Sophie Legand, sapeur-pompier volontaire (SPV) de son état, a fait son entrée à la caserne en 2002. Elle raconte son parcours et son vécu dans une compagnie de pompiers, celle de la Marne, qui compte 20% de femmes dans ses effectifs.

Connaissez-vous le féminin de sapeur-pompier ? Au Québec, on parle parfois des pompières. Mais en France ? "Au féminin sapeuse-pompière, jugé peu euphonique, on préfère femme sapeur-pompier", précise le Larousse. Et pourtant, les femmes sont admises dans les rangs professionnels des pompiers depuis un décret du 25 octobre 1976. Il a fallu faire évoluer la législation quand Françoise Mabille, une Normande, est devenue la première femme pompier volontaire en 1974, après une autorisation de monsieur le maire, puis carrément du gouvernement.

Le service départemental d'incendie et de secours (Sdis) de la Marne a tenu à fêter le 47e anniversaire de ce texte, publié sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing (VGE) et le ministère (de l'Intérieur) de Michel Poniatowski. Un relais a été fait sur les réseaux sociaux du groupement.

L'objectif : inciter les femmes à rejoindre les sapeurs-pompiers volontaires (SPV). Dans la Marne, elles représentent 20% des effectifs (à voir dans la publication Facebook ci-dessous).

France 3 Champagne-Ardenne a contacté l'une d'elles. Elle s'appelle Sophie Legand et a 57 ans. Elle est pompier volontaire et part régulièrement en intervention. Elle est aussi salariée au QG du Sdis à Fagnières, où elle travaille aux relations publiques et à la communication.

Son grade actuel est celui de sergente-cheffe (avec des E partout). "On a féminisé les noms il y a à peu près cinq ans. Mais je ne suis pas particulièrement dérangée si l'on m'appelle sergent-chef. Ce qui arrive d'ailleurs la plupart du temps."

Devenir pompier volontaire

"Tout le monde peut être pompier. On ne demande pas de compétences particulières. Aucun niveau d'études n'est nécessaire." Des formations en interne, d'une durée de 23 jours étalables sur trois années, permettent d'apprendre tout ce qu'il faut savoir. Des compétences qui peuvent servir toute la vie, partout, tout le temps. "Secourir quelqu'un qui fait un arrêt cardiaque peut servir dans la vie de tous les jours, qu'on fasse ses courses ou participe à un repas de famille."

On ne demande pas de compétences particulières pour rentrer chez les pompiers.

Sophie Legand, sapeur-pompier volontaire

On ne rentre toutefois pas chez les pompiers comme dans un moulin. "Il y a une série de tests psychotechniques." Ils permettent, pendant une vingtaine de minutes, de vérifier la motricité, la coordination, la concentration, la capacité de raisonnement; par exemple. Et ne sont pas réputés pour être très compliqués, un peu comme ceux présentés aux jeunes passant leur Journée d'appel à la préparation de la défense (JAPD).

C'est la même chose pour les tests sportifs, renommés "parcours d'aisance". En fait, "il n'y a pas vraiment de sport, pour que ce soit accessible à tout le monde. Il y a plusieurs étapes : porter la tenue de feu et l'appareil respiratoire, passer sous une table, faire un message cardiaque. Des choses très accessibles et simples. C'est ce qu'on fait lors d'une intervention." Il n'y a "pas besoin d'être particulièrement fort ou musclé".

L'aspect physique n'est d'ailleurs pas si prépondérant, que l'on soit femme ou homme. "On travaille toujours en binôme [ou en trinôme]. On adapte la tâche à la morphologie de la personne, ou à ses compétences. Quelqu'un qui n'est pas à l'aise sur une échelle : on envoie quelqu'un d'autre. C'est fait intelligemment. Si une femme - ou un homme - a du mal à porter un sac, quelqu'un qui a moins de mal va le porter. Pareil pour porter une victime : on va équilibrer, les gens avec moins de force prendront les pieds, ceux avec plus de force seront au niveau des épaules."

Une visite médicale est également prévue. Elle est "prépondérante". Souffrir de certains maux est contre-indiqué : une maladie respiratoire grave serait par trop incompatible dans un milieu saturé de fumée (voir le gif ci-dessous).

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À noter que les pompiers ne passent pas leur vie dans les incendies, qui ne représentent "que 8% des interventions, tout comme le secours routier. Le secours aux personnes représente 80% des missions. Nous avons aussi le sauvetage d'animaux, et des opérations diverses, comme lors des inondations ou des tempêtes."

Les victimes savent se montrer très reconnaissantes. L'une d'elles, après l'incendie de sa maison à Sainte-Menehould, a un jour amené un véritable banquet à la caserne. Voilà un souvenir particulièrement chaleureux. Et l'un des murs de l'entrée est couvert de dessins et de petits mots de remerciements. Ils sont souvent remis lors du pot de l'amitié qui a lieu après chaque cérémonie du 11 novembre.

Besoin de bras dans les villages

Dans le département, on compte 37 centres d'incendie et de secours (CIS). Cinq sont dits "mixtes", dont deux à Reims : Reims-Marchandeau (quartier Croix-Rouge, pas loin du stade) et Reims-Witry (quartier Cernay, en face du McDonald's).

