Ségur de la santé : "depuis 2009, nos salaires ont augmenté de 1,2%, l'urgence c'est la revalorisation salariale"

Le plan "Ségur de la santé" veut mettre tout le système de santé à plat. L'urgence, pour les syndicats de soignants, c'est la revalorisation salariale. Ils réclament 300 euros par mois et par agent pour sauver l'hôpital public. La réduction de lits au CHU de Reims pourrait être revue. 
 

Le Premier ministre a annoncé "une reconnaissance pour nos soignants". Il y a eu la crise sanitaire et ces équipes de soignants aux avants-postes qui ont évité au système de santé publique d'exploser. Chaque soir à vingt heures, des milliers de personnes les ont applaudi. A peine passée la crise sanitaire, Edouard Philippe a lancé le plan "Ségur de la Santé", cinq semaines de discussions sur la réorganisation de la santé publique. Il a d'emblée annoncé une "reconnaissance significative pour nos soignants". Il sait que c'est un préalable incontournable à toute réforme.
 

L'urgence : augmenter les salaires

C'est la priorité pour les syndicats du monde hospitalier. Augmenter les salaires des personnels, tous corps de métiers confondus, infirmiers, aide-soignants, agents techniques. Les syndicats FO et CGT veulent obtenir une augmentation de 300 euros par mois. Ils portent cette revendication depuis des années, bien avant la crise du Covid-19, comme le souligne Cédric Renard, secrétaire général FO au CHU de Reims : "Depuis 2009, nos salaires ont augmenté de 1,2%. Cela fait 10 euros environ d'augmentation. Je suis buandier, donc personnel technique. Après 26 ans de maison, je gagne 1.580 euros par an. Nous demandons 300 euros d'augmentation pour tous".

Tous les salaires du personnel hospitalier sont à l'avenant. "Un infirmier ou une infirmière qui débute, gagne environ 1.500 euros net mensuels, un ou une aide-soignant 1.400 euros et les personnels techniques démarrent au SMIC", précise Cédric Renard. "Lorsqu'ils bossent la nuit, ils ont 10 euros, lorsqu'ils bossent le week-end, 40 euros", ajoute Valérie Rozalski, infirmière, secrétaire générale CGT au CHU de Reims. Sa collègue Sabine Duménil, aide-soignante à l'hôpital psychiatrique de Châlons-en-Champagne, renchérit: "Il faut revaloriser les salaires de tous les agents, pas seulement les infirmières. Il faut permettre des évolutions de carrière et augmenter le point d'indice."
 

Les démissions de collègues

Tous les syndicats le disent, c'est un métier de passion. Impossible de prendre ses risques physiques et psychologiques sans avoir l'envie d'aider les autres, de les soigner, chevillée au corps. Mais il faut de la reconnaissance, et cela passe par un salaire décent.
Les délégués s'inquiètent du nombre croissant d'agents qui démissionnent. Valérie Rozanski raconte : " Il y en a beaucoup qui décident de partir, après six ou sept ans. J'ai une collègue que j'ai retrouvée, elle était devenue caissière dans une grande surface. Elle m'a dit que les conditions de travail étaient meilleures qu'à l'hôpital".

Ces métiers n'attirent plus les jeunes. Les conditions de travail sont difficiles, ils sont mal rémunérés. Ce qui fait qu'il manque du personnel, ce que dénoncent les syndicats depuis des années. "Pendant la crise du Covid-19, la direction a dû faire appel à des étudiants et à des retraités pour pallier le manque d'effectifs, relate Cédric Renard. L'argent, c'est le nerf de la guerre."
 

Nous proposer une prime et une médaille, c'est du mépris !
- Sabine Dumenil, aide-soignante à l'hôpital psychiatrique de Châlons


Au plus fort de la crise, le Président de la République a salué ces héros du quotidien, leur a promis une amélioration de leur situation, puis une prime, une médaille. Mais cela ne suffit pas. Elle est versée ponctuellement et n'est pas prise en compte dans la retraite. Et surtout, elle ne sera pas la même pour tous: "Certains l'auront, d'autres non, précise la déléguée CGT de La Marne Sabine Dumenil, aide-soignante à l'hôpital psychiatrique de Châlons, Cette prime va nous diviser. C'est peut-être fait exprès. Il y a des critères, les départements les plus touchés, le temps passé à l'hôpital en présentiel. Or, les conditions de travail ont été très difficiles pour tout le monde. Et puis seule la fonction publique hospitalière est concernéee. Pas les cliniques privées. Ce n'est pas normal".
 

