REPORTAGE. À Reims, le confinement au quartier Croix-Rouge, "c'est compliqué, vraiment"

Au sud de Reims, ce quartier populaire touché par la pauvreté reste (un peu) animé malgré le confinement. Les commerces sont fréquentés, les livreurs travaillent, les dealers campent dehors... Mais derrière cette normalité apparente, plane le spectre de la précarité, renforcée par la crise.

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10h30, ce samedi 21 novembre, avenue du Général Bonaparte, au coeur du quartier Croix-Rouge. Un ciel bleu impeccable égaie des barres d’immeubles bien ternes. Au troisième étage de l’une d’entre-elles, un homme prend le soleil à son balcon, quand son voisin finit d’étendre ses draps. En contrebas, la routine du quartier s’installe doucement. Une file d'attente se forme devant la Poste et le bar-tabac, deux hommes réparent une voiture sur un parking et des scooters pétaradent dans une ruelle. "Ça vit presque normalement", observe Taliane, un habitant.
 

 


Au quatrième week-end du reconfinement, nous avons passé plusieurs heures au pied des tours du quartier pour rencontrer quelques-uns de ses résidents. Livreur, aide-soignante, étudiant… Entre les tracas du quotidien et les inquiétudes liées à la crise, ils nous livrent leur impression sur la période actuelle.

 

 

 

"C’est compliqué, vraiment"

Dans sa Twingo, garée face au bloc numéro 12, Soufyane a les yeux rivés sur son portable dans l’attente d’une course. Le jeune homme de 30 ans est devenu livreur à domicile après avoir perdu son travail lors du premier confinement. "Je faisais des ménages comme intérimaire avant, puis tout s’est arrêté", raconte ce père de famille. Problème, depuis hier, il n’arrive plus à valider de commandes sur son application. Et en tant qu’auto-entrepreneur, ces heures non travaillées sont des heures non-payées. "Avec l’intérim, j’étais assuré de travailler huit heures dans la journée, mais avec la livraison, on est jamais sûr, explique-t-il. C’est compliqué, vraiment."
 


Non loin, deux jeunes tapent le ballon sur une petite place. Ils sont les seuls. Le terrain de foot, lui, reste vide, tout comme l’aire de jeu. Peu de monde traîne en bas des tours, si bien que le chant des oiseaux perce au milieu de cet amas de béton.

Ayoub relativise : "Il y a toujours une petite ambiance ici". Confirmation avec cette dispute bruyante venant d'un appartement un peu plus haut. Ce jeune lycéen de 17 ans assure sortir plusieurs fois par jour, et ne s’encombre pas avec l’attestation. "Je n’ai jamais été contrôlé." Pour lui, comme pour d’autres jeunes du quartier, ce confinement "ne change pas grand-chose". Comme si les restrictions de mouvement ne les limitaient en rien dans leur mode de vie sédentaire. "Je suis casanière moi de toute façon", assure Kimberley, 15 ans. 

 

 

 

"Je ne veux plus rester ici"

Pour Fanta (prénom d'emprunt), mère isolée de 42 ans, ce confinement est plus dur à vivre. La raison ? La dégradation de son habitat. "L'ascenseur ne fonctionne plus depuis quatre mois, l'interphone non plus, récemment il y a eu un incendie dans mon immeuble, se plaint-elle. Je suis angoissée, je ne peux plus dormir." Aide-soignante depuis six ans, et en première ligne face à l'épidémie au sein d'un Ephad, elle est en arrêt maladie depuis quelques jours. Se retrouver confiné toute la journée représente un vrai calvaire pour elle. "J'ai prévu de déménager bientôt, confie-t-elle. Je ne veux plus rester ici, ce n'est pas bon pour l'avenir de mes enfants."
 
La même envie est née chez Taliane, ingénieur de 32 ans, après le premier confinement. Installé avec sa femme et ses deux filles dans un appartement de 68 mètres carrés, il veut désormais acheter une maison. "Je n'ai pas demandé à vivre là, explique-t-il. Je suis arrivé pour mes études, et quand j'ai demandé un logement, on m'a balancé là." Au quotidien, il ne partage pas grand chose dans son quartier. Tout comme Mohammed, étudiant de 21 ans, arrivé de Guinée il y a un an, et pour qui ses journées se résument à ses cours en visioconférence dans son appartement. "Pas simple à suivre…", avoue-t-il.
 

Les dealers bravent le confinement

En début d'après-midi, quelques petits commerces longeant le boulevard du Général Bonaparte tirent leur rideau de fer. Les va-et-vient au Spar se font plus rares. D'ailleurs, à 14 heures, le magasin est vide. Les courses du samedi matin terminées, c'est l'heure de la promenade. Des badauds occupent les espaces verts, marchent, discutent. Mais il n'y a pas la foule, dans ce qui représente le quartier le plus peuplé de Reims.

À l'angle d'un parking, adossé à un lampadaire, un jeune homme mange des chips et salue les passants d'un check. Ses yeux panotent de gauche à droite. Discrètement. Dans sa main, il tient deux portables. "Pas trop dur le confinement ?" - "Non ça va." Lorsqu'on l'aborde, il est avenant mais reste bref dans ses réponses. La discussion en cours intrigue deux de ses acolytes qui se rapprochent. "Tu cherches quelque chose ?", demandent-ils d'un ton sec. Non. L'échange prend fin rapidement et les trois jeunes restent camper là. Force est de constater que le confinement aura stoppé certains business, mais pas celui des dealers.
 

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