Tabac. Comment la vente illégale ruine les buralistes : "on est face à des organisations criminelles"

Sans le savoir, monsieur et madame tout le monde sont coupables de contrebande de tabac. Pire : ils consomment de la contrefaçon dont les risques sont pire pour leur santé. En Champagne-Ardenne, le phénomène est en forte augmentation.

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Alors que l'année n'est même pas terminée, 14 tonnes de tabac illégal ont déjà été saisies en Champagne-Ardenne en 2024. Ce sont deux tonnes de plus que sur toute l'année 2023. Pour faire face à ce trafic grandissant, tous les représentants des buralistes du Grand Est se sont réunis ce mardi 17 décembre à Nancy avec la direction des douanes, afin de régler le problème de la contrebande et de la contrefaçon de tabac qui ruine leur activité.

"Heureusement qu’on a la gestion des relais colis, dans les bureaux de tabac, car sans ça, on serait en grande difficulté financièrement" confie Pascal Brie, président de la fédération des buralistes de l’Aube. Pour rappel, en France, le tabac est sous le monopole des buralistes : ils sont les seuls à pouvoir le vendre.

La contrebande venue du Luxembourg

Pourtant, deux sortes de marchés parallèles battent des records. D'une part, la contrebande, c'est-à-dire acheter du tabac à l'étranger et en ramener en France. "Monsieur et madame tout le monde ne comprend pas forcément que ramener du tabac pour papa, maman, les amis, cousins, c’est illégal et interdit" nous précise Philippe Reynaud, directeur des douanes de Champagne-Ardenne.


La loi est claire : on peut ramener au maximum quatre cartouches pour son usage personnel depuis un autre pays de l'Union européenne et une seule cartouche hors UE.

Monsieur et madame tout le monde ne comprend pas forcément que ramener du tabac pour papa, maman, les amis, cousins, c’est illégal et interdit

Philippe Reynaud, directeur des douanes de Champagne-Ardenne

Toute la subtilité réside dans "usage personnel". Ramener une cartouche pour un ami ou un membre de sa famille, ce n'est plus de l'usage personnel.

Parfois, ce sont carrément des réseaux élaborés qui organisent cette contrebande en achetant de grandes quantités dans des pays frontalier. "Il n’y a plus trop de différentiel de taxation avec la Belgique, donc c’est plutôt le Luxembourg qui est intéressant" explique le directeur des douanes. Les grosses prises de contrebande se font généralement sur les autoroutes plutôt que lors des contrôles aux frontières.

La contrefaçon belge

Autre méthode pour contourner le monopole des buralistes : la contrefaçon. Il s'agit de cigarettes fabriquées clandestinement et n'obéissant à aucune règle. "On pense acheter du tabac, mais ça n'en est pas : on y retrouve de la poussière, des produits toxiques et plein de composés qui n'ont rien n'a y faire dedans" constate le représentant des buralistes de l'Aube. On y trouve également des crottes de souris, du ciment et des cheveux, comme l'expliquait Franceinfo.

La Champagne-Ardenne est d'autant plus touchée par ce phénomène, parce qu'il vient "d'usines clandestines implantées en Belgique" analyse le directeur des douanes. Sa distribution est ensuite assurée par "des organisations criminelles" de la même ampleur que le trafic de drogue. Comme pour les go fast, une voiture dite "ouvreuse" vérifie la présence de police ou de douane sur l'itinéraire avant que le camion transportant la contre-façon ne prenne la route.

La douane doit donc agir discrètement, dans des véhicules banalisés. C'est ce qui lui a permis de saisir deux tonnes de tabac de contre-façon le 19 octobre 2024 sur l'A34 au nord de Reims, nous apprend Philippe Reynaud.


Une camionnette Iveco, immatriculée en région parisienne, transportait des cartons de tabac, qui n'étaient même pas dissimulés. Elle était floquée comme un véhicule de location. Le conducteur se présentait comme transportant du matériel d'événementiel en provenance de Munich en Allemagne.

Les réseaux sociaux contre les buralistes

Le marché parallèle du tabac représente une part importante et qui augmente d'année en année : plus de 40% des achats de tabac, selon Pascal Brie, président de la fédération des buralistes de l’Aube. Conséquence directe : les achats diminuent dans leurs établissements. Rien que dans l'Aube, cela représente une diminution de 12% en termes de volume, entre le 1er janvier et le 30 novembre 2024, par rapport à l'année précédente.

"Le volume de vente de tabac par les buralistes à diminué de 12% en une année"

Fédération des buralistes de l'Aube

Un phénomène amplifié par les réseaux sociaux. Il devient de plus en plus facile de se fournir notamment via Snapchat, qui est également utilisé pour vendre de la drogue. Pascal Brie constate que certaines annonces proposent de vendre des tee-shirt à l'effigie de grandes marques de cigarettes. Mais en cliquant, il constate qu'elles vendent carrément des cartouches.

Ce professionnel des buralistes comprend cependant d'où vient cet engouement pour l'illégal : le coût de la vie et le pouvoir d'achat des Français qui diminue.
Pour rappel, un paquet de cigarette est taxé à plus de 80% par l'Etat ce qui représente une recette d'environ 15 milliards d'euros par an. Mais ce n'est rien comparé aux 25 milliards d'euros que coûtent les maladies provoquées par le tabac. Tout en sachant que le tabagisme est la première cause de mortalité évitable en France.
Un dernier chiffre pour la route : un fumeur sur deux meurt avant 65 ans de la cigarette.

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