Gabrielle et Caroline, deux lycéennes de Saint-Paul à Charleville-Mézières (Ardennes), ont remporté, via le concours Science Factor, le prix Orange Numérique 2022 pour Handimoov, leur projet d'application destinée à la mobilité des personnes handicapées. Elles ont été reçues au ministère de la Transition numérique le mercredi 8 mars.
D'un lycée de Charleville-Mézières (Ardennes) au puissant ministère de l'Économie, abritant le ministère délégué à la transition numérique. Gabrielle et Caroline ont fait du chemin, depuis qu'elles ont remporté le prix Orange Numérique lors du concours Science Factor en 2022.
Le mercredi 8 mars 2023, elles ont été reçues à Bercy pour présenter Handimoov. Leur projet d'application consiste à proposer une application devant faciliter les déplacements du public handicapé, notamment en leur signalant des places de stationnement adapté.
La petite graine du projet a germé au lycée Saint-Paul, habitué des projets pour Science Factor, et devrait faire l'objet, à terme, d'une expérimentation dans les rues de Charleville-Mézières. Mais le projet a pris une envergure nationale, entre le soutien d'Orange et la réception au ministère : "c'est une grande surprise", confie Gabrielle Brunault, 16 ans, à France 3 Champagne-Ardenne (elle compte devenir vétérinaire, mais espère pouvoir continuer à mener son projet "le plus loin possible en parallèle").
"On ne pensait pas que notre projet prendrait autant d'ampleur. Tout ça, c'est grâce au concours Science Factor, auquel nous avons participé l'année dernière. C'est eux qui organisent l'évènement." (voir la vidéo de présentation du projet ci-dessous)
"On est très heureuses, car on va rencontrer plein de personnes très importantes dans le milieu du numérique et de l'entreprenariat." Un beau succès, trouvant son origine au sein d'une histoire de famille. "Quand j'étais en seconde, notre professeur de physique-chimie, monsieur [Fabrice] Thomas [référent du concours dans ce lycée; ndlr], nous a sollicités pour participer au concours."
Tout est parti du parking
"J'étais attirée par le milieu des sciences, dont j'ai voulu participer. J'ai formé un binôme avec Caroline. En réfléchissant à la thématique de notre innovation. Le handicap m'est venu comme une évidence. Ma petite soeur est polyhandicapée. Je vis avec elle au quotidien." Elle sait donc ce que c'est de ne pas trouver de place de stationnement pour personnes à mobilité réduite (PMR) lorsqu'il faut se rendre à un rendez-vous médical.
"Cela fait perdre beaucoup de temps. Alors qu'avec l'application Handimoov, en cinq minutes, on trouve la place de parking. J'ai commencé par vouloir recenser toutes les places de parking concernées. Puis je me suis rendu compte que ça concernait aussi tous les lieux du quotidien. Le projet a évolué au fur et à mesure des rencontres qu'on a faites."
Ainsi, la version actuellement développée de l'application doit mentionner également les accès dont disposent, le cas échant, les lieux de santé, les restaurants, les moyens de transport en commun. Même les offres d'emploi devraient être comptabilisées.
De Charleville-Mézières, l'application devrait s'étendre au département des Ardennes. Puis à la région Champagne-Ardenne. Et enfin la France, toute entière. Un travail de longue haleine. Gabrielle Brunault a acquis des compétences en programmation, en codage, et même en gestion des ressources humaines. "Avant, je ne m'y connaissais pas du tout."
Elle et sa binôme ont bénéficié d'un accompagnant issu du pôle innovation d'Orange, et d'un financement pour avoir accès à un logiciel de développement (utilisé depuis novembre 2022). Le travail sur l'application pourra être achevé d'ici l'été 2023, quand suffisamment de données auront été rentrées.
Une réception fructueuse
Après sa visite au ministère, France 3 a rappelé Gabrielle Brunault pour savoir comment ça s'était passé. À noter qu'elle comptait s'y rendre en train, mais grève oblige, ses grands-parents ont dû privilégier la voiture pour l'emmener. "On s'est donné rendez-vous dans un café avec la directrice du concours [Claudine Schmuck; ndlr], pendant une demi-heure, le temps que tout le monde arrive. Elle nous a expliqué comment tout allait se passer."
C'était vraiment une rencontre intergénérationnelle intéressante.
Gabrielle Brunault, co-fondatrice de l'application Handimoov
Direction ensuite Bercy. "On nous a dirigé dans une salle. On a rencontré des personnalités du numériques. La directrice générale adjointe d'Engie, un député, des fondateurs de grandes entreprises du numérique... Le directeur des écoles Epita, aussi. Il y avait plein d'intervenants. C'était vraiment une rencontre intergénérationnelle intéressante."
Des tables rondes avaient été dressées pour que toutes les personnes puissent prendre place, selon un plan prédéfini. "Le ministre est arrivé, s'est présenté lui-même et nous a présenté aux intervenants. Deux équipes lauréates de Science Factor ont présenté leur projet, avant qu'on nous propose de passer à table."
