A Reims, les restaurateurs vivent dans l'incertitude : "Le plus dur c'est de ne pas pouvoir se projeter"

Les restaurateurs rémois de la place d'Erlon ont tapé sur leurs casseroles ce vendredi 2 octobre, répondant au mot d'ordre du chef médiatique Philippe Etchebest. Si tous n'ont pas suivi le mouvement, ils déplorent un manque d'anticipation et de prise en compte de leur sort face au Covid-19.

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"Heureusement, la météo va nous aider !" Sébastien Bocahu rit aux éclats, sa doudoune bleu marine trempée par une averse. Ce vendredi 2 octobre, les nuages ne sont pas avec les restaurateurs, qui ont décidé de donner un concert de casseroles place d'Erlon à Reims, vêtus de noir, à la suite de l'appel du très médiatique chef cuisinier Philippe Etchebest. "Nous participons à cette action car la profession est en détresse, elle souffre depuis le déconfinement, dénonce Vincent Mansencal, à la tête des Vitrines de Reims. A nouveau, on nous montre du doigt. Ce n'est pas tenable. Nous avons besoin du soutien de l'ensemble de la population pour que nos établissements restent ouverts. Nous sommes prêts à augmenter les protocoles sanitaires."
 

80.000 euros perdus en trois mois

Sébastien Bocahu quant à lui n'a pas défilé place d'Erlon. A la tête d'un cabaret à Tinqueux (Marne), d'une discothèque et d'autres établissements, il sera néanmoins présent à la mairie de Reims pour la réunion organisée avec des représentants du secteur de l'hôtellerie restauration et la Préfecture. A ses côtés, Cyprien Paleni, dirigeant du Bootlegger Speakeasy, fulmine. Pour lui, faire tinter les casseroles est inutile. Déjà au moment du déconfinement, il pointait du doigts les nombreuses pertes de son établissement, ainsi que celles qu'allaient subir ses confrères à cause des mesures sanitaires. "Je ne sais pas si les gens se rendent compte qu'un resto sur deux va fermer, dénonce-t-il. Des personnes qui tiennent des terrasses ont perdu trois mois d'activité, certains ont déjà épuisé leur PGE (prêt garanti par l'Etat)."
 

J'ai perdu 80.000 euros en trois mois. Je ne peux pas revendre, car qui mettrait de l'argent dans un restaurant aujourd'hui ? 

Cyprien Paleni, gérant du Bootlegger Speakeasy.

 

Cyprien Paleni subit de plein fouet la crise sanitaire mais aussi le télétravail. Son bar-restaurant, situé dans le quartier d'affaires Clairmarais à Reims, se remplit beaucoup moins qu'en 2018, lorsqu'il était élu "bar de l'année". Une conséquence de l'absence des salariés sur site. En tout, il a perdu 80.000 euros en trois mois, sans compter l'argent qu'il a dû investir dans un PGE pour maintenir son établissement à flot. Le tout alors qu'il devait avoir fini de rembourser son prêt bancaire pendant le confinement. "Le pire, c'est qu'on n'a aucune date. On pourrait au moins se dire jusqu'à quelle date on doit tenir ou emprunter de l'argent", se désole le Rémois.

Des capacités d'accueil réduites

Dans un autre quartier d'affaires, les chiffres donnent aussi le tourni. A Bezannes, Frederik Prevost l'a calculé : la distanciation sociale lui coûte 500 euros par jour depuis la réouverture de son restaurant, sans compter la centaine de milliers d'euros perdue lors du confinement. "Tant qu'on avait la terrasse, niveau chiffres, on faisait à peu près comme quand on a ouvert l'année dernière, détaille le quinquagénaire. Maintenant que c'est l'hiver, je vais perdre une vingtaine de couverts." Ce qui le chagrine le plus, outre les deniers personnels qu'il a dû injecter dans sa trésorerie, c'est de devoir refuser des clients quotidiennement. "Je n'avais pas prévu qu'il allait falloir mettre de l'argent, concède le gérant, amer. En plus, je le fais pour des raisons qui sont étrangères à l'établissement ! Si on était mauvais, qu'on travaillait mal ou qu'il n'y avait aucun client, bah c'est tout, on est mauvais on fait autre chose. Là, on a de la demande, les clients sont là, mais on ne peut pas travailler !"
 

Même constat pour ses concurrents directs. La pizzeria n'accueille plus que 20 couverts au lieu de 45, le Bouche B compte dix couverts de moins. "Soit 400 euros par service, deux fois par jour, calcule le patron, Thibault Laplaige. Soit 800 euros par jour." Si pour lui les clients sont encore au rendez-vous, il est parfois plus difficile de gérer les flux de clients, parfois nombreux, parfois absents. "C'est très dur et très stressant. On travaille en dents de scie, avec de gros moments de rushs et des moments de vide", grince-t-elle. Un casse-tête pour le personnel et les commandes qu'elle passe à ses fournisseurs."Et encore que j'ai des gens qui sont super, souligne-t-elle. Je peux leur dire 'tu restes deux heures', 'finalement tu repars avant', ils s'adaptent facilement." Et de résumer :
 

Le plus difficile, c'est de ne pas pouvoir se projeter. On ne peut pas savoir ce qu'on fera le lendemain. On ne peut pas lancer de financement pour la terrasse, on n'avance pas du tout car financièrement, c'est impossible.

Véronique Duguet, gérante de la pizzeria à Bezannes.

Malgré tout, les restaurateurs tentent de garder le sourire. Sur la place à l'entrée de la zone d'affaires de Bezannes, ils se soutiennent, partagent leurs expériences. Même si l'ambiance est "un peu morose", Thibault Laplaige relativise : "Les clients nous soutiennent, tant qu'ils sont là, c'est le principal."
 
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