TEMOIGNAGE : Commerçant face à la crise, Nicolas, et ses jeux de société, "c'est un cauchemar, c'est clair"

Nicolas Baussart, 40 ans, a repris l'Odyssée des Jeux à Reims avec Anne-Sophie Brochet, 32 ans, en 2018. Le confinement les frappe de plein fouet. Nicolas fait face, avec le drive, mais le lien avec les clients lui manque. Une année de cauchemar. 

Nicolas Baussart est un sportif de 42 ans, dont l'âme d'enfant est restée intact. Il faut bien ces deux qualités pour un commerçant en 2020. Ce joueur qui sait transmettre sa passion a repris l'Odyssée des Jeux à Reims en décembre 2018. Un magasin spécialisé en jeux de société. Il ne savait pas qu'une autre odyssée, celle d'une année catastrophique à traverser, allait se jouer pour lui deux ans plus tard.

"Notre cas est particulier, commence Nicolas. Dans le sens où on a gardé notre métier à côté. D'accord, on a fermé, mais nous (avec Anne-Sophie Brochet qui travaille avec lui), on sait qu'on va avoir un salaire à la fin du mois, ce qu'on espère, c'est pouvoir payer les loyers, les commandes, qui avait déjà été faites. Mais le stock généralement il est déjà presque payé puisque on règle chaque mois, régulièrement, donc on a moins de stress qu'un commerce classique vu qu'on a notre boulot à côté. 

Mais pour le deuxième confinement, le stress a été un peu plus haut, puisque novembre décembre, pour un commerce comme nous, c'est là où on engrange de la trésorerie pour les mois faibles de janvier à août. Donc si de janvier à août 2021, on a des mois faibles, on n'aura pas cette trésorerie qui nous permettra de pouvoir survivre comme il faut. Fort heureusement, j'ai encore mon métier jusqu'en octobre l'année prochaine, normalement. Je suis éducateur sportif, maître nageur, donc je suis passé à 50% cette année, j'étais à 60% depuis deux ans, donc, ça fait toujours un salaire. On a de quoi manger et payer notre loyer. 
 




Comment vous vous en sortez pour conserver quand même le lien commercial avec la clientèle ? 

Les réseaux sociaux, Facebook, Instagram, mais surtout Facebook sont vraiment super importants. Là, on est obligé de s'adapter. On est dans un réseau qui s'appelle les boutiques ludiques, c'est une association, c'est comme une famille en fait, c'est grâce à ça que nous on a pu se développer aussi bien, parce qu'on a eu des conseils de gens supers gentils. Qui ont 15 ans d'expérience voire plus. Et donc beaucoup dans ce réseau commencent à se dire, il faut que je m'adapte, mais à long terme. Nous on veut s'adapter mais pas à long terme parce que je ne veux pas vendre par internet.
 

Moi, ce qui me plaît, c'est de vous avoir en face, de vous expliquer et de vous écouter. D'essayer de trouver le petit jeu qui va vous plaire en fonction de votre cas spécifique.

Nicolas Baussart, vendeur de jeux de société




Chaque client est un cas en particulier. Par internet, je n'aurais pas ce plaisir là, celui du conseil. Là, en ce moment (novembre 2020), on a doublé notre temps de travail à la boutique, et diminué par deux les rentrées financières. Parce qu'on fait du téléphone, du mail, du Messenger. On répond aux questions. Ça prend du temps. En plus, on prépare les commandes et après on accueille les gens en drive. Donc ça nous a doublé le temps, pour finalement pas de plaisir, parce que le plaisir c'est d'échanger avec vous. Si à terme, on était obligé de ne vivre qu'avec ça, on ferme, où on repart sur un autre métier, ce n'est pas ce qu'on veut. 
 


Est-ce que les jeux de société avec le confinement, c'est une niche ? Un secteur qui est porteur ? 

C'est un secteur qui pourrait l'être encore plus si on arrêtait de vouloir vendre à des gens des télés cathodiques alors qu'il existe des télés 16/9e écran plat super 4K. Nous on a encore trop de personnes qui pensent que le Monopoly, c'est l'essence même du jeu. Sauf que quand vous jouez au Monopoly, vous n'avez pas envie de le ressortir avant un an. Quand vous allez venir nous voir, qu'on va essayer de vous conseiller un jeu, la semaine d'après, vous avez envie de le ressortir. Et après vous avez envie de venir en chercher un autre ensuite. 

Donc tant qu'il y aura une grosse partie de la population qui pensera que Monopoly est le seul jeu de société. Et qu'il n'y en a pas d'autre, ça stagnera. Alors qu'il y a des très bons jeux et qu'on peut prendre du plaisir chez soi sans regarder la télé, sans être sur les ordinateurs, les consoles, oui, il y a quelque chose à faire. 
 


Quels sont les jeux qui fonctionnent en ce moment, pendant le temps de confinement, où on est un peu seul le week-end ? 

Vous avez des jeux qui peuvent être solitaire ou à deux. On a de très bons jeux qui se jouent bien à deux comme les aventuriers du rail qui sont un peu plus longs. Cela va du jeu qui dure 2 minutes 30 comme Magic rabbit, vous en faites 4 ou 5 d'affilée. Pas plus longtemps parce qu'après faut préparer à manger, il y a quand même des tâches à faire. En 1/4 d'heure, on a fait cinq parties. Donc après si vous avez plus de temps le week-end, vous avez Azul (dans Azul, vous incarnez un artisan au 16ème siècle chargé de décorer le Palais Royal de Evora, demeure somptueuse du Roi du Portugal, ndlr) qui va durer une demi-heure ou 3/4 d'heure.


Est-ce qu'on peut dire que 2020 c'est une année de cauchemar pour vous comme commerçants ? 

Clairement, nous, on a calculé plein de choses par rapport à notre domaine des jeux de société, on s'est renseigné sur le secteur. On a pris du recul. On est des passionnés, mais ce n'est pas la passion qui fait vivre, c'est se mettre à la place de celui qui va rentrer dans la boutique. Et donc là c'est un cauchemar parce que ce n'était pas calculable, c'était pas prévisible. Qu'est-ce que ça va devenir pour plus tard?  On avait anticipé un peu le deuxième confinement, on avait préparé de la trésorerie pour pouvoir vivre un peu mieux. Mais on n'a pas prévu pour six mois. On n'a pas prévu pour un an. Juste quelques quelques semaines, quelques mois max. Donc, oui c'est du stress pour l'avenir, c'est un cauchemar, c'est clair. 
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