La pandémie n’a pas détourné les Français du chocolat, bien au contraire. A Reims, l’équipe de La Petite Friande peut en témoigner. La chocolaterie est une affaire de passion familiale qui n’est pas près de s’arrêter. A Noël, les ventes ont fortement progressé.
Cours Langlet, à Reims, dans la Marne, où est installée La Petite Friande, le premier confinement, au printemps a laissé un goût amer à Hugues Jubin, le chocolatier, et à son équipe. A Pâques, un temps fort de la vente de chocolats, "le confinement a coûté cher en chiffre d’affaires", indique Hugues Jubin. Pour autant, l’attrait pour le chocolat n’est pas en baisse. Ainsi, "à Noël, non seulement, les habitués ont répondu présents, mais en plus des fidèles, de nouveaux clients ont permis une forte progression des ventes. Le ticket moyen a augmenté de 3,5% ", poursuit-il. De quoi provoquer les félicitations des banques. Une belle fierté pour la petite entreprise familiale, ce dont se réjouit Hugues Jubin. Cela fait 20 ans qu’il est aux manettes, mais c’est depuis le 19ème siècle que sa famille travaille ce produit qui réjouit les papilles.
"J'ai fait mon premier chocolat, à l'âge de sept ans, avec mon grand-père".
Histoire d’une passion familiale
En 1832, au tout début de l’aventure, c’est rue Colbert qu’a ouvert La Petite Friande. Ensuite, le magasin a déménagé rue de l’Arbalète, puis rue Condorcet, avant d’ouvrir la boutique actuelle, Cours Langlet. Les générations se sont succédées, par cousinage, et depuis 1951, c’est en ligne directe que se transmet la chocolaterie. "On a tous eu d’autres carrières", dit Hugues Jubin. "Ma sœur Delphine qui dirige le magasin avait fait des études d’architecture, moi, j’étais dans les commercial, mais on a été élevé au sein de La Petite Friande. On y revenait toujours. Les fêtes ont toujours fait partie de nos vies. A Noël, par exemple, quand j’avais neuf ans, je faisais les livraisons. C’était une autre époque. J’ai fait mon premier chocolat à l’âge de sept ans avec mon grand-père Guy. Mon fils Charles a suivi un apprentissage classique. Moi, c’est avec mon père, Christian, et mon grand-père que j’ai tout appris. C’est une histoire de passion familiale. Je suis heureux de perpétuer la tradition familiale. Un jour, un client, devenu mon ami, depuis 30 ans, m’a dit : "Ah bon, c’était ton grand-père qui m’offrait des bonbons !". Depuis que j’ai repris, je suis attaché à travailler avec un respect très profond de la tradition. On travaille dans le classique, tout en faisant en sorte d’améliorer la qualité des produits. Si aujourd’hui, les procédés peuvent paraître simples, à l’époque de mon père et de mon grand-père, c’était bien différents".
A chaque génération, il y a eu des évolutions
Delphine Jubin, la sœur du chocolatier, Hugues, dirige la boutique. Comme son frère, elle confirme, " Il n’y a rien à faire, la chocolaterie, on y revient, et on fait évolué les choses. A chaque étape de l’histoire familiale, on a revisité la gamme. Aujourd’hui, on travaille d’avantage sur les différentes origines de cacao, et les chocolats sont plus petits. Le laboratoire de notre père était devenu trop petit, et il fallait évoluer avec les normes sanitaires, alors Hugues a ouvert un nouveau laboratoire, avenue Jean Jaurès". Il y a dix ans, en effet, Hugues Jubin a ouvert une nouvelle structure. "L’ancien était trop exigu pour développer notre gamme, et c’était au moment des travaux du tramway, qui ont duré longtemps", ajoute-t-il. Son laboratoire possède une grande vitrine, et l’on peut ainsi le voir faire ses chocolats depuis la rue. "C’est une image très forte pour la maison", explique-t-il. "Nous avons deux spécialités à la liqueur : le bouchon de champagne que mon grand-père a commencé à fabriquer en 1951, et la bulle au marc de champagne, lancée par mon père en 1987. Ce sont des produits très complexes à réaliser. Pour ma part, depuis dix ans, je fais des macarons. Cette petite pâtisserie, une nouveauté pour la maison, est devenue très importante. Et puis, on a affiné la gamme de nos chocolats. J’aime beaucoup une ganache noire, à base d’une fève de cacao du Venezuela, pure et qui a du caractère. Mais j’utilise au moins 12 chocolats différents".
"On sait ce qu'on va faire pour Noël 2021".
Comme la haute-couture
Chaque année, la maison Jubin transforme trois à quatre tonnes de chocolats. Comme Hugues Jubin se fournit chez des petits producteurs, malgré la pandémie, il n’a pas eu à faire face à des difficultés d’approvisionnement. Toutefois, au moment des fêtes, il y a eu une rupture de stock sur certaines lignes."Pour nous, la prochaine étape, c’est la Saint Valentin, et on prépare déjà Pâques. En fait, pour les grandes fêtes, il y a un an de préparation. Pour Noël 2021, il nous a fallu 13 mois de réflexion. Maintenant, on sait ce qu’on va faire. Tout est cadré". Comme les grands couturiers, les chocolatiers, en effet, doivent anticiper, et tester les pièces, parfois spectaculaires, sorties de leur imagination. Apprenti compris, la chocolaterie emploie sept personnes, mais à Pâques et à Noël, l’effectif passe à neuf salariés. Il n’est pas question de faire la moindre erreur pendant les fêtes, notamment lorsqu’on sait que la période de Noël permet, à la Petite Friande, de réaliser 32% du chiffre d’affaires.
"Neuf personnes sur dix aiment le chocolat. La dixième ment".
Bientôt 190 ans d’existence
Charles, le fils d’Hugues Jubin est déjà au côté de son père, au laboratoire. Inutile de lui demander si son métier lui plaît. Dès l’âge de cinq ans, il demandait à faire des chocolats. La relève est donc prête, et c’est une grande fierté pour Hugues Jubin de continuer à faire vivre la passion familiale. "Etre encore là, au bout de pratiquement 190 ans, ça me rend heureux", dit-il. "On s’est toujours adapté, en douceur. J’y tiens beaucoup. Cela a été mon travail, depuis 30 ans. Je souhaiterais que ceux qui nous ont précédé, soient surpris et comprennent ce que nous faisons". Ce qui est certain, c’est que l’attrait pour le chocolat ne faiblit pas. Depuis son introduction, en France, au 17ème siècle, sa consommation n’a cessé d’augmenter. Les gourmands en savourent quelque sept kilos, par an et par personne. Loin du temps où les Mayas et les Aztèques se servaient des fèves de cacao comme monnaie d’échange, le chocolat ravit les plus fins palais, de quoi promettre encore un bel avenir à la dynastie marnaise des Jubin.