Un colloque autour des violences intrafamiliales s'est tenu à la cour d'appel de Reims (Marne), jeudi 23 janvier. Les acteurs de la justice et du psychosocial se sont penchés sur le "contrôle coercitif", un agissement qui pourrait être à l'avenir clairement sanctionné par la loi.
Affaire dite des viols de Mazan, procès de la mère d'Amandine, jugée en ce mois de janvier 2025 pour avoir laissé mourir de faim sa fille adolescente... En la laissant seule dans une cave, privée de nourriture et filmée en permanence. Ces derniers mois, les cas de violences au sein du foyer familial ont fait la une des médias.
Ce fléau se retrouve donc logiquement au cœur des préoccupations du monde judiciaire qui a organisé ce jeudi 23 janvier un colloque sur ce thème à la cour d'appel de Reims (Marne). Magistrats, avocats, psychologues et éducateurs ont échangé à propos des violences intrafamiliales et plus particulièrement sur l'une de ses formes : le "contrôle coercitif".
Prise de contrôle de la victime
Notion apparue dans les années 1970, le contrôle coercitif a été conceptualisé en 2007 par le sociologue américain Evan Stark. Il s'agit d'un schéma de contrôle de l’auteur sur la victime qui va devenir assujettie à ce dernier. Par exemple, un mari qui trouve que sa femme est habillée trop sexy et qui décide de ses tenues ; une femme qui doit dire où elle est et ce qu’elle fait en permanence ou bien qui n’a pas accès à son compte en banque. Des contraintes imposées par un conjoint dans la vie quotidienne, que l'on retrouverait dans 9 féminicides sur 10.
"Cela devient une violence parce que c'est imposé par l'auteur de la stratégie globale pour assujettir la victime, la victime vit dans un état de peur, il s'agit d'une atteinte aux droits et libertés fondamentaux", estime Dominique Laurens, la procureure générale près la cour d'appel de Reims. "Cette notion de contrôle peut aussi s'appliquer sur les enfants, sur une personne âgée... tout ce qui se passe au sein d'un foyer."
Donner des contours nets au contrôle coercitif
Bertrand Duez, président de chambre à la cour d'appel de Reims
Les débats se sont concentrés sur la perspective d'une inscription claire du "contrôle coercitif" dans le code pénal français. Et de suivre ainsi l'exemple en Europe de l'Angleterre, de l'Ecosse ou du Pays de Galles qui ont décidé de le reconnaître comme un acte criminel.
"Le fait d'inscrire le contrôle coercitif dans la loi sacralise cette notion et lui donne un cadre, explique Bertrand Duez, président de chambre à la cour d'appel de Reims. L'objectif est de clarifier cette notion avec des contours nets et d'éviter les interprétations. Car souvent aujourd'hui, l'avocat de la victime plaide une thèse, l'avocat de l'auteur présumé une autre thèse... Si la loi donne une définition fixe, un juge trouvera une motivation suffisante pour écarter un conjoint violent par exemple."
"Ce qui est nouveau, c'est le fait de lier ensemble des actes qui actuellement sont traités et sanctionnés isolément, précise Yvonne Muller, professeure de droit pénal à l'Université de Paris-Nanterre. Par exemple, "monsieur ouvre et détruit le courrier de madame", après tout ce n'est peut-être pas si grave, mais si vous reliez cela au fait qu'il la menace, qu'il lui a donné une gifle, qu'il la surveille quand elle va au travail, vous voyez bien que se dessine un schéma."
La balle est désormais dans le camp des législateurs. La commission des lois de l'Assemblée nationale a justement examiné mercredi 22 janvier une proposition de loi d'Aurore Bergé pour "renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants". En raison d'une rédaction insatisfaisante, elle a pour le moment supprimé l'article qui inscrivait la définition du "contrôle coercitif" dans le code pénal. Le texte doit être retravaillé en vue de son examen dans l'hémicycle prévu la semaine prochaine.