Après l'agression d'une collégienne à Reims, quatre élèves de 13 et 14 ans ont été mis en examen. La justice et le rectorat ont pris des décisions rapides. Nous avons interrogé Sylvie Moucheron, psychologue, pour savoir comment la victime pouvait se reconstruire.
Après l'insoutenable lynchage d'une jeune fille à Reims, quatre élèves de 13 et 14 ans ont été mis en examen jeudi 10 septembre 2020. L'agresseur, le plus jeune est poursuivi pour violences volontaires aggravées. Il risque des peines de prison, tout comme les 3 autres personnes mineures qui ont enregistré et diffusé la vidéo. Ils sont scolarisés dans la même classe de 3ème du collège Saint-Remi que la victime. "Tout est parti d'insultes échangées sur Snapchat entre la jeune fille rouée de coups et une autre collégienne, samedi, à la suite de moqueries. Sur les réseaux sociaux, le garçon de 13 ans a pris fait et cause pour l’autre mineure. Il a décidé de la venger," a expliqué Matthieu Bourrette, le procureur de la république de Reims. "Ils étaient « totalement inconnus » de la police et de la justice," a-t-il ajouté.
Les conséquences du harcèlement scolaire peuvent parfois être tragiques. Une adolescente de 14 ans a été tabassée ce lundi après-midi à Reims. Et le calvaire ne s'est malheureusement pas arrêté là. Pour humilier davantage leur camarade, les bourreaux ont décidé de partager la vidéo de l'agression sur les réseaux sociaux, le lendemain.
La scène se déroule sur un trottoir en face du collège Saint-Remi. On y voit un jeune homme en survêtement noir, saisir par le cou la jeune fille. L'adolescent la fait chuter au sol. Il lui tire les cheveux, la frappe avec ses bras, ses pieds. Un autre collégien a filmé toute la scène, une quarantaine de secondes qui a circulé plusieurs heures sur internet.
Le temps de la reconstruction pour la jeune fille de 14 ans
Mais évidemment, tous les regards se tournent vers la victime. Elle va devoir se reconstruire et vivre avec ce douloureux souvenir. Il y a harcèlement quand il y a violence physique, verbale ou psychologique. On ne connaît pas le contexte, ni les liens qui unissent tous les protagonistes. Nous avons interrogé Sylvie Moucheron, psychopraticienne à Reims.Sylvie Moucheron : "Paradoxalement, bien que cela doit interdit de filmer, la vidéo peut se révéler un élément positif dans la reconstruction de la jeune fille. Contrairement à d'autres cas, elle peut permettre une prise de conscience plus rapide des conséquences de ce qu'elle a vécu par ces bourreaux. La vidéo et les commentaires haineux sur les réseaux sociaux qui s'en sont suivis ont été repérés. C'est ce qui a permis l'intervention rapide de la police et de la justice. L'adolescente remarque que tout est fait et que tout est dit pour dénoncer la situation."
Cette vidéo est peut-être un mal pour un bien. Dans le cas de cette jeune fille, cela peut devenir un révélateur, la prise de conscience que les institutions la soutiennent face au cauchemar qu'elle a vécu et que tout le monde a vu.
Sylvie Moucheron : "Pour que la reconstruction ne soit pas un échec, il y a deux postures : l'établissement scolaire et le cercle familial. Comment le collège et l'éducation nationale vont réagir ? Que vont-ils mettre en place ? Elle doit revenir au collège en se sentant soutenu par ses camarades bien sûr, mais surtout par l'institution scolaire. Même si cela sera compliqué. Dans les cas d'agression ou de harcèlement scolaire, il y a souvent un effet de sidération. C'est parfois vécu comme une forme de déni, comme si cela n'avait jamais existé. Une forme de honte. C'est cette barrière psychologique qu'il faut dépasser. Chacun le vit à sa façon. Il ne faut pas qu'elle est honte de revenir en classe et de retrouver les autres élèves. Elle est LA victime."
Autre élément à prendre à compte : la réaction de la famille. Comment ses parents vont-ils se saisir de la situation ? Et là, c'est compliqué à anticiper. On ne connaît pas le contexte familial. On ne sait pas si les relations avec ses parents sont conflictuelles ou non. Pourtant, le soutien de la famille est primordial : la compréhension, l'acceptation et l'affection.
Sylvie Moucheron : "Il y a ausi la réponse des autorités. Elles ont très vite agi. Il faut d'éventuelles sanctions pour que les actes ne restent pas impunis. Ces réponses ne peuvent venir que de la justice et de l'institution scolaire qui semblent avoir d'ores et déjà pris la mesure de la situation. C'est la valeur de l'exemple pour elle, mais aussi pour d'autres jeunes, également victimes. Il faut que tout le monde se dise que ce n'est pas seulement le problème d'une jeune fille, mais le problème de chaque jeune harcelé, qu'il soit fille ou garçon.
Car ce n'est pas normal de se faire lyncher. Pourtant, beaucoup de jeunes vivent ces situations au quotidien. C'est devenu naturel dans un groupe, il y a des codes entre eux. Un leader qui manipule toute une bande pour s'en prendre à une seule personne. C'est alors un fonctionnement inconscient du groupe. Cela dépasse le cadre familial. Il est important d'agir, car des séquelles à l'âge adulte peuvent survenir : le manque de confiance en soi et le risque de dépression chronique."
La réaction de l'éducation nationale
Le rectorat a annoncé l'ouverture d'une cellule psychologique et promet que ceux qui ont filmé et assisté à la scène seront sanctionnés : "Je suis extrêmement choquée. La scène s'est déroulée devant le collège, une enseignante a vu les faits se dérouler, une jeune fille est aussi venue dans l'établissement pour dire qu'il se passait quelque chose. Le temps que tout le monde réagisse, il était trop tard", explique la rectrice de l'académie de Reims, Agnès Walch Mension-Rigau. La victime, l'agresseur et la personne qui a filmé la scène sont tous les trois scolarisés au sein du collège Saint-Remi de Reims. Une procédure a été déclenchée à l'encontre de l'adolescent de 13 ans qui a porté les coups : il est mis à l'écart de l'établissement à titre conservatoire.Les décisions du juge des enfants
Pour l'agresseur :Placement sous contrôle judiciaire avec obligation de fixer sa résidence en un lieu déterminé, hors département, interdiction de fréquenter le collège Saint-Remi, interdiction de contact avec la victime, obligation de soin, obligation de suivre une formation, obligation d’être suivi par un éducateur.
Pour les 3 autres mineurs qui ont filmé, assisté à la scène et diffusé la vidéo sur les réseaux sociaux :
- mesure de liberté surveillée préjudicielle avec suivi régulière par un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse
- mesure d’aide ou de réparation confiée à la PJJ (le mineur aura une obligation d’effectuer une activité éducative définie, et ce avant jugement, dans le temps de l’enquête du juge des enfants)
- mesure d’aide ou de réparation confiée à la PJJ (idem).