m’expliquaient comment ça se passe en France. »
 
Un accompagnement qu’il faut maintenir malgré la crise sanitaire. En juillet dernier, les jeunes ont été les plus affectés par le contexte économique : les moins de 25 ans de catégorie A (ceux qui n’ont pas travaillé dans le mois) a augmenté de 20% par rapport au mois de février, peut-on lire dans Challenges. Les jeunes du foyer n’ont pas dérogé à la règle. « Pleins de jeunes se sont retrouvés sur le carreau. La plupart d’entre eux travaillent dans le BTP, la cuisine, l’intérim, se rappelle Virginie Ouin. Le premier effet auquel il a fallu faire face, c’est qu’ils n’ont pas pu payer leur loyer. On a pris sur nos fonds propres, nous avons demandé de l’aide à la CAF, aux organismes qui nous soutiennent déjà. » Les travailleurs sociaux se sont adaptés : demandes à la banque alimentaire, au secours populaire, aux commerçants du quartier. « La boulangerie nous a fait cadeau des invendus, toute comme un Amap [une association favorisant les circuits-courts entre exploitants agricoles et consommateurs, ndlr], ce qui a permis aux jeunes d’avoir des fruits et des légumes », se félicite la directrice.
 

« Au-delà de la nécessité de garantir un toit, le logement constitue un élément de l’accès à l’autonomie, un facteur de sécurisation et de stabilisation du parcours des jeunes, et enfin un facteur de socialisation important », rappelait l’Union sociale pour l’habitat (USH) dans un éditorial consacré à la question du logement des jeunes en octobre 2015. Plus qu'un toit, gérer son propre logement permet à ces jeunes de sortir de la précarité et de prendre confiance en eux. « Je me sens vraiment bien, c’est mieux parce que je suis responsableassure Abdel. Quand j’étais au foyer de mineur, je devais respecter un couvre-feu, j’étais obligé de rentrer à 22h, je ne partais pas en vacances, je ne pouvais pas dormir chez quelqu'un, ni recevoir des amis. Maintenant, tous les courriers que je reçois, c’est directement dans ma boîte aux lettres, sans que ça passe par l’accueil. » Un sentiment de liberté qu'Abdel ne troquerait pour rien au monde. Malgré la crise, son employeur lui a laissé entendre qu'à la fin de son apprentissage, il lui ferait signer un CDI. De quoi trouver un logement pérenne et à son goût.



*Le prénom a été modifié.
 
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