Marie et Henri Carlier, respectivement 62 et 63 ans, ont décidé de vivre leurs rêves et de partir faire un tour de France en roulotte, tirée par leurs deux chevaux Rodéo et Tintin. Pas d'objectif, pas de planning, un voyage au goût inestimable de liberté.
"Quel jour sommes-nous ? Vendredi ? Non, jeudi ? Je suis désolée, j'ai complètement perdu la notion du temps..." Un sourire dans la voix, Marie Carlier ne sait plus du tout quel jour on est : ce luxe infini des gens qui ont le temps de prendre le temps. Et c'était bien l'objectif de ce voyage un peu fou que Marie et son mari Henri ont commencé ce 24 juin dernier. Un départ sur les routes de Champagne puis de l'Aisne, sans objectif kilométrique, sans date de retour non plus, un saut dans l'inconnu avec une roulotte, deux chevaux et une chienne.
"Il y a quelques années, raconte cette retraitée de 62 ans, nous avons fait le point sur nos envies avec mon mari, en prévision de la retraite qui arrivait. Et comme il a toujours été passionné de chevaux, il m'a dit : 'Si on partait en roulotte, une quinzaine de jours, ou un mois ?' Je lui ai répondu : 'Et pourquoi pas plus longtemps ?" Et voilà, quelques années plus tard, les deux tourtereaux d'Aÿ-Champagne, dans la Marne, parents de trois enfants et grands-parents de trois petits-enfants se sont donc lancés dans l'aventure.
Une (re)demande en mariage sur la plage
L'objectif : un tour de France "au pas de sénateur", celui des chevaux, Tintin et Rodéo précisément, qui tirent cette roulotte "d'à peu près 1 tonne 9". Marie observe : Le temps et la distance sont des données purement facultatives". L'espace aussi : huit mètre carré pour un périple qui pourrait durer plusieurs années, une petite roulotte pour abriter un amour qui dure depuis toujours. "J'ai la chance d'être mariée depuis 39 ans. Et pour tout vous dire, on recommencerait vraiment tout pareil. On s'aime très fort. Rien n'est jamais acquis, c'est sûr, mais le fait d'être ensemble, de tout partager fait que rien n'a changé aujourd'hui", raconte la jeune retraitée. Et rien n'a tellement changé qu'Henri, au début de leur voyage, il y a presqu'un mois, a reposé le genou à terre. "Il m'a redemandé en mariage, lors de notre première halte sur la plage de Bisseuil", dans la Marne, raconte celle qui est désormais à-nouveau fiancée.
Une roulotte aux petits oignons
C'est donc un nid d'amour que Marie et Henri Carlier ont conçu pendant plusieurs années. Cette roulotte, ils l'ont achetée à celui qui l'a fabriquée de ces mains, quelque part dans la Somme. "Elle était couverte de poussière, rangée au fond d'un hangar, entre de vieux pneus et des outils, se souvient Marie. Il n'y avait d'elle que la charpente, c'était une coquille vide". Alors Henri et Marie, qui ont travaillé toute leur vie dans une menuiserie, commencent à l'aménager, pour un confort optimal.
Il y a un grand lit, un petit frigo, un évier, des plaques avec du gaz, une douche-toilette ou des toilette-douche et puis une table, deux chaises "que l'on peut sortir dehors à notre guise". L'hiver ? "Et bien, on a une grosse couette, et puis vous savez, huit mètres carré, ce n'est pas bien difficile à chauffer". Non, le plus dur, l'hiver, ce sera peut-être de trouver de quoi manger pour les chevaux "parce que ce sont eux, les vrais héros de cette histoire".
Deux chevaux et une chienne nommée Réglisse
Tintin et Rodéo, donc, deux chevaux de trait, des cobs de Normandie. Deux frères, de la même mère et du même père, qui ne se sont pas quittés depuis l'enfance. Ils ont aujourd'hui 16 et 18 ans et ils ont du métier ; c'est d'ailleurs pour cela que Marie et Henri les ont choisis, eux qui débutent tout juste leur nouvelle carrière de meneurs : "Ils nous sauvent la mise, quand on fait de petites erreurs", sourit Marie.
Et chacun a son petit caractère. Rodéo, contrairement à ce qu'indique son nom, c'est plutôt "la force tranquille", alors que Tintin sera plus à l'affût de ce qui se passe autour. Une poubelle un peu intriguante et hop, la roulotte fera un petit écart. Rien de bien grave, l'essentiel étant de préserver l'harmonie qui règne entre les chevaux, les deux tourtereaux et la chienne, Réglisse. D'ailleurs, les itinéraires sont aussi choisis en fonction du dénivelé à parcourir, pour que les deux frères ne se blessent pas ou ne se fatiguent pas trop.
Des rencontres comme autant de cerises sur le gâteau
Le rythme du voyage se fait donc au rythme des bêtes et des envies de Marie et Henri Carlier, mais au rythme des rencontres aussi, qui leur ont "redonné foi dans le genre humain". Partout où ils sont passés avec leur attelage en forme de rêve, des rencontres magiques se sont produites, comme ce conteur de poèmes qui est monté à bord le temps d'un partage de rimes, ou cette nounou avec tous ces jeunes enfants émerveillés de caresser les chevaux ou de rentrer dans une cabane qu'ils aimeraient tellement habiter pour toujours.
A Guignicourt, j'ai fait monter deux dames dans la roulotte, et je leur ai fait visiter. J'ai vu les papillons et la lumière dans leurs yeux, et ça, ça veut dire que notre projet transmet du bonheur et du bien-être aux gens. C'est ce que l'on veut et c'est comme cela que ça se passe.
Marie Carlier, roulottière
Avides de rencontre, de joie et d'amitié, Marie et Henri vont donc poursuivre leur voyage, qu'ils racontent sur leur site internet, "Les Cent ciels". Parfois leurs enfants, leurs petits-enfants feront un bout de trajet avec eux. Seront-ils sur les routes, dans leur roulotte, pour toute la vie ? Non, la famille leur manquerait trop et ils ont plein d'autres projets, encore, à imaginer et à vivre. A commencer par le renouvellement de leurs voeux. Alors quand ils rentreront à Aÿ-Champagne, les amoureux se remarieront. "Il faudra que vous veniez, d'ailleurs, pour notre mariage !" L'invitation est lancée, Marie, on sera là. En attendant, bon vent, et bon voyage !