Reims - Proxénétisme aggravé : un réseau organisé découvert, ouverture d'une information judiciaire

Comme nous le révélions le 6 octobre, une affaire de proxénétisme aggravé est en cours à Reims. Le procureur de la République confirme et vient d'ouvrir une information judiciaire. Il met au jour un réseau organisé. 

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Le parquet de Reims a ouvert ce 9 octobre une information judiciaire du chef de proxénétisme aggravé. Nous en parlions le 6 octobre. Cette saisine d’un juge d’instruction fait suite à une enquête préliminaire, née d’un renseignement anonyme, de plus de six mois confiée à la direction départementale sûreté publique de la Marne et qui a mis en évidence l’existence d’un réseau local particulièrement organisé de proxénétisme dans le milieu dit du BDSM (bondage, domination et soumission, sado-masochisme). Vers 13h ce vendredi, trois hommes ont été présentés au palais de justice dans cette affaire qui secoue le landernau de Reims. Selon nos informations, confirmées par le procureur, l'un des mis en causes serait un photographe, un autre créateur d'une entreprise de garde d'enfants, un autre agent immobilier. 


Il a pu être établi, explique le procureur de la République de Reims, Matthieu Bourrette, dans un communiqué, que trois individus avaient pu être les instigateurs, organisateurs et bénéficiaires, tant sur le plan sexuel, que financiers, de soirées sexuelles particulièrement violentes, tarifées. Au cours de celles-ci, une femme dite “soumise”, majeure,  avait des rapports sexuels sans aucune forme de limite quant à leur brutalité et leur caractère humiliant,  avec un nombre conséquent d’hommes.
 

Jusqu'à 800 euros par participant

Une soirée pouvait être organisée pour plusieurs dizaines d’hommes pour une “soumise”, ces hommes acceptant de rétribuer ces prestations sexuelles aux organisateurs des soirées, la prestation pouvant être fixée  entre 40 et 800 euros par participant.

Ces soirées, dont certaines étaient prévues au moment des interpellations,  se déroulaient principalement à Reims, mais il a pu arriver qu’elles aient lieu ailleurs, et en région parisienne notamment. Les clients, dont un certain nombre d’entre eux ont été entendus, et qui, pour certains d’entre eux ont reconnu avoir participé à ces soirées en réglant les organisateurs, sont principalement domiciliés à Reims, mais également dans la région, voire pouvaient faire plusieurs centaines de kilomètres pour participer à ces rencontres.
 

Milieux favorisés

Les clients sont tous des hommes majeurs, insérés socialement, et appartenant souvent à des catégories sociales plutôt favorisées. Les femmes dites “soumises” dans le vocable employé par les organisateurs, sont toutes majeures, et l’enquête a démontré que si l’une d’entre elle savait que ces relations étaient tarifées, les autres l’ignoraient, et l’ont appris au cours de l’enquête.

Elles ne semblent absolument pas avoir bénéficié des sommes récupérées par les organisateurs. A ce jour, sept femmes dites ''soumises''ont été identifiées et entendues. Certaines ont tenu à préciser qu’elles étaient parfaitement consentantes pour participer à ces soirées, qui correspondaient à leurs aspirations sexuelles. L’une d’entre elles a déposé plainte, deux autres se réservant le droit de le faire par la suite.
 

Elles ont toutes été approchées, puis recrutées par le même organisateur, qui est l’un des principaux mis en cause. Selon plusieurs témoignages, il récupérait également une partie des fonds.
 

Plusieurs auteurs mis en cause

Les faits reprochés de proxénétisme aggravé, l’aggravation de la qualification reposant sur la pluralité d’auteurs, sont caractérisés par le bénéfice financier obtenu de ces prestations, précise encore le procureur. C'est également le cas par la mise à disposition de moyens ou de lieux permettant la réalisation de ces soirées tarifées. Sur le plan pénal, à ce stade des investigations, c’est la tarification des prestations qui tombe sous le coup de la loi.

Parmi les trois personnes déférées, deux sont plus principalement considérées à ce stade de l’enquête comme les têtes de ce réseau. L’un pour avoir été le rabatteur de ces femmes ''soumises'', l’organisateur de ces soirées, et le collecteur de fonds. L’autre ayant à la fois mis à disposition des locaux pour la réalisation de ces soirées, et ayant pu bénéficier de certaines contreparties.

Il est reproché au troisième homme d’avoir notamment servi d’intermédiaire entre organisateurs et ''soumises''.
 

Jusqu'à dix ans d'emprisonnement

Les trois mis en cause encourent jusqu’à dix ans d’emprisonnement. Ils ont également pu participer à ces soirées dont beaucoup étaient filmées.

Après avoir nié toute connotation financière dans l’organisation de ces rencontres sexuelles, ils ont fini par admettre l’existence de rétribution financière. Mais ils l'ont minimisée, et se renvoient les uns les autres, et notamment les deux principaux, la responsabilité de cet aspect financier.
 

Les trois hommes ont entre 46 et 59 ans. L’un d’eux est connu de la justice pour avoir été condamné dans le passé pour des faits de violences, et agression sexuelle. Les deux autres sont connus pour des faits purement formels n’ayant rien à voir avec des faits d’atteintes aux personnes. 

Les trois ont une activité professionnelle, pour l’un de photographe, pour le deuxième de chef d’entreprise dans le milieu des services à la personne (petite enfance). Le troisième travaille dans la vente immobilière.
 

Détention provisoire

Les trois mis en cause ont été mis en examen du chef de proxénétisme aggravé :
  • l’un d’eux a été placé en détention provisoire, conformément aux réquisitions du parquet,
  • le deuxième, pour lequel le parquet a également demandé son placement en détention provisoire, a demandé un délai pour préparer sa défense, et a été placé en incarcération provisoire : le débat sur son éventuel placement en détention provisoire aura lieu dans les prochains jours,
  • le 3e a été placé sous contrôle judiciaire, conformément aux réquisitions du parquet.

L’enquête, à présent confiée à un juge d’instruction, doit notamment s’attacher à apprécier l’ampleur des gains financiers obtenus, identifier l’ensemble des “soumises”, et des clients. Il est établi que sur la période retenue, soit de 2014 à 2020, entre 150 et 200 soirées du même type  ont pu être organisées a minima. L'enquête pourra également mieux cerner la personnalité des mis en cause. Ceci au regard de l’emprise et de l’ascendance dont ils ont été capables à l’endroit de ces “soumises”. Ainsi qu'apprécier le retentissement psychologique de ces faits sur les femmes ''soumises'', victimes de proxénétisme.

A ce stade de l’enquête, il a été fait choix de se concentrer sur la notion de proxénétisme aggravé. Seules des investigations plus poussées permettront de vérifier si la notion de “soumission” peut conduire à envisager d’autres qualifications.
 
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