Si elle n'a pas pu présenter son projet devant tout le monde, Gabrielle Brunault a plutôt eu de la chance puisqu'elle s'est retrouvée attablée avec le ministre lui-même et Claudine Schmuck (sa binôme Caroline, elle, a déjeuné avec la responsable d'Engie). "Le ministre a été très intéressé par ce que j'ai dit, et la directrice de Science Factor a rajouté tous les détails dont je n'avais pas parlé."
"Il a voulu tester l'application sur son téléphone [via le QR code visible plus haut dans l'article; ndlr], il a posé plein de questions. Il était simple et proche de nous, nous a dit que c'était super et un beau premier projet." Elle lui a laissé un document avec ses coordonnées.
Au repas (puisque c'en était un), on retrouvait notamment une entrée à base de crabe et d'avocat, un plat principal avec du saumon, des pommes de terres fourrées aux champignons, et un rouleau de printemps. Sans oublier un entremets au chocolat glacé et le traditionnel café.
"Le ministre est ensuite passé à chaque table pour rencontrer chacune des équipes. Puis on est descendu au rez-de-chaussée pour faire des photos devant les drapeaux. Chaque équipe a pu discuter avec chaque intervenant présent. On avait déjà rencontré les équipes lors de la remise des prix pendant l'automne, tout le monde se connaît un peu et on s'entend très bien. On a tous des points communs malgré nos différences d'âge."
Gabrielle Brunault a particulièrement conversé avec le directeur d'Epita. "Il dirige une école d'ingénieurs, de codeurs. Notre projet peut l'intéresser, et son école peut nous intéresser aussi." Les discussions n'ont pas concerné que les différents projets, mais aussi le thème de la parité dans les domaines scientifiques et numériques, journée internationale des droits des femmes oblige.
La rencontré aura duré un peu plus de deux heures. Il n'a pas été possible de s'attarder, le ministre étant ensuite attendu à l'Assemblée nationale (les questions au gouvernement, dites QAG, ont lieu chaque mercredi). La lycéenne est donc retournée au café où attendaient ses grands-parents (le ministère y payait le déjeuner des accompagnantes et accompagnants), pour ensuite regagner ses terres d'Ardennes.
Un investissement important pour Orange
Patricia Lecocq, déléguée régionale de Orange pour la Champagne-Ardenne, confie son enthousiasme face à ce projet, et au concours plus en général. "Ça fait dix ans qu'Orange s'engage, est partenaire de Science Factor. L'objectif est d'inciter les jeunes filles à s'intéresser tôt aux carrières scientifiques et technologiques. Nous remettons un prix pour valoriser cet effort." Chaque projet doit être mené par une fille (mais l'équipe peut tout à fait être mixte, voir le tweet ci-dessous).
"Handimoov correspond aux critères qui nous intéressent : un projet numérique, avec un impact positif et sociétal. Il répond à un besoin : on en voit bien l'utilité. Elles ont travaillé avec des acteurs du monde du handicap, elles se sont bien entourées. C'était un projet qui émergeait; depuis, Orange Innovation les accompagne. On est à même de leur mettre à disposition nos experts. Régulièrement, on a des présentations sur leur avancement."
Handimoov est un projet numérique, avec un impact positif et sociétal.
Patricia Lecocq, déléguée régionale de Orange pour la Champagne-Ardenne
"Gabrielle et Caroline se débrouillent très bien. Leur beau projet avait une très grande maturité : il y a une forte envie de le finaliser, ce sont des battantes. J'ai des échanges réguliers avec Boris Ravignon : si il doit y avoir un pilote du projet, ce serait bien que ce soit sur le territoire de Charleville-Mézières. C'est pour ça qu'on les a primées. Ce n'est pas la première fois que le lycée Saint-Paul reçoit nos prix. En 2020, on leur avait remis un prix pour un projet de borne à destination des sans-abris. Sans oublier un projet de 'potager d'à côté'. On a hâte de découvrir leur projet en cours."
La fierté d'un lycée
À Saint-Paul, Fabrice Thomas, le professeur-référent du concours, est de tous ces projets "dans l'ère du temps" (actuellement, l'application My Diary pour venir en aide aux jeunes se posant des questions). "Cela aiderait les adolescents se questionnant sur la puberté, la sexualité, le harcèlement. Les jeunes sont en finale, elles passent leur oral dans une semaine."
Il évoque l'actualité, renvoyant au meurtre d'Agnès Lassalle, poignardée par un de ses élèves dans le sud de la France. "C'était peut-être un jeune en mal-être, qui n'a peut-être pas pu avoir de réponses à ses soucis. Une appli comme ça, ça peut vraiment être une aide pour les jeunes. Elle est faite par les jeunes pour les jeunes."
Pour revenir à Handimoov, Fabrice Thomas continue à suivre le projet. "Cette année, je n'ai plus ces élèves en cours. Mais je sais que tous les quinze jours, elles ont une réunion le samedi matin avec l'accompagnant de Orange. Elles sont très motivées." Oubliées, les grasses matinées pour Gabrielle et Caroline. "J'essaye d'y participer un maximum", poursuit monsieur Thomas, qui se dit impressionné par le travail déjà accompli par le binôme.