La crise a-t-elle sauvé des lits au CHU de Reims?


Autre sujet d'inquiétude pour les syndicats, l'avenir de l'hôpital public, et notamment du CHU de Reims. Les syndicats sont inquiets. Jusqu'à présent, les suppressions de lits annoncées pour permettre à l'hôpital de revenir à l'équilibre n'ont pas été évoquées. Aucune information n'a filtré. Auront-elles lieu ? Les syndicats se sont battus contre la fermeture de ces lits d'hospitalisation pendant des mois, sans résultat. "Avec la construction d'un nouvel hôpital, ils annoncaient la suppression de 120 lits. Avec la crise du Covid-19, on n'en a plus entendu parlé, constate le délégué FO, Mais ça ne veut pas dire que le projet est abandonné."

"Pour ce qui concerne la suppression des lits, j'ai posé la question en réunion, il y a trois semaines, indique Valérie Rozalski. La condition pour que le nouvel hôpital soit construit, c'était de supprimer 150 lits. Ça a été fait et ils ont été remplacés par de l'ambulatoire. Il serait question de supprimer encore cinquante à soixante lits. Ils font cela dans beaucoup d'hôpitaux. Cela permet de réduire les coûts. Il n'y a pas de personnel de nuit et en ambulatoire, pour de petites chirurgies, on peut faire passer trois personnes par jour. C'est plus rentable puisque l'hôpital est payé à l'acte."
 

La suppression des lits du CHU remise en cause

Arnaud Robinet, maire LR de Reims et président de la Fédération Hospitalière de France du Grand-Est se montre précis. 184 lits au total doivent être supprimés, soit 24 % des 766 lits d'hospitalisation. Dans une première phase, 100 lits ont déjà été supprimés, et dans la phase 2, il s'agirait de supprimer 84 lits.

L'élu de Reims considère qu'au vue de la crise sanitaire, il faut revoir les projets. Il s'oppose à ces fermetures de lits. "Je suis contre la diminution du nombre de lits au CHU de Reims et dans les autres hôpitaux de la région. On ne peut pas l'accepter. Tous les hôpitaux qui ont un projet de reconstruction ont dû prendre l'engagement de diminuer leur nombre de lits pour diminuer les coûts, pour un "retour à l'équilibre". Tous les politiques qui se sont succédés ont fait ce choix, et nous aussi. On a vu les problèmes que cela a pu poser pendant la crise sanitaire. On ne peut pas continuer dans cette logique."
 

Le grand enjeu du Plan "Ségur de la santé" est de réorganiser le système de santé publique en y incluant le public, le privé et la médecine de ville. Pour Arnaud Robinet, c'est l'organisation du système de santé dans son ensemble qu'il faut revoir: "La crise a montré à quel point des structures comme le CHU , la clinique de Courlancy et la médecine de ville sont complémentaires. Public et privé doivent travailler ensemble."

De leur côté, les syndicats soulignent qu'il faut prendre en compte les territoires. Comment développer de l'ambulatoire sur des territoires qui manquent de médecins? Comment se faire prendre en charge après une opération quand on habite dans un petit village de la Haute-Marne ou des Ardennes? Sabine Duménil s'offusque : "On a choisi de développer l'ambulatoire pour faire du chiffre en opérant les patients de plus en en plus rapidement. Cela a permis de supprimer des lits donc des effectifs. Mais l'ambulatoire ne correspond pas aux besoins de ceux qui habitent à la campagne." C'est une question de survie pour l'hôpital public, assène Valérie Rozanski: "Ça fait des années que l'on entend de beaux discours qui cachent la mise à mort de la fonction publique hospitalière. Il faut arrêter de faire mourir les petits hôpitaux, renoncer au paiement à l'acte et rendre service à la population sur tous les territoires."

Le Plan "Ségur pour la santé" prévoit cinq semaines de négociation. Il doit déboucher sur des propositions à la mi-juillet 2020. L'avenir de l'hôpital public est au coeur des discussions. Mais les syndicats restent mobilisés. Réunis en intersyndicale, neuf syndicats et collectifs de soignants appellent à manifester le 16 juin.
 
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