"Place aux Restos" est une opération lancée début décembre par le groupe Métro France et l’ensemble des partenaires de l’hôtellerie restauration (l'UMIH, le GNI et la CGAD). Objectif : ouvrir gratuitement des emplacements sur les marchés de France aux restaurateurs et traiteurs.
"Nous l’avons fait en bonne entente, explique Jöel Oudin, président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) de la Marne. L’idée est très bonne et elle va se prolonger. Dès lundi (le 11 janvier), je vais relancer les adhérents de la fédération et je pense que le maire de Reims acceptera que l’on continue l’opération jusqu’à… " La reprise annoncée au 20 janvier n’aura pas lieu. Tous les professionnels de la restauration le savent désormais. Sans pour autant avoir de perspectives. L'UMIH avec le Groupement National des Indépendants en hôtellerie et restauration (GNI), la Confédération Générale de l’Alimentation en Détail (CGAD) et le groupe Métro France, a donc eu l'idée de mettre sur pied une opération solidaire en faveur des restaurateurs et des traiteurs. "Place aux Restos" a été lancée début décembre partout en France... et sera sans aucun doute prolongée.
Place aux Restos en collaboration avec les mairies de France
"Une fois l’accord trouvé avec tous les partenaires de la filière, il fallait aussi le soutien des maires de France, explique aussi Frédéric Chapet, directeur de Métro Reims. Nous voulions utiliser les marchés des villes et obtenir des emplacements gratuits pour les restaurateurs. Nous avons donc envoyé un courrier au président de la Fédération des Maires de France notamment, François Baroin". A Reims, comme dans 76 communes de France, le maire, Arnaud Robinet, a répondu présent. "Place aux Restos" a donc été mis en place début décembre au marché Boulingrin, le vendredi et le samedi matin.
Le marché de la halle Boulingrin a donc ouvert ses portes gratuitement aux restaurateurs et traiteurs de la région. Chaque vendredi et samedi matin, un, deux, trois emplacements, en fonction de la demande, sont mis à disposition gratuitement des professionnels de la restauration. "Les places sont tirées au sort et en fonction, celles non attribuées à l'intérieur sont données gratuitement aux restaurants, explique Frédéric Chapet, directeur de Métro Reims. S'il n'y a plus de place à l'intérieur, un barnum est installé à l'extérieur. Ca ne peut être que favorable. Cela permet aux restaurateurs d’échanger avec le grand public sur leurs difficultés. C’est aussi un moyen d’expression et d’échanges". Avec les fêtes, peu de professionnels ont répondu à l’appel. Pour l’heure un seul s’installe chaque samedi depuis un mois : Kazuyuki Tanaka, le chef étoilé du restaurant Le Racine.
Garder le contact
Kazuyuki Tanaka est l’un des tout premiers à avoir mis en place la vente à emporter et ce, dès le mois de mars. "Je prépare des plats à emporter au restaurant, midi et après-midi. Tout de suite j’ai mis en place la vente à emporter parce que je savais que ça allait durer. Et puis, il y a toujours le lien avec les gens, c’est la solidarité. Entre les deux confinements, beaucoup de clients sont venus. C’était tout le temps complet", explique le chef aux deux étoiles.
Quand Kazuyuki Tanaka reçoit l’information de l’opération « Place aux restos », il ne se pose pas de question. "Simplement quand on peut, il faut faire. On n’a pas de restaurant, et j’ai quand même moins de contact avec les gens. Il faut communiquer".
Sur le marché je discute avec les clients habituels et d’autres personnes. Beaucoup sont surpris. Ils me demandent même : vous êtes du restaurant Le Racine. Mais vous n’êtes pas le chef ? Je leur réponds, bien sûr que je suis le chef !
Le marché Boulingrin, n’est pas une découverte pour le chef japonais. "Avant, le samedi, j’allais sur le marché mais j'étais toujours pressé. J’avais envie d’y rester plus. Maintenant je peux parce que j’ai du temps, sourit-il. J’ai aussi compris beaucoup de choses. Vendre des produits sur le marché ce n’est pas facile. Ce samedi matin il faisait -3 degrés. Mais je dois y être".
« Ca me rappelle mes débuts »
"Vous savez, au restaurant c’est moins compliqué parce que les gens réservent, précise encore Kazuyuki Tanaka, et nous étions toujours complet. On n’avait pas besoin de chercher les clients".
Cette crise liée à la pandémie permet, finalement au chef rémois, de ne pas oublier d’où il vient. Car sur le marché le samedi matin, tout est à refaire. Il y a ses fidèles clients qui découvrent qu’il est là. Et les autres qui ne le connaissent pas. "Il faut que je comprenne ce qu’ils cherchent. Ca me plait bien et ça me rappelle mes débuts avec ma femme lorsqu’on avait notre restaurant. On n’avait pas beaucoup d’argent, on ne savait pas si les clients allaient venir ou pas. On avait parfois des angoisses. C’était il y a 5 ans et c'est le même sentiment sur le marché".
Kazuyuki Tanaka est bien décidé à se battre et met tout en œuvre pour que son établissement ne tombe pas dans l’oubli. "Il faut tenir, il faut protéger les restaurants, pour ma famille, pour mes clients. Il faut montrer que Le Racine existe. Il faut trouver des solutions quelque soit la situation". Mais précise-t-il encore, pas besoin d’être étoilé pour cela.
Il faut que d’autres restaurateurs viennent aussi. Il faut montrer que la restauration n’est pas finie. Je comprends qu’il y en ait qui ait baissé les bras. Mais sur le marché, c’est mieux que zéro. C’est gagner de l’expérience, gagner un peu d’argent… et faire plaisir aux clients.
Et c’est dans la difficulté que l’homme se construit dit-il encore. "Si c’était toujours facile, l’humain n’avancerait pas. Je vais apprendre beaucoup de choses durant cette période". La crise liée à la pandémie, Kazuyuki Tanaka la qualifie d’expérience. "Je vais vivre peut-être 70 ans, je ne sais pas… Mais juste un an ou deux ans avec cette catastrophe, je pense que c’est une bonne expérience. Les gens qui évoluent… il y a toujours quelque chose de négatif au début. Il faut trouver une solution, faire des projets, il faut avancer. C’est comme ça que les gens grandissent". Comme tout ses confrères, il ne sait pas quand il pourra rouvrir son restaurant, "mais je suis prêt. Et peut-être qu’un jour les gens croisés sur le marché viendront au restaurant. Il faut penser pour plus tard. Il faut avancer, il faut évoluer".
Une façon de voir l’avenir, une philosophie même… qui n’empêche sans doute pas l’inquiétude mais qui permet de remplir les journées autrement… et de continuer à sourire à l’avenir.