À Reims, Ousmane Ouedraogo et Sarah Walbaum ont travaillé plusieurs mois sur deux tenues, en hommage à l'ancien président sénégalais Léopold Sédar Senghor. Elles ont été présentées vendredi 5 novembre à Paris lors d'un colloque, pour les vingt ans de sa mort.
Lorsque nous les rencontrons, Ousmane Ouedraogo et Sarah Walbaum ajustent les derniers détails avant de partir pour Paris. Dans leur atelier installé dans un appartement du centre-ville de Reims (Marne), ils travaillent depuis plusieurs mois sur deux tenues, une masculine et une féminine, destinées à être présentées lors d'un colloque le 5 novembre 2021 à Paris dédié à Léopold Sédar Senghor, ancien président sénégalais et membre de l'Académie française.
L'idée du projet est venue du président de l'association Francophonie sans frontières Benjamin Boutin, qui organise le colloque parisien pour les vingt ans de la mort de Senghor, nous raconte Ousmane. Il souhaitait que soit créée une tenue inspirée du parcours et de la pensée de Senghor. Rapidement, l'idée d'une tenue féminine s'est ajoutée au projet.
"Ce n'est pas la tenue de Madame Senghor, mais elle est l'illustration de l'Afrique. Donc c'est à la fois la Mère Afrique, avec toute cette richesse de traditions et de culture. Mais aussi une Afrique qui avance, qui se projette dans l'avenir et qui est porteuse d'autres messages", détaille Ousmane Ouedraogo, co-créateur des tenues.
Ousmane a commencé à travailler dès février sur les tenues, Sarah l'a rejoint en avril. L'association Made in Francophonie, dirigée par François de Beaulieu, a accompagné cette création.
Le travail mené en commun avec Sarah mêle différentes influences. "Senghor était franco-sénégalais. Donc le métissage culturel existait vraiment. Sarah vivant en France, étant occidentale, et moi étant Africain, l'idée était de croiser nos regards sur nos créations", précise Ousmane.
Senghor est un homme qui a marqué son temps en Afrique et en France.
Ousmane Ouedraogo
Métissage
Chacune des tenues comporte de nombreux symboles qui rappellent ce métissage. Sur le vêtement masculin, une étoffe tissée à Dakar est combinée à un chanvre produit en Occitanie. Les broderies sur les manches font elles référence à l'âge de Senghor lors de son décès, 95 ans. Il y a ainsi neuf feuilles d'olivier sur une manche et cinq sur l'autre.
Sur la tenue féminine, on retrouve de la soie arrivée d'Afghanistan quelques jours avant la chute de Kaboul comme de la fibre de bananier venue du Cambodge. Sarah Walbaum a confectionné comme une ceinture avec des éléments réalisés à partir de fragments de vitraux issus de l'Atelier Simon-Marq, à Reims, dans lequel elle travaille depuis un peu plus d'un an. Ces pièces de verre et les coquillages qu'elle y a associés rappellent l'île de naissance de Senghor, l'île de Fadiouth au Sénégal, dite île aux coquillages.
"Naturellement, j'avais initié un projet de création au sein de l'atelier, notamment en revalorisant les chutes des maîtres-verriers, raconte Sarah. À mes heures perdues, l'année dernière, j'ai commencé à casser ces chutes, à faire des moules, à les refondre. J'ai présenté ça à Ousmane quand il est venu à l'atelier. Et inversement, j'ai découvert le travail d'Ousmane […] On a vite pris ces pièces de verre pour les mettre sur les tissus. C'est l'association de ces deux savoir-faire exceptionnels que l'on a souhaité travailler."
Le vêtement féminin compte précisément 54 plis. "Cela symbolise les 54 pays d'Afrique, l'Afrique unifiée. Les épaules plus imposantes, c'est l'Afrique qui a beaucoup sur les épaules, mais qui continue à exister, à avancer malgré tout, détaille Ousmane. Le revers masculin, les manchettes un peu plus large, cela montre que la femme a une place très importante. Le revers symbolise aussi l'éducation, la femme aussi peut prendre sa place dans les postes importants."
Après la présentation le 5 novembre à Paris, les tenues vont de nouveau être montrées devant des délégations de l'Unesco à la fin du mois de novembre. Elles doivent ensuite aller au Musée des civilisations noires de Dakar, au Sénégal. Puis elles reviendront à Reims pour être montrées au public en mars 2022 à l'occasion de la Journée Internationale de la Francophonie.