Il faut y ajouter Châlons-en-Champagne, Épernay, et Vitry-le-François. "Ils sont situés en milieu urbain, et on a la ressource humaine nécessaire pour intervenir." (voir la carte ci-dessous)

"Le souci réside en milieu rural. Le centre de Vanault-les-Dames, ou Saint-Rémy-en-Bouzemont. Ce sont des petits villages qui ont la chance d'avoir des centres de secours. Malheureusement, le personnel pompier, en journée, va souvent travailler à l'extérieur du village. On peut donc rencontrer des problèmes car il n'y a pas assez de pompiers disponibles. Plus on aura des pompiers du village travaillant dans le village, mieux ça ira. Mais c'est un peu compliqué..." Pour le bon respect des délais d'intervention des pompiers, mieux vaut vivre à moins de cinq minutes de la caserne.

Un milieu inclusif et ouvert

Sophie Legand a postulé un peu moins de 20 ans après l'ouverture du métier aux femmes. Les mentalités s'y étaient donc déjà faites. Elle avait 35 ans. "J'avais besoin de me sentir utile. J'étais dans le privé ; c'était un moment où, dans ma vie, je voulais vraiment faire quelque chose pour la population. Il se trouve que j'habitais à Vanault-les-Dames, pas loin de la caserne. Un dimanche matin, j'y ai frappé."

"Il y avait déjà eu des femmes avant moi. Les collègues masculins ont très bien réagi. Là où j'étais, je n'ai jamais rencontré de souci, on m'a bien intégrée." Pas de "réaction particulière" chez les victimes non plus. "Les gens ont mal ou sont dans la détresse", et c'est tout ce qui compte. Elle a toutefois pu observer que "certaines femmes victimes semblent plus à l'aise avec une femme pompier. C'est juste mon vécu. Mais il semble y avoir une petite tendance à plus se livrer. Certaines femmes plus âgées n'osent pas forcément soulever leur manche, leur haut pour voir s'il y a des plaies au niveau du dos ou du thorax après un accident. C'est plus aisé."

Côté famille, "mes parents, comme un peu tout le monde, étaient surpris de ma décision. Parce que ça m'a pris tout d'un coup : je n'en avais jamais parlé auparavant." Que Sophie soit une femme ne cassait pas trois pattes à un canard, "c'était plutôt la soudaineté de ma décision".

En 2019, les médias ont pas mal commenté l'annulation d'une sortie extra-véhiculaire de deux femmes astronautes hors de la Station spatiale internationale (cela aurait été la première sortie du genre uniquement féminine). La combinaison de l'une des deux astronautes, Anne McClain, était trop grande, faisant titrer au Parisien que l'exploration spatiale, domaine masculin par excellence, était une "galère" pour les femmes. Des précisions techniques utiles ont ensuite été apportées par Libération pour nuancer un peu ce postulat.

Qu'en est-il des tenues d'intervention des pompiers : ont-elles été tout de suite pensées pour les femmes après leur autorisation à intégrer les casernes ? Sophie Legand fait le distinguo. Elle se focalise d'abord sur la "tenue de travail, utilisée au quotidien, pour du secours aux personnes par exemple" (elle est bleu marine à liserés rouges, voir ci-dessus). Une tenue "maintenant adaptée à la morphologie des femmes, pour le pantalon et la veste. Ça fait deux ans. Avant, la question ne se posait pas vraiment. Je n'ai jamais trouvé de problème à m'habiller avec, mais maintenant qu'il y en a une pour les femmes, c'est celle que je porte."

Concernant la tenue d'intervention lors d'un incendie, des évolutions ont eu lieu. "L'appareil respiratoire et isolant, la bouteille d'air comprimé qu'on porte dans le dos : des progrès ont eu lieu en ce qui concerne le poids. Mais ils profitent à tout le monde. C'est passé de dix à cinq kilos."

Opération séduction

Sophie Legand est régulièrement amenée à se déplacer pour présenter le métier aux jeunes. Dans les derniers mois, elle a enchaîné "les forums des métiers, les forums étudiants, la Foire de Châlons, certaines brocantes dans les villages... On est partout." Les filles comme les garçons s'y présentent à égalité, idem pour les candidatures. "C'est assez égalitaire. On y arrive."

On fait de fréquentes campagnes de communication pour démystifier l'activité de pompier.

Sophie Legand, sapeur-pompier volontaire

Pour autant, moins de femmes que d'hommes osent postuler, malgré "de fréquentes campagnes de communication pour démystifier l'activité". La sergente-cheffe avance la possibilité que ce soit lié à la vie familiale, bien qu'il ne s'agisse que d'une hypothèse personnelle. "Quand je me suis engagée, j'avais deux enfants en bas âge et j'étais maman célibataire. Ça a été compliqué. Donc si on n'a pas de famille pour garder les enfants..." Pour autant, il y a moult mamans et papas célibataires chez les pompiers qui s'en sortent fort bien. "C'est évidemment possible, il faut juste s'organiser."

Ce qui n'empêche pas de faire naître des vocations. "J'ai une petite anecdote avec la Foire de Châlons. La maman d'une petite fille me dit qu'elle veut absolument être prise en photo avec moi [il s'agit de celle tout en haut de l'article, NDLR]. Elle avait cinq ans, mais elle voulait absolument que ce soit avec moi, alors qu'on était plusieurs sur le stand. J'ai trouvé ça trop mignon. On a une école de jeunes sapeurs-pompiers : les enfants peuvent y rentrer à 13 ans [les cours ont lieu hors temps scolaire, le mercredi ou samedi, NDLR]. Peut-être qu'on va la retrouver là-bas dans quelques années..."

France 3 Champagne-Ardenne avait déjà reçu le témoignage de Romane Rodrigues, jeune SPV de 17 ans seulement. Elle est justement allée à l'école des jeunes sapeurs-pompiers : de quoi avoir un autre regard sur le métier.

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