Créé en 1971, l'orphelinat la Pépinière est devenu, au fil des années, une maison d'enfants à caractère social. Elle accueille aujourd'hui une centaine de jeunes de 6 à 21 ans dans la Marne et sur 4 sites. Des enfants en danger qu'il faut protéger.
"C'est comme faire fonctionner une grande famille que l'on doit faire évoluer avec la société". Florence Omari est la chef de cette famille un peu particulière. Elle est à la tête de La Pépinière à Sainte-Ménéhould (Marne), un établissement régi par une association loi 1901, qui depuis 50 ans, accueille des enfants en danger. "90 % des enfants sont placés dans le cadre d'une mesure judiciaire. Dans l'intérêt de l'enfant, on le sort de sa famille, explique la directrice. Nous sommes habilités par le département de la Marne à les accueillir, département qui nous verse des subventions pour le fonctionnement".
1971-2021 : une évolution permanente
Lors de sa création le 16 juillet 1971, la Pépinière a pour vocation à accueillir des jeunes filles orphelines. Puis au gré de l'évolution des textes de loi, la structure évolue. "Le 5 juillet 1974, la majorité est passée de 21 à 18 ans, précise Florence Omari. Le réflexe a été la continuité de la prise en charge des ces jeunes devenus majeurs". En 1976, la Pépinière crée des appartements éducatifs pour justement accompagner ces enfants vers l'autonomie.
Nous devons accompagner les parents, les accompagner dans leur parentalité, ne pas les mettre de côté, les responsabiliser et ne pas juste les critiquer.
Florence Omari, directrice de la maison d'accueil à caractère social, La Pépinière.
D'un "foyer internat", la Pépinière se structure et devient un établissement accueillant à la fois des internes, mais aussi, à partir de 2003, des enfants en accueil de jour. "Nous sommes habilités pour 35 places à l'internat et nous accueillons des jeunes de 6 à 21 ans. Le service éducatif en semi internat (accueil de jour) est réservé à la tranche d'âge 7-18 ans, reprend la directrice. Il a permis de répondre à une aide plus spécifique où le placement des enfants n'était pas nécessaire. Depuis 50 ans, nous nous sommes adaptés à la société et nous avons répondu aux besoins des enfants".
En 2008, autre étape : garder les enfants le plus possible au sein de leurs familles. "Les enfants accompagnés grâce au service d'accompagnement à domicile le sont à 70% par des décisions judiciaires. Pour ce service nous avons 54 places réparties sur les sites de Sainte-Menehould, Châlons-en-Champagne, Vitry-le-François et Sézanne, explique encore Florence Omari. Nous avons toujours des enfants en danger, mais nous les laissons en famille. Il a fallu répondre à ce nouveau dispositif, précise la directrice de La Pépinière. Nous devons accompagner les parents, les accompagner dans leur parentalité, ne pas les mettre de côté, les responsabiliser et ne pas juste les critiquer. C'est un véritable changement de regard dans le social".
Pour les faire grandir, nous devons poser un cadre droit, juste et les aimer.
Florence Omari, directrice de la Pépinière
Une équipe engagée et de véritables vocations
Une centaine d'enfants est aujourd'hui accueillie sur les quatre sites de La Pépinière. L'internat s'est ouvert à la mixité en 2014 "répondant ainsi aux besoins du département et depuis cette année nous accueillons aussi les enfants à partir de 6 ans, reprend Florence Omari. Nous le faisions déjà dans le cadre des fratries que nous ne séparions pas".
55 salariés travaillent dans la structure et son bon fonctionnement est l'œuvre de chacun. "Nous avons une équipe pluridisciplinaire, infirmières, psychologues, lingère, éducateurs spécialisés, cuisiniers, chauffeurs, femmes de ménage. Leur engagement, leur accompagnement pointu permettent de porter ces enfants, explique avec force Florence Omari. Pour les faire grandir, nous devons poser un cadre droit, juste et les aimer. Il faut vraiment avoir une fibre spécifique. C'est une vocation. Depuis la loi de 2002, les enfants ont été remis au cœur du dispositif. Il faut les aider à construire un parcours et ne pas rompre avec la famille".
Un enfant : un parcours spécifique
Récemment deux jeunes filles ont quitté la structure et l'internat. "Elles sont rentrées à la maison avec la larme à l'œil, explique Florence Omari. L'une d'entre elle était là depuis quatre ans. Elle était contente de rentrer et a organisé un petit pot de départ. C'est une belle récompense pour tous les éducateurs qui ont travaillé avec elle". D'autres orientations sont aussi proposée. "Nous avons une jeune fille qui est partie à Reims, reprend la directrice. Elle a quitté notre service pour entrer dans la formation professionnelle qui lui plaisait. Sa sœur est toujours avec nous. Dans l'intérêt de sa scolarité, nous avons adapté le projet d'accompagnement. Un jeune garçon a réussi son CAP cuisine et sa patronne est super contente de son travail. Mais il a du mal à se projeter en dehors de l'internat et refuse d'être seul en appartement éducatif. Nous allons lui proposer une première étape de logement collectif pour qu'il puisse ensuite prendre son indépendance".
Après 50 ans d'exercice au service des enfants en danger, La Pépinière continue sa mission d'utilité publique. "Suite au Covid, nous sommes débordés face à la demande d'accueil. Le confinement, les écoles fermées ont entrainé énormément de signalements. Il y a même des parents qui venaient déposer leurs enfants. Nous avons eu un déferlement de demandes d'admission", précise encore Florence Omari. Début novembre, la direction de l'établissement a donc réalisé un projet d'extension. L'objectif est de répondre aux besoins d'accueil grandissant et de développer d'autres services.
"Beaucoup pensent que c'est comme une prison, mais non. Ca te sert à avancer dans la vie.
Jonathan, ancien bénéficiaire de La Pépinière
50 ans et des centaines de parcours, de construction, mais aussi de difficultés. "Chaque enfant est singulier", dit encore Florence Omari. Et leurs témoignages des années après sont forts et importants pour l'avenir de ceux qui sont dans la structure aujourd'hui.
Marie-Paule, 45 ans, est arrivée à l'âge de 12 ans à la Pépinière. "Nous avions des ateliers couture, nous apprenions la cuisine, se souvient-elle. On rangeait nos chambres avant de sortir pour avoir de l'argent de poche. Ça m'a beaucoup appris dans ma vie". L'émotion est palpable dans la voix de cette ancienne interne de La Pépinière. "A 20 ans, je suis partie travailler ailleurs mais je suis revenue. Il y avait une place, j'ai fait un mois d'essai et maintenant je travaille à la Pépinière et je suis fière de moi".
Difficile d'accepter d'y entrer et compliquer de s'envoler ailleurs. Jonathan, 27 ans a passé 6 ans à La Pépinière et a bénéficié du service de jour. "Beaucoup pensent que c'est comme une prison, mais non, dit-il avec force. Ça te sert à avancer dans la vie. Je les remercierai tout le temps car je suis fier de moi et tout ceux qui me connaissent sont fiers de moi. J'a appris le respect avant tout envers les autres, à travailler à l'école et c'est pour cela que j'ai voulu y aller. Aujourd'hui, je suis peintre, j'ai un métier, j'ai une maison. J'ai réussi ma vie".