TÉMOIGNAGES : "Ce n’est qu’une mauvaise passe j’espère", à Reims, les nouveaux chômeurs entre doute et espoir

Touchées par la crise liée au Covid-19, de plus en plus de personnes frappent à la porte de Pôle emploi. Qu’ils soient nouveaux chômeurs ou de longue date, tous guettent et espèrent la reprise de l’activité économique. Reportage à l’entrée d’une agence Pôle emploi, à Reims.

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Ce vendredi matin, au-dessus de l’agence Pôle emploi de la Neuvillette, le ciel est entièrement dégagé. Pourtant, l’horizon de ceux qui y passent la porte semble bien ombragé, encore plus maintenant que la crise frappe. « C’est la galère », lâche l’un d’eux à la sortie de son rendez-vous. Qu’ils soient nouveaux demandeurs d’emploi, comme Léa et Maria, ou chômeurs de longue durée, comme Cyril ou Ahmed, leur avenir s’inscrit en pointillé…

"Être au chômage, ça me fait tout bizarre"

Jamais elle n’a cru y mettre les pieds un jour, dans cette agence Pôle emploi. Léa, 22 ans, avait tout fait pour éviter ça. Diplômée d’un CAP bar- brasserie-café, à Poitiers, cette ancienne serveuse a commencé à travailler à l’âge de 15 ans, en apprentissage. « J’ai trimé, assure-t-elle. Mais j’adorais mon métier. » Sauf que le second confinement a eu raison de son job. Après cinq mois de CDD au Buffalo Grill, elle n’a pas échappé à la réduction de postes. Aujourd’hui, la voilà avec un dossier de demande d’allocation chômage entre les mains. « Ça me fait tout bizarre », confie-t-elle.

Ceux qui vont passer cette crise, ce sont ceux qui vont en vouloir, ceux qui auront des capacités d’adaptation.

Cyril, 38 ans, chômeur depuis un an.

D’autres sont chômeurs de plus longue date, comme Cyril. Cela fait un an que cet ancien chauffeur livreur ne travaille plus. Et ces derniers temps, il ne consulte même plus les offres d’emplois. L’homme de 38 ans se dit bloqué par les entretiens d’embauche à distance, généralisés du fait des obligations sanitaires. « Tout se passe par internet, déplore-t-il. Il faut avoir Skype, une webcam… C’est le même topo avec toutes les entreprises. » Et d’ajouter : « J’ai besoin de ressentir la personne, de voir son regard, pour savoir si ce n’est pas un faux-jeton. »

Cyril s’accroche à l’espoir du vaccin pour entrevoir une embellie du marché du travail. Pour l’instant, il vit avec l’allocation de solidarité spécifique (ASS), soit 506,70 euros par mois versés par Pôle emploi, dans l’attente de jours meilleurs. « Quand ça va repartir, il faudra être prêt, dit-il. Ceux qui vont passer cette crise, ce sont ceux qui vont en vouloir, ceux qui auront des capacités d’adaptation. »

Il est d’autres demandeurs d’emploi qui guettent la reprise de l’activité. Ahmed, père de famille de 45 ans, en est un. Avant la crise sanitaire et le premier confinement, en mars dernier, il trimballait sa forte carrure à travers les chantiers. « Je travaillais huit mois sur l’année habituellement, précise-t-il. Alors que depuis le mois d’avril 2020 je n’ai bossé que trois mois. » Un gros trou dans le revenu et des incertitudes pour les prochains mois : « Les patrons sont dans le doute, nous aussi on est dans le doute. »

Pouvoir d’achat en berne

Ce matin, Léa, l’ancienne serveuse du Buffalo Grill, porte une veste en cuir noire et un sac à main rouge, rappelant la couleur de sa teinture de cheveux. Ordinairement, dit-elle, elle « adore » faire du shopping. Or, depuis qu’elle a perdu son job, elle ne se permet plus ce genre de dépense. Privée de revenu, elle n’ira pas non plus voir sa famille pendant les fêtes. « Ils habitent à Poitiers, je n’ai pas le permis, et je n’ai pas 140 euros de train à mettre en l'air, dit-elle. Même si mes frères et sœurs me manquent… » Sans aide financière de ses parents, « dans une situation un peu compliqués eux aussi », c’est son colocataire qui partage son frigo. « Heureusement qu’il est là », concède la jeune fille.

C’est la première fois que je me retrouve au chômage, j’ai envie de pleurer.

Maria, mère de famille, âgée de 54 ans

Finalement, après son rendez-vous, Léa a appris qu’elle ne pouvait prétendre aux allocations chômage. « Je n’ai pas travaillé assez longtemps, et avant d’arriver au Buffalo Grill, j’ai démissionné de mon ancien travail, explique-elle. Je suis un peu dans la panade maintenant. » Elle lève les épaules et lance : « Ce n’est qu’une mauvaise passe j’espère. »

Prime de Noël

Le chômage, fléau aggravé par cette pandémie soudaine, fragilise des profils déjà précaires. Maria, d’origine guyanaise, est arrivée en France il y a sept ans. « C’est la première fois que je me retrouve au chômage, souffle cette mère de quatre enfants. J’ai envie de pleurer. »

Cette femme de 54 ans suit actuellement une formation Pôle emploi de chef d’équipe d’agents de nettoyage, un métier qu’elle a longtemps exercé. Mais avec la fermeture des hôtels, et autres, les places se sont faites rares. Après quelques jours de travail au mois d’octobre et novembre, « c’est la misère le mois de décembre. » Envisager les fêtes de fin d’année dans cette situation accable Maria de chagrin, qui ne peut retenir ses larmes.

Devant ce Pôle emploi de la Neuvillette, craintes, doutes et espoirs s’entremêlent. « Tout au long de la vie, ce qui nous passe entre les mains est un défi », philosophe Cyril. Au cœur de cet horizon bien sombre, il retient une bonne nouvelle : la prime de Noël de 150 euros que devrait lui verser Pôle emploi d’ici quelques jours